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Ines-Noor Chaqroun, artiste-peintre : «Mon exposition “INC” est le fruit d’années de recherches, de découvertes et de travail acharné»

Ines-Noor Chaqroun «INC» propose actuellement à la Galerie 38 à Casablanca sa première exposition au Maroc, résultat d’un long cheminement, jalonné de questions, de doutes, d’expériences, d’errance, d’évidences et de choix. L’artiste nous ouvre son univers éclectique, vif, passionné et imprévisible.

Le Matin : Pourquoi avez-vous choisi l’art ?
Ines-Noor Chaqroun :
Je ne dirais pas que j’ai «choisi» l’art. L’art a toujours été autour de moi et en moi. Mais quelque chose m’empêchait d’explorer pleinement mon côté artistique, certainement les clichés habituels qui nous encouragent à explorer des vocations plus classiques.
Ce sont différents événements, expériences et voyages de ma jeunesse qui, au fur et à mesure, m’ont amenée à écouter la petite voix intérieure qui, depuis ma plus tendre enfance, me ressasse que je suis née Artiste.
L’art, et plus particulièrement la peinture, est ainsi venu à moi au moment où j’avais besoin de crier ma liberté. Il me suffisait de peindre pour enfin trouver ma voie, la paix, me libérer et m’exprimer comme j’aime. L’art m’a choisie et j’ai choisi de le suivre pour m’épanouir.

Quel type d’art vous décrit-il le mieux ?
Je fais du Ines-Noor-Chaqroun. Mon art est très personnel, je ne m’identifie pas à un mouvement artistique en particulier, bien que j’aime particulièrement l’expressionnisme et le mouvement dada. Mon art est à l’image de mon parcours : vif, coloré, passionné et imprévisible. Il est le reflet de moi-même, entre émotions et contradictions, réflexions, douceur, convenances et rage.

Quel est le sujet principal dans votre travail ?
L’extériorisation et le partage d’émotions.
Je suis une artiste au service des émotions. Les miennes, et la toile est mon support d’expression et de communication. Et de celles des autres, car mon but premier à travers l’art est de partager, de me connecter aux autres, de véhiculer des émotions.

Quels thèmes explorez-vous ?
En priorité, je dirais la liberté. Cette question est centrale pour moi et nourrit plusieurs autres voies dans mon travail. La liberté d’être qui l’on veut être et non ce que la société a décidé que vous devez être. J’ai une opinion bien précise sur certains aspects de notre société qui consiste à nous coller des étiquettes, nous ranger dans des cases dès le premier jour de notre vie. À travers mon art, j’essaye de partager ma vision de la liberté, qui selon moi passe par le décloisonnement social comme une délivrance.

Quel est le moment le plus marquant dans votre carrière ?
Fin octobre 2018, alors que je suivais des cours d’art contemporain à L’Accademia D’Arte de Florence, ma professeure de peinture, Hailey Hodge, s’entêtait à me pousser encore plus loin dans mon expression artistique, et ne cessait de me mettre au défi. Nous savions que j’étais une artiste, elle plus que moi, car il me revenait encore à moi de le réaliser pleinement, de dépasser mes doutes et d’embrasser ce choix, ce destin j’espère.
Ces semaines à Florence ont provoqué en moi une sorte d’électrochoc : je devais faire de la peinture mon métier, persévérer et me battre pour y arriver.

Comment votre pratique a-t-elle évolué 
au fil du temps ?

Selon les villes merveilleuses dans le monde où j’ai eu la chance de travailler, j’ai exploré progressivement différentes techniques et matières, la peinture à l’huile, la technique de paysage, l’abstraction du couteau, le collage manuel, le street art. À Florence, je peignais sur bois avec de la poussière de marbre, du sable, des pigments et du gesso. À Berlin, j’ai commencé par le collage, s’en est suivi de l’abstraction au Spray Acrylic pour finir par mes «bonhommes» qui, au fur et à mesure, ont laissé place à mes créatures aux formes ectoplasmes qui aujourd’hui se mélangent à différents matériaux et techniques qui les décomposent, les libèrent, mais pas complètement.
Ma pratique a beaucoup évolué au fil du temps et ne cessera d’évoluer, car elle est l’expression de ma quête et de ma construction. Ce que vous pouvez voir lors de cette exposition à la Galerie 38 de Casablanca est la somme et l’aboutissement de ces expériences.

Que pouvez-vous nous dire sur cette
 exposition ?

Mon exposition «INC» est le fruit de plusieurs années de recherches, de découvertes et de travail acharné qui m’ont permis de trouver mon propre langage. Comme disait Frida Kahlo : «Je peins ma propre réalité. J’utilise le processus artistique comme un exutoire».
Cette exposition est comme une naissance au monde, le passage d’un état embryonnaire à mon éclosion artistique. Elle est tant le reflet de mon histoire à travers mes émotions que celle de mes émotions à travers mon histoire.
Vous comprenez maintenant pourquoi elle porte simplement mon nom.

Quelle est votre œuvre d’art favorite 
et pourquoi ?

Mon œuvre préférée est sans hésitation «Auf Spitzen» de Kandinsky. C’est probablement la première œuvre d’art qui a capté mon regard, mon esprit et mon âme avec tant d’attention lors d’une visite au Centre Georges Pompidou à Paris en 2012. Cette œuvre traduit en toute subtilité les émotions et sensations de l’artiste. J’y vois une autonomie de la couleur et de la ligne, une conversation graphique et colorée entre les différents éléments sans aucun élément référentiel.
En conclusion, une libération et liberté totale où l’émotion métamorphose le monde extérieur, au profit du rêve, jusqu’à le rendre non identifiable.
Qui est votre grand-père dont on dit qu’il a été une source d’inspiration pour vous ?
Mon grand-père, Abdallah Chakroun, était un grand homme de lettres, de théâtre et de télévision. C’était également un esthète.
Abdallah Chakroun était surtout mon «Papy Poisson» qui m’emmenait au Zoo de Rabat étant enfant, qui me parlait et m’écoutait raconter la vie avec mon regard naïf de petite fille. Il se mettait à mon niveau, jamais plus haut, pour m’écouter d’égal à égal. Il était mon confident, m’a aidée à traverser les étapes de ma vie, m’a encouragée sans jamais me juger. Il était l’un des 
êtres les plus importants et les plus inspirants que j’ai connus. La souffrance provoquée par son absence m’a donné la force d’écouter mon être intérieur. Il m’inspire plus que tout, car c’était un homme de talent et de grâce, un intellectuel courtois, plein de respect pour les autres, un homme tolérant et universel. 

Propos recueillis par Nadia Ouiddar

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