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«Notre objectif est de terminer dans le top 2 pour disputer la Ligue des champions»

Arrivé sur la pointe des pieds à Conakry, Karim Bencherifa est en train de remettre le Hafia FC Conakry sur le chemin de la rédemption. Le coach marocain, qui a dirigé des clubs partout dans le monde, s’exprime sur son approche tactique et humaine, ainsi que son nouveau défi de replacer le triple champion d’Afrique au sommet du football guinéen et continental. Le Hafia FC affronte d’ailleurs, ce mercredi, le Horoya AC dans le grand derby de Conakry, avec un statut de prétendant au titre.

«Notre objectif est de terminer dans le top 2  pour disputer la Ligue des champions»
Karim Bencherifa.

Le Matin : Quatre mois après votre nomination au poste d’entraîneur du Hafia FC, le club, qui stagnait en milieu du tableau, est devenu récemment co-leader du championnat guinéen. Vous sentez-vous sur le bon chemin ?
Karim Bencherifa :
Sans aucun doute, il y a eu une évolution constante, que ce soit concernant le style de jeu, l’efficacité devant le but et la solidité de notre dispositif défensif. Cela concerne également la gestion du groupe et la mobilisation du staff dans cet esprit et dans le projet de redorer le blason de ce club. On était neuvièmes du Championnat à mon arrivée et maintenant on est co-leader. Il y a un gros travail collectif derrière cette évolution.

Après avoir coaché un peu partout dans le monde, vous avez atterri en Guinée. Parlez-nous un peu de votre parcours...
J’ai eu la chance d’avoir du bon sens au début de ma carrière en essayant de garder un équilibre entre ma formation, mes diplômes et l’expérience sur le terrain. Sur le volet formation, j’ai participé à une formation continue et graduelle en prenant part à des stages et séminaires (FIFA, UEFA et AFC) au Maroc, en Allemagne, en France, en Roumanie, au Japon ainsi que dans les pays où j’ai travaillé. De ce fait, j’ai pu avoir mes licences ‘A’ et ‘Pro’. Quant à mon parcours, il est un peu atypique et «self-made», dans la mesure où je n’étais pas aidé par une carrière de joueur international ou hors norme ou le soutien d’une famille sportive. Aussi, de toute ma carrière, je n’ai jamais eu recours à un agent pour me trouver un club. À travers mes propres contacts, je débarque dans un pays comme un inconnu, mais il suffit de quelques mois pour que je me fasse un nom. Ce processus s’est répété dans plusieurs pays : à Malte (finale de la coupe et vainqueur du tournoi), aux États-Unis aux niveau des jeunes, en Asie (2 Championnats et 2 coupes ainsi que de 2 participations à la Coupe d’Asie des clubs) et au Maroc avec quelques clubs au début de ma carrière, puis récemment auprès de la DTN avec l’équipe nationale féminine (progression de 41 places dans le classement FIFA) et l’équipe nationale  U23, notamment lors des éliminatoires des JO contre la RDC U23. Cette saison, j’ai commencé avec le MCO. Et depuis décembre 2020, je suis entraîneur du Hafia FC Conakry en Guinée.

Dans la presse guinéenne et sur les réseaux sociaux, beaucoup soulignent votre proximité avec les joueurs. Pensez-vous que c’est votre secret, vous qui avez emmené des clubs vers les sommets, notamment en Inde ?
Le début avec le Hafia FC n’a pas été facile. Ce n’est pas toujours évident de venir en cours de saison dans un pays étranger avec ses spécificités et installer un projet de jeu, une nouvelle philosophie du travail et hausser la barre concernant le professionnalisme sur et en dehors du terrain. Personnellement, mon style de coaching se base sur une discipline et une rigueur de travail infaillibles et intransigeantes sur le terrain, mais avec une proximité et un lien très proche et solide avec les joueurs. Mon boulot quotidiennement se base sur l’amélioration de l’équipe sur les plans technique,  physique et tactique, mais aussi installer un état d’esprit sain et solide. Cela paye toujours d’être une équipe performante et consistante.

Hormis deux titres en Coupe (2002 et 2017), le Hafia n’a plus remporté le championnat depuis près de 40 ans, alors que son palmarès en compte 15. Est-ce une priorité que de retrouver les sommets ? ou est-ce que le projet s’inscrit dans une durée plus longue ?
Pour info, le Hafia FC se classe 4e en Afrique pour le nombre de titres continentaux après Al Ahly, Zamalek et TP Mazembe. Malheureusement, la plus grande part du palmarès appartient au passé. Maintenant, il y a un nouveau souffle au club et surtout un président qui réalise des projets qui s’inscrivent dans la durée, notamment un nouveau stade et une académie de très haut standing qui seront opérationnels dans quelques semaines. Avec tous cela, mon but personnel c’est d’avoir au moins la deuxième place qualificative à la Champions League CAF. Si on arrive à gagner le championnat, ce serait extraordinaire, vu que le Hafia FC n’a pas été champion depuis 1985. Au-delà du football, c’est toujours une expérience humaine intense, car quand vous coachez un club, vous intégrez profondément la culture et les traditions des joueurs. La plupart du temps, le succès vient de la sincérité avec laquelle on le fait.

Sous votre houlette, le Hafia FC a remporté 6 victoires, notamment aux dépens de l’ancien leader, le Wakriya AC (3-0), relançant la course au titre. Certains pensent cependant que le succès à Kankan face à la SAG a été le plus important. Pourquoi à votre avis ?
Effectivement, depuis mon arrivée durant la période du CHAN jusqu’à maintenant, on joue beaucoup de matches de préparation et officiels et nous n’avons concédé qu’une seule défaite. Donc on a atteint une certaine régularité avec les 7 derniers matches sans revers, dont 6 victoires, ce qui nous a aidés à nous propulser au top du classement. Cette renaissance a commencé avec cette victoire très difficile contre SAG à Kankan, une équipe sans défaite à domicile et un déplacement long et très fatigant, donc toutes ces difficultés ont soudé le groupe. Dans ce long périple de presque 30 heures à l’autre bout du pays, je disais constamment aux joueurs «imaginez qu’on fasse tout ce trajet au retour avec une défaite». Ça les a énormément motivés.

Naturellement, le derby face au Horoya AC revêt un aspect particulier. La rivalité entre les deux clubs se fait-elle sentir ?
C’est le plus grand match de la Guinée, c’est le WAC-RCA d’ici. Il a été reporté à deux reprises, la première à cause de la Covid après le retour de Horoya d’Afrique du Sud et la deuxième à cause du décès d’un de nos joueurs. C’est un match capital qu’on doit gagner.

Justement, la saison a été tragiquement marquée par le décès de Mohamed Latige Camara, survenu lors d’un entraînement. Comment fait-on pour remotiver les troupes après un tel drame ?
C’était un moment qui m’a beaucoup marqué personnellement. Ce n’était pas facile de voir l’un de vos joueurs clés, votre coéquipier, s’écrouler devant vous. Un joueur plein d’énergie et toujours de bonne humeur, qui part comme ça en quelques minutes. Je me suis promis de ne pas oublier sa petite famille et ses enfants. On fait un petit moment de silence après chaque entraînement ou match pour honorer sa mémoire et le jour du match officiel, sa tenue numéro 2 est accrochée au vestiaire. Que son âme repose en paix.

Vous êtes l’un des rares entraîneurs marocains à s’exporter à l’étranger avec régularité. Si vous deviez choisir un seul bénéfice de votre longue expérience, ce serait lequel ?
Le football m’a beaucoup donné, j’ai visité pas moins de 46 pays pour des matches, des stages ou la formation. La Guinée est le septième pays où j’ai travaillé et vécu. Cette richesse de découvrir d’autres cultures, traditions et d’autres peuples nous élargit l’esprit, d’autant plus que le football est vraiment une école de la vie. Je penserais à deux bénéfices : la tolérance  vis-à-vis des différences et d’autrui. J’ajouterais aussi la capacité d’adaptation à toutes les circonstances et situations.

Après l’expérience avortée au Mouloudia Oujda, avez-vous toujours en tête d’entraîner un club en Botola ?
Je suis un professionnel et ma volonté d’entraîner au Maroc est intacte. J’ai ce qu’il faut, notamment la licence Pro et une expérience locale et internationale non négligeable, même s’il y a des spécificités et des aléas qui sont plus difficiles à maîtriser et qu’on ne peut pas contrôler. J’espère qu’avec le professionnalisme qui s’installe petit à petit dans nos clubs, les choses vont changer pour le mieux. Pour le moment, je suis concentré avec le Hafia FC et j’espère retourner au Maroc très bientôt pour un match de Champions League.

Pourquoi, selon vous, les entraîneurs marocains ne sont pas légion à l’étranger, surtout en Afrique ?
C’est compliqué de répondre à cette question qui a un rapport direct avec les particularités de l’écosystème de notre football. Je pense qu’il faut une réflexion et un débat honnête et sincère entre les entraîneurs pour aboutir à des conclusions constructives. La priorité absolue c’est l’union pour défendre les intérêts de tous les coaches marocains, à l’image de ce que font plusieurs pays européens ou même nord-africains. Il y a aussi le facteur communication et la volonté personnelle de tout un chacun. 

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