C’est fait ! La Chambre des représentants a adopté, mercredi 10 février, en deuxième lecture et à l’unanimité, le projet de loi n° 15-18 relatif au financement collaboratif «Crowdfunding». Présenté en mars 2018 par le ministre de l’Économie et des finances, le texte s’inscrit dans le cadre des efforts des pouvoirs publics pour le renforcement de l’inclusion financière des jeunes porteurs de projets et l’appui au développement économique et social. Sans oublier la canalisation de l’épargne collective vers de nouvelles opportunités. Prochaine étape, la publication sur le Bulletin officiel pour permettre à cette loi d’entrer en vigueur. Ceci dit, reste à mettre en place une série de décrets et de circulaires pour le démarrage effectif de cet outil.
Un financement ouvert et partagé
Le «Crowdfunding» connaît depuis plusieurs années une expansion fulgurante. Ce mode de financement par la foule, privilégié par les innovateurs et les associations, séduit de plus en plus les startups et les porteurs de projets qui ne peuvent ou ne veulent pas financer leurs projets via les formules classiques (banques, prêts d’honneur, etc.). Le principe est simple. Le porteur de projet lance une campagne sur des plateformes de «Crowdfunding», où il présente son projet et l’usage qui sera fait du montant qu’il cherche à collecter. Autrement dit, il s’agit d’une campagne de communication fixée dans le temps, visant à engager la communauté et collecter une somme d’argent pour un objectif bien défini. Ces activités prennent trois formes de financement, à savoir le prêt, l’investissement en capital et le don. Bien au-delà du financement, le «Crowdfunding» permet aux entrepreneurs de faire connaître leurs projets et d’accroître leur crédibilité sur le marché. En créant une campagne de financement, via une plateforme marocaine ou étrangère, les porteurs de projets ont un accès rapide au marché, ce qui leur permet de tester leurs produits auprès de leur cible, économisant ainsi du temps et de l’argent. «Le “Crowdfunding” est un moyen de financement très flexible, il n’est limité que par la volonté des communautés qui veulent soutenir le projet. Ceci dit, il est mieux adapté pour les projets “B2C”, c’est-à-dire ceux qui visent des particuliers. L’objectif étant de récolter des petites sommes de beaucoup de personnes, des “backers”, c’est plus facile d’atteindre cette masse critique chez les particuliers qu’en visant des entreprises», explique Eric Asmar, CEO de Happy Smala, une agence de conseil en Finance alternative et en Innovation, pionnière du «Crowdfunding» au Maroc à travers la plateforme Smala&co.Une réglementation réclamée par l’écosystème entrepreneurial
Mettre en place un cadre législatif pour le «Crowdfunding» a été, depuis des années, l’une des demandes pressantes des acteurs de l’écosystème entrepreneurial marocain. La première mouture de la loi 15-18 sur le financement collaboratif a été finalisée en 2018. Le projet de loi a été approuvé en conseil de gouvernement en août 2019, puis présenté au Parlement en décembre de la même année.Ledit projet dresse la liste des règles de vérification préalable à respecter pour les projets à financer. Il comporte en outre des mesures de sécurisation des transferts et de protection des contributeurs et le plafonnement des montants à lever, en fonction du type de financement collaboratif adopté, par projet et par contributeur. Ce projet de loi reflète les efforts et initiatives des pouvoirs publics pour renforcer l’accès au financement et l’inclusion financière des porteurs des petits projets et diplômés. En plus de faciliter l’accès à une nouvelle forme de financement, le «Crowdfunding» peut également être une nouvelle source de devises pour le Maroc puisqu’il permettra aux Marocains du monde de participer au développement du tissu économique de leur pays. «Cette loi permettra aux plateformes d’opérer librement sur le marché marocain avec des systèmes de paiement marocains, réduisant ainsi les coûts et élargissant le portefeuille de projets potentiels à financer. Pour les startups, c’est un outil de validation du projet auprès de la foule, de communication et de levée de fonds évidemment et le fait qu’il soit régi par la loi marocaine élargit la communauté des backers/contributeurs potentiels», avait déclaré Eric Asmar. Réagissant à ce sujet, Adnane Addioui, président du Centre marocain pour l’innovation et l’entrepreneuriat social (MCISE), se réjouit de cette avancée dans le processus de réglementation du «Crowdfunding», mais soulève tout de même quelques limites à cette loi qui seraient des freins pour une réelle promotion de l’entrepreneuriat et plus particulièrement pour les plateformes de financement collectif (lire la déclaration de Addioui).Déclaration de Adnane Addioui, président de MCISE
«Le projet de loi 15-18 régissant le financement collaboratif a été adopté ce jeudi 11 février 2021, en deuxième lecture, par les membres de la Commission des finances et du développement économique de la Chambre des représentants. Nous nous réjouissons de voir que nous avons une loi qui régit le financement participatif qui représente une réelle opportunité pour les porteurs de projets. Cette loi insufflera une nouvelle dynamique d’innovation dans le domaine de l’entrepreneuriat et donnera le goût du risque aux Marocains et une floraison de startups innovantes à fort impact. Au sein du Centre marocain pour l’innovation et l’entrepreneuriat social (MCISE), nous voyons tous les jours naître de nouveaux projets, tous portent une touche d’innovation sociale. Cette loi est, certes, une belle opportunité pour les entrepreneurs, mais je pense que techniquement, elle reste contraignante pour les plateformes de “Crowdfunding».
Concrètement, les plateformes de «Crowdfunding» comme Wuluj.com n’ont pas trouvé leur place dans cette loi. Le texte de loi doit faciliter la relation d’individu à individu et la réglementer pour pouvoir servir les entrepreneurs. Elle doit également encourager et donner envie aux porteurs de plateformes comme le cas de Wuluj.com de se lancer et de continuer cette dure mission. La loi comporte des conditions qui alourdissent les démarches pour ces plateformes comme :• Détenir un capital social minimum de 300.000 dirhams.• Disposer elles-mêmes d’une politique de prévention et de réduction des risques permettant d’identifier l’origine et la destination des fonds.• Demander des informations complémentaires en ce qui concerne les fonds conséquents.• Vérifier les interdits bancaires des différents acteurs.Tout un arsenal qui doit être mis en place par la plateforme elle-même qui alourdit son rôle d’accompagnateur de projets innovants et libérateur des énergies et des potentiels. Une collaboration entre la plateforme et les différents acteurs (Banque centrale, ministère des Finances...) doit être approfondie dans l’objectif de permettre aux plateformes de se focaliser sur le métier (financement). La loi est réfléchie pour les projets et non pour les plateformes, à savoir que dans le monde, la quasi-majorité des plateformes sont soit Social Business ou adossées à de grosses structures et donc souvent sans but lucratif. Et puisqu’on ne fait pas d’argent avec le «Crowdfunding» de manière générale en tant que plateforme nous recommandons d’avoir un statut qui permette aux plateformes d’assurer leur rôle avec une TVA et une fiscalité qui puisse accompagner le développement de ce type de projet.»