L’importance des aides publiques pour soutenir le pouvoir d’achat des effectifs employés dans les entreprises n’est plus à démontrer. Son impact a été prouvé lors de cette crise sanitaire. Cela est particulièrement vrai pour les entreprises opérant dans le secteur informel. «Pour renforcer la résilience de ce secteur et améliorer sa performance économique, une stratégie nationale dédiée aux activités informelles reposant sur une approche intégrée et cohérente est indispensable», indique le Haut-Commissariat au Plan (HCP) dans une publication intitulée «Le secteur informel au Maroc : principales caractéristiques et tendances d’évolution». Cette réforme doit tenir compte de plusieurs
facteurs : l’accès au financement et au marché, la formation, la sécurité sociale, l’amélioration de la gouvernance, surtout l’adaptation de la réglementation en vigueur et la réforme du dispositif fiscal, notamment le mécanisme de la TVA. Ce dernier, révèle l’étude menée par le HCP, est la principale composante fiscale qui pousse vers l’informel et non l’impôt sur les sociétés. Et pour cause, les chefs d’unités de production informelles (UPI) «s’approvisionnent en amont auprès de fournisseurs qui eux-mêmes sous-déclarent ou travaillent dans l’informel. Ceci leur permet d’acheter sans facture réglementée et donc d’échapper à la facturation en mode TVA», explique le HCP. Leur faible inclusion financière, le manque de liquidité et l’irrégularité de leurs recettes financières en sont les principales causes.
Autre obstacle au passage au secteur formel, selon le document, les multiples formalités à remplir pour la création d’une petite entreprise, considérées coûteuses en temps et en argent, les réglementations contraignantes et la lourdeur de la paperasse à fournir. Cette «complexité» pousse beaucoup de patrons vers l’informel. Par ailleurs, «les ajustements du SMIG influencent également l’activité informelle», précise le document. Ainsi, les TPE et les PME, dont les charges salariales pèsent lourdement sur le résultat net, ne peuvent pas toujours faire face à une augmentation du SMIG. Ce qui les contraint souvent à réduire leurs effectifs ou à ne pas les déclarer. C’est pourquoi une augmentation de SMIG doit être couplée à des mesures d’accompagnement. Dans le cas contraire, toute révision à la hausse du SMIG impliquerait une hausse du chômage qui, lui-même, favoriserait une croissance de l’informel. En outre, l’auto-emploi est étroitement lié à la création des UPI, selon le HCP. Le recours à cette forme juridique «constitue une composante prépondérante au sein des différentes formes de l’informalité». Selon les différentes enquêtes du Haut-Commissariat au Plan, en 2013, les unités de petite taille mobilisant une seule personne ont constitué 74,9% de l’ensemble des UPI, alors que les unités de quatre personnes et plus n’en représentaient que 2,9%.
Enfin, le taux de croissance du revenu national brut (RNB) par habitant a un effet sur le développement des UPI. «Des écarts importants entre les taux d’informalité par niveau de revenu des pays sont généralement constatés», souligne le HCP. En gros, des taux d’informalité élevés sont associés à de faibles niveaux du RNB par habitant. Ainsi, l’indicateur composite de l’informalité du HCP se retrouve influencé positivement par le développement de l’auto-emploi et par une augmentation de la TVA et du SMIG. En revanche, une amélioration de la qualité de la réglementation et la croissance du RNB par habitant réduit l’informel. Pour rappel, cet indicateur composite est calculé sur la base des informations liées aux facteurs incitant à la création des UPI (23 variables en tout), «dont les évolutions seront comparées à celle d’une variable «Proxy» qui capte les fluctuations de la population active occupée dans l’informel», précise le document. Ces 2 indicateurs ont connu une baisse notable, en raison des restrictions mises en vigueur pendant la période de confinement et de la faible reprise de la demande des ménages en période post-confinement. Ce recul, souligne le HCP, ne peut traduire qu’un basculement des actifs de l’informel vers le chômage ou l’inactivité.
Un secteur qui se tertiarise
Les créations d’unités de production informelles (UPI) ont accéléré sur la période 1999-2006 : +2,9% en moyenne par an pour redescendre à +1,3% sur la période 2007-2013. La part de l’emploi informel dans l’industrie du textile, de l’habillement, du cuir et de la chaussure est passée de 12,49% à 7,3% d’une période à l’autre. Les créations des UPI se sont principalement développées dans les secteurs des services, «particulièrement la branche des transports, communications et restauration, confirmant la tertiarisation de ce secteur»,
révèle le HCP. Le commerce reste le principal vecteur de l’économie informelle au Maroc : 50,6% des effectifs employés en 2013.
«Les indépendants» demeure la catégorie professionnelle la plus importante. L’auto-emploi est la forme dominante chez ces indépendants. En outre, en 1999, l’emploi permanent représentait 86,2% de l’emploi total dans l’informel, pour atteindre 96,57% en 2007, avant de redescendre à 94,62% en 2013.