Viol, harcèlement, agressions… de nombreuses femmes marocaines sont victimes d’actes de violence sexuelle. Afin de produire une base de connaissances sur ce type de violences au Maroc et de promouvoir la responsabilité de l’État, l’association MRA Mobilising for Rights Associates a réalisé un rapport de recherche-action. Rendu public il y a quelques jours, ce rapport analyse les expériences des femmes et la réponse des acteurs publics aux violences sexuelles. Il a été élaboré grâce à une recherche-action de terrain auprès de victimes et d’autres acteurs clés, en collaboration avec quatre ONG partenaires à travers le Maroc. Il s’agit de l’Association Amal pour la femme et le développement à El Hajeb, la Fédération des Ligues des droits des femmes à Ouarzazate, Anaouat pour femme et enfant à Chichaoua et Tafiil Al Moubadarat à Taza.
Les victimes ont toujours peur de dénoncer leur agresseur
D’après le rapport, 58% des répondants en ligne et 74% des femmes interrogées ont signalé la violence sexuelle à au moins un acteur public. Les services de santé publique sont le secteur vers lequel les femmes se tournent le plus souvent en premier. En outre, l’association a souligné que les femmes ne signalent pas les violences sexuelles aux autorités publiques, ou retirent leurs plaintes à un moment donné du processus pour de nombreuses raisons. «Elles ont généralement peur d’être blâmées, ou même poursuivies elles-mêmes pour des relations sexuelles en dehors du mariage. Elles sont aussi découragées par la non-criminalisation du viol conjugal, et ont le sentiment que ce signalement n’entraînerait aucun résultat, à cause des procédures peu claires et compliquées. Elles n’ont pas confiance dans le système. Certaines sont même menacées de la part de leur agresseur, ou maltraitées par des acteurs publics, sans oublier les difficultés financières et l’incapacité à faire face aux coûts connexes qui les empêche de continuer la procédure», lit-on dans le rapport. «La réponse des acteurs publics aux affaires de violence sexuelle tend à se limiter à déterminer s’il existe ou non une relation préexistante entre l’auteur et la victime, plutôt qu’à enquêter activement et se concentrer sur les circonstances coercitives de l’incident spécifique en question. Un grand nombre de femmes victimes de violence sexuelle ne s’engagent jamais dans le système de justice pénale et ne déposent que des plaintes devant le tribunal de la famille pour des recours civils tels que le divorce, la pension alimentaire et la détermination de la paternité.
Par ailleurs, la recherche-action n’a révélé aucun cas où les femmes bénéficiaient des mesures de protection disponibles dans le Code pénal et le Code de procédure pénale actuels», poursuit la même source.Impacts des violences sexuelles sur la vie des femmes
La recherche-action de MRA Mobilising for Rights Associates a montré que les femmes victimes de violence sexuelle subissent une multitude de préjudices psychologiques, économiques, physiques, familiaux, sociaux, sexuels et professionnels. À cause de ce type de violences, les femmes peuvent également vivre toutes sortes de mésaventures tels les grossesses non désirées, les tentatives de suicide et les poursuites et l’emprisonnement pour relations sexuelles hors mariage. «Face à ces fâcheuses conséquences, les femmes ont une grande diversité de réactions immédiates aux violences sexuelles, y compris être en état de choc. En raison d’un traumatisme, un bon nombre d’entre elles ne réagissent ou n’agissent que des jours ou des semaines plus tard. Il y a souvent un décalage important entre le moment où la violence se produit et le moment où les femmes sollicitent l’aide des autorités publiques, voire jamais», rapporte
l’association.Et d’ajouter que plus de 80% des femmes interrogées avaient contacté et demandé de l’aide à une personne de leur entourage, le plus souvent un membre de leur famille de confiance. Concernant les réactions des proches, celles-ci étaient mitigées. «Les réponses de soutien comprenaient l’accompagnement aux services publics, la protection contre l’agresseur, l’aide à mettre fin à la violence, une aide financière, un abri ou un soutien moral. Les réponses neutres incluaient le fait de lui demander d’être patiente ou de ne rien faire. Les réponses néfastes comprenaient l’expulsion du domicile familial, le blâme, la menace de violence physique et le mariage forcé avec son agresseur.»Recommandations
Parmi les recommandations formulées par MRA Mobilising for Rights Associates, suite à cette recherche-action, la remédiation aux lacunes des lois actuelles sur la violence sexuelle, y compris le manque d’une définition exhaustive du consentement qui inclut une grande variété de circonstances coercitives. L’association appelle, en outre, les autorités à se concentrer sur l’agresseur et son comportement et pas sur sa relation avec la victime. «Il faut veiller à ce que les femmes reçoivent une protection adéquate contre les violences sexuelles, y compris la mise en œuvre des mesures de protection disponibles et le développement de nouvelles mesures, en comprenant comment la réponse actuelle de l’État punit les victimes et perpétue l’impunité des agresseurs. Il faut tenir les acteurs publics de l’État, et non les victimes, responsables de la recherche de solutions aux violences sexuelles et développer des stratégies holistiques qui répondent à tous les obstacles auxquels les femmes sont confrontées pour signaler ces violences, y compris les menaces pour leur sécurité personnelle, physique, sociale et économique et les obstacles juridiques liés à des lois, politiques, procédures et pratiques inadéquates», recommande MRA, appelant à veiller à ce que la réponse de l’État à la violence sexuelle reflète les priorités exprimées par les femmes, à savoir un bon accueil, des services publics adéquats, l’application des lois et procédures pénales et des remèdes appropriés.