Menu
Search
Lundi 20 Janvier 2025
S'abonner
close
Lundi 20 Janvier 2025
Menu
Search

«Le Maroc a réalisé un parcours distingué pour devenir un hub économique entre le continent et les autres parties du monde»

No Image

Le Matin : Le Maroc et l’Afrique, une relation historique et séculaire, qui a pris une nouvelle dimension il y a plus de 20 ans. À quel point ceci a-t-il changé le Royaume ?

Mahmoud Arbouch : Depuis son indépendance, le Maroc s’est inscrit dans un processus continu d’affirmation de son identité africaine, en faisant du continent un choix stratégique de premier rang. Fidèle aux liens historiques profonds qu’il entretient avec l’Afrique, le Royaume a toujours œuvré pour la consolidation des liens politiques et pour le tissage de partenariats économiques avec ses confrères africains. Ainsi, le Maroc a signé plusieurs accords bilatéraux avec des pays d’Afrique subsaharienne portant sur le commerce et l’investissement, comme il a conclu un ensemble d’accords régionaux, dont le plus important est celui marquant son adhésion à la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) en 2019. Il y a plus de 20 ans, la vocation africaine du Maroc a pris une nouvelle dimension sous le Règne de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, en s’inscrivant dans une vision de long terme basée sur une logique de coopération Sud-Sud. Les multiples visites officielles et les tournées du Souverain dans plusieurs pays africains témoignent de l’engagement sincère du Royaume en faveur du continent. Les efforts consentis par le Maroc pour renforcer ses liens avec les pays de l’Afrique ont abouti à un raffermissement des liens économiques bilatéraux. Ainsi, le commerce entre le Maroc et les pays africains s’est considérablement développé durant les 20 dernières années, où les exportations du Maroc vers le continent ont progressé de 10% en moyenne durant la même période pour s’établir à 20 milliards de dirhams en 2019, tandis que les importations marocaines en provenance de l’Afrique ont enregistré une croissance de 6% en moyenne sur les deux dernières décennies, pour atteindre 13 milliards de dirhams en 2019. Pour leur part, les investissements directs marocains en Afrique ont progressé de 8% durant les dix dernières années, passant de 3 milliards de dirhams, en 2009, à 6,8 milliards de dirhams, en 2019.

Comment évaluez-vous le chemin parcouru par le Royaume pour devenir un hub économique entre le continent et les autres régions du monde ? 

De par sa position géographique comme point d’entrée au continent, le Maroc a effectivement réalisé un parcours distingué pour devenir un hub économique entre le continent et les autres parties du monde, en se positionnant comme le premier investisseur africain en Afrique de l’Ouest et le deuxième au niveau du continent. Ainsi, l’offre d’investissements marocains en Afrique cible un large éventail de secteurs stratégiques, tels que les télécommunications, avec la présence de Maroc Telecom dans un ensemble de pays (Mauritanie, Burkina Faso, Gabon, Mali) ; le secteur bancaire

qui accapare plus de la moitié des investissements marocains en Afrique, avec la forte présence du trio Attijariwafa bank, Bank Of Africa et la Banque Centrale Populaire (BCP) ; le secteur des holdings, avec Al Mada, présent en Afrique subsaharienne à travers Managem, qui opère dans le secteur des mines et de l’hydrométallurgie, et la compagnie Optorg, spécialisée dans la distribution de matériels ; le secteur des services, marqué par la présence de l’ONEE, qui opère dans l’électrification et l’affermage de l’eau potable dans des pays comme le Sénégal et le Cameroun, sans oublier la présence du Groupe OCP, à travers OCP Africa, basé dans 16 pays du continent et comptant 12 filiales qui œuvrent pour la sécurité alimentaire en Afrique. Ainsi, les entreprises marocaines apportent un savoir-faire dans les secteurs économiques clés du continent africain tout en créant des conditions de base nécessaires à l’amorce d’un véritable développement socio-économique en Afrique, qui ne pourrait avoir lieu sans accès aux services financiers et de télécommunication de base, à l’électricité et à l’eau potable et sans sécurité alimentaire. Cette dynamique de liens économiques et financiers entre le Maroc et les pays africains témoigne de la volonté du Maroc de rééquilibrer ses relations avec les pays du Sud, en s’érigeant comme véritable hub économique qui œuvre pour le développement de l’Afrique et son ouverture économique sur le reste du monde.

Comment la crise actuelle a-t-elle impacté ce positionnement du Maroc ?

Il est, certes, difficile de se prononcer à ce stade sur l’impact du choc de la Covid-19 sur le positionnement du Maroc, mais on peut déjà affirmer que d’une manière globale, la crise actuelle a démontré que la proximité est un facteur clé pour l’efficience des chaînes de valeur, sans laquelle aucun pays ne pourrait espérer atteindre un niveau élevé de compétitivité. Néanmoins, il est important de rappeler que des prémices de relocalisation étaient déjà présentes avant l’avènement de la crise sanitaire, notamment avec la montée de mouvements nationalistes de part et d’autre en Europe et en Amérique, et que le choc de la Covid-19 n’est qu’un facteur potentiellement accélérateur de cette tendance. Pour le Maroc, la meilleure manière de répondre à cette relocalisation est de se présenter comme un partenaire industriel crédible, capable de bâtir des chaînes de valeur autonomes et fiables avec l’Europe ou encore avec l’Afrique dans le cadre de la ZLECAf. 

En effet, les atouts dont bénéficie le Maroc, que ce soit sa position géographique, sa stabilité politique, sa main-d’œuvre qualifiée, son infrastructure routière et portuaire et ses plateformes industrielles intégrées, lui permettent de se positionner comme un acteur «best-cost», et non pas simplement «low-cost», dans un certain nombre de secteurs industriels. 

Quels sont les défis à relever pour un ancrage de la place du Maroc comme hub économique entre l’Afrique et le monde ? 

Pour ancrer davantage sa place comme hub économique entre l’Afrique et le monde, le Maroc doit approfondir ses accords commerciaux avec son continent d’appartenance, d’une part, et l’Europe, d’autre part, cette dernière étant le principal client et fournisseur du Royaume. Du côté du Sud, la mise en œuvre de la ZLECAf permettra une consolidation des avantages compétitifs avec la possibilité de pénétrer les marchés africains à des prix concurrentiels du fait de l’élimination des barrières douanières, mais aussi un approvisionnement moins coûteux en matières premières, pour les chaînes de valeur implantées au Maroc. 

Par ailleurs, la signature, par le Royaume, de l’accord sur la ZLECAf pourrait favoriser une potentielle adhésion à la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), ce qui favoriserait l’intégration économique avec l’ensemble des pays de l’Afrique de l’Ouest, étant donné la capacité de l’union douanière ou l’union économique à doper les échanges commerciaux entre les pays partenaires. 

Du côté du Nord, le Maroc doit œuvrer pour l’aboutissement des négociations sur l’Accord de libre-échange complet et approfondi (ALECA) avec l’Union européenne (UE). 

Une évolution de l’accord d’association avec l’UE vers un ALECA permettra, entre autres, une pleine libéralisation du commerce des produits agricoles entre les deux partenaires et une meilleure mobilité des travailleurs entre les deux rives de 

la Méditerranée, notamment pour la prestation de services, ce qui concrétisera davantage la place du Maroc comme hub économique entre l’Afrique et l’Europe. 

Lisez nos e-Papers