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Le message d’optimisme d’Ahmed Lahlimi Alami

«L’analyse dans sa globalité de la situation dans notre pays en 2020 et les perspectives de son évolution en 2021 nous incitent à maintenir notre préjugé favorable pour la prochaine décennie, et ce, malgré la complexité singulière du contexte économique et sanitaire international sur lequel elle s’ouvre». Dans l’introduction du Budget économique exploratoire 2022 rendu public cette semaine, le haut-commissaire au Plan, Ahmed Lahlimi Alami, fait montre d’optimisme, argumentant chacun des facteurs qui alimentent ce dernier.

Le message d’optimisme d’Ahmed Lahlimi Alami

«Vers les derniers mois de 2019, alors qu’à travers une carte des conjonctures qui avaient dominé la situation économique au Maroc dans chacune des trois décennies antérieures, la projection de l’année 2020 nous portait à conclure que, malgré les années de sécheresse successives qui avaient marqué la fin de la décennie 2010-2020, cette année devait annoncer un nouveau cycle mieux orienté en général de notre économie nationale. Cette conclusion n’était pas le fait de je ne sais quelle théorie des cycles économiques, du reste aujourd’hui inopérante dans le contexte de l’économie moderne, mais celle d’une analyse des dimensions sociétales qui ont toujours comparativement constitué les ressorts profonds des modèles et des niveaux de notre économie nationale au cours de chacune de ces décennies.

L’analyse dans sa globalité de la situation dans notre pays en 2020 et les perspectives de son évolution en 2021, par-delà les données économiques fournies par ce traditionnel Budget exploratoire que nous présentons à l’instar des autres années et qui porte dans sa version actuelle les stigmates de la terrible pandémie Covid-19, nous incitent à maintenir notre préjugé favorable pour la prochaine décennie, et ce, malgré la complexité singulière du contexte économique et sanitaire international sur lequel elle s’ouvre.
La mondialisation, présumée heureuse lors de son éclosion, se déployait à l’aube du 21e siècle en un paysage économique international dominé par les multinationales en position dominante sur le marché des capitaux et des compétences scientifiques et technologiques au détriment, en général, des valeurs de croissance et des ménages, les unes et les autres en surendettement chronique avec un faible souci de la préservation des ressources naturelles de la planète et une montée croissante des inégalités sociales et territoriales entre nations, régions et au sein de chacune de celles-ci.

Alors que les pays qui constituent traditionnellement les locomotives de la croissance mondiale n’en finissaient pas, dès lors, de faire face, dans une sorte de désarroi budgétaire et monétaire, à la perduration des effets de la grave crise financière de 2008-2009, il devenait évident que cette dernière n’était pas celle de l’hégémonie de la sphère financière dans la mondialisation à un niveau de son évolution, mais plus foncièrement, comme nous l’avons souvent analysé 
depuis plus d’une dizaine d’années, l’annonce de l’épuisement de son modèle de croissance.

Dans ce contexte, les États-Unis, forts du statut privilégié du dollar, ont dû réagir par une politique contracyclique agressive de l’offre et, aujourd’hui, par celle de la demande, dans un climat de quasi-guerre froide avec la Chine et ses alliées. Cette dernière devait reconsidérer sa stratégie de croissance et procédait à une restructuration de ses grandes entreprises, avec la double et constante ambition de gagner la compétition technologique et spatiale avec les États-Unis et renforcer son audience internationale. L’Europe, confrontée au Brexit et aux persistantes contradictions de doctrine économique et de vision sociale entre le Nord et le Sud, mettait en «mode système» sa politique monétaire et endossait aux pays en développement les charges de la sécurité de ses frontières et de ses crises sociales et identitaires. Les pays en développement devaient, quant à eux, subir la contraction du commerce mondial, la volatilité des marchés et, à cause de la faible exposition extérieure de leurs entreprises et de l’endettement de leurs États, l’incapacité de bénéficier de la débauche de liquidités qui inondait les marchés internationaux profitant, en particulier, aux valeurs stratégiques et, secondairement, aux valeurs de croissance des pays développés.

C’est dans ces conditions où s’est abattue sur le monde une des plus graves pandémies qu’il n’a jamais connue portée par l’énigmatique et létal virus de la covid-19, aggravant les déficits et reportant à des horizons indéterminés les relances économiques dans l’attente d’un plus grand usage par les ménages de l’épargne accumulée au cours des confinements sanitaires et d’un retour souhaité de l’inflation.

Mobilisant leur potentiel industriel et technologique et les ressources financières mises sans limites à leur disposition par leurs banques centrales, les pays occidentaux ont été en mesure de produire ou d’acquérir les vaccins nécessaires pour protéger en toute urgence leur population et leur assurer dans la durée des doses supplémentaires de vaccins, accentuant par-là leur fracture avec les pays en développement.  Cette nouvelle source des sentiments d’un injuste abandon, de frustration et d’amertume que ressentent ces derniers, en proie à la pandémie, devrait être évaluée par la communauté internationale, à l’aune de ses conséquences géostratégiques et des risques d’extension de foyers d’instabilité dans plusieurs régions du monde.

C’est dans cette situation que la croissance économique en 2021 est de retour dans les pays développés, avec une discordance de temps et de niveau entre les États-Unis et la Chine, d’un côté, et l’Europe, de l’autre, alors qu’elle fait dramatiquement défaut dans les pays en développement, notamment en Afrique, en Amérique latine et en Asie y compris dans la grande puissance indienne, tous confrontés à la dégradation de leurs potentiels de production et de la situation sanitaire et économique de leurs ressources humaines.

Dans ce contexte parmi les plus compliqués que le monde ait connu, le Royaume du Maroc fort de l’audience internationale dont jouit son Roi Mohammed VI, a su, avec les Hautes Directives Royales, inscrire dans une sereine souveraineté la défense de ses intérêts supérieurs et conforter son poids spécifique sur la scène internationale grâce aux prérogatives régaliennes ayant présidé au nouveau dynamisme que connait, sur le plan institutionnel, la mise en œuvre des institutions et mécanismes prévus par la Constitution de 2011 et notamment celles à vocation participative et, sur le plan économique, une politique publique plus volontariste de diversification industrielle de l’économie nationale.
Le lancement, dans ce cadre, par Sa Majesté le Roi du grand projet industriel de fabrication des vaccins revêt la dimension d’une initiative emblématique de ces prérogatives régaliennes. Sa portée va au-delà de ses objectifs propres. Il se présente comme s’il était le modèle de ce que doit être le contenu du concept de souveraineté économique auquel le message Royal l’a associé. Par la diversité politique et internationale des partenaires dans la joint-venture appelée à réaliser ce projet, ce concept, loin de renvoyer à une notion d’autosuffisance, est plutôt un appel à des politiques publiques dont la décision, toujours souveraine, devrait s’inscrire dans une ouverture sur le monde et une prise en compte de la solidarité régionale et des rapports Sud-Sud.

Dans sa dimension opérationnelle, ce concept implique le retour en force de l’État. Un État fort de sa légitimité historique, populaire et constitutionnelle.  Toujours stratégique. Toujours régulateur. Mais plus résolument développeur. Initiateur de partenariats avec les capitaux privés, nationaux ou internationaux, les
collectivités territoriales et les organisations de la société civile dans des jointes-venture de toutes dimensions économique ou financière, dans le cadre d’une planification stratégique où l’exigence des réformes économiques et sociétales se nourrit des deux dimensions régalienne et démocratique.
Nous croyons, à cet égard, que le débat national autour du Nouveau Modèle de Développement, à partir de la réflexion menée par la Commission Nationale dédiée à cet effet, devrait fort à propos inaugurer une mobilisation des forces vives de la Nation, pour s’ouvrir sur le Pacte national de développement auquel elles sont appelées à souscrire, en faisant un bon usage de ce concept de souveraineté économique et contribuer à doter la décennie 2020 des ressorts sociétaux d’un nouveau cycle de croissance économique et de prospérité sociale. Les retombés d’un tel débat sauront apporter au nouveau cycle de croissance une réelle valeur ajoutée de nature participative, sociétale, psychologique et par là économique.

Par Ahmed Lahlimi Alami

Dans ce cadre, chaque institution nationale aura à contribuer à l’éclairage des politiques publiques pour la meilleure mise en œuvre possible des recommandations des travaux de la CSMD au cours des prochaines législatures. Le HCP, en ce qui le concerne, devrait focaliser ses travaux, en particulier, sur trois réformes à notre avis indispensables pour une inversion de la tendance baissière que connait notre croissance potentielle, dont le rythme est passé de près de 4,8% en moyenne annuelle entre 2000 et 2008 à près de 3,3% entre 2009 et 2019 pour baisser à 1,4% en 2020. Ces travaux portent sur trois 
facteurs endogènes à l’origine de cette baisse qui plombe la productivité de notre économie : La problématique de l’emploi et du chômage dans la période post-Covid, celle du secteur dit informel que nous préférons appeler «sphère informelle» en raison de sa transversalité sectorielle, et celle de leur impact sur les inégalités sociales et territoriales dans notre pays. Nous comptons, à la rentrée, inviter à un débat que nous souhaitons national autour de ces travaux, en espérant ainsi apporter une contribution supplémentaire aux analyses de quelques recommandations du Nouveau Modèle de Développement.

Au terme de cette introduction, nous souhaiterions émettre quelques propos relatifs aux implications à l’échelle internationale du concept de souveraineté économique.
Il est plus qu’utile, nous semble-t-il, qu’à ce niveau, un nouveau débat soit ouvert avec les institutions issues des accords de Bretton Woods sur une réévaluation de leurs perception et analyses des problématiques de croissance économique des pays en voie développement, 
en intégrant dans cette réévaluation les enseignements de nos expériences communes à la lumière des transformations profondes qu’a connues le monde et qui ont affecté, au cours de près d’un siècle, les modes de production, d’échange, 
de consommation dans le monde ainsi que les besoins et les aspirations de l’humanité. 
Tout organisme national ou international est appelé à se remettre en cause, pour s’adapter aux changements de son environnement, sous peine de décalage de sa pensée avec les réalités.

Avec une réflexion prospective sur le concept de souveraineté économique et ses implications, il se trouvera, surement, parmi ces institutions, des «âmes habituées», comme l’aurait dit Alain, pour réveiller aujourd’hui les fantômes de l’endettement des années 1980 du dernier siècle et déterrer la hache de l’Ajustement structurel.
L’endettement des États est le lot aujourd’hui de tous les pays. Le nôtre reste, selon nous, à des niveaux encore gérables. Des solutions sont possibles pour en réduire le poids sur notre potentiel de croissance ou tout au moins d’en innover, dans ce sens, le mode de gestion. Nous souhaiterions qu’un débat soit ouvert sur cette question, à notre avis, plus que jamais d’actualité.» 

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