Un bel hommage que rend ce prestigieux lieu de la ville ocre à une icône de l’art plastique marocain que nous venons de perdre il y a juste quelques mois, et plus précisément le 28 octobre dernier. Mais, il faut dire que l’empreinte de cette figure emblématique de l’univers artistique restera à jamais dans les annales de l’histoire plastique. Car Mohamed Melehi est l’un des précurseurs de la modernité et un maître plasticien incontestable qui a laissé derrière lui une œuvre incomparable. C’est, d’ailleurs, ce qu’estime montrer le commissaire de l’exposition et patron de Art Holding Morocco, Hicham Daoudi, à travers «Face à Melehi» en mettant en lumière «le rôle déterminant de Mohamed Melehi aux côtés d’autres artistes qui ont inventé une modernité artistique marocaine au lendemain de l’indépendance du Maroc». Le spectateur retrouvera, ainsi, les recherches de Melehi face à celles de Jilali Gharbaoui, Farid Belkahia, Mohamed Hamidi, Malika Agueznay ou encore Ahmed Cherkaoui… ainsi que le rôle décisif qu’il a pu jouer durant les années 1960-1970. Son travail de recherche plastique lui a permis de lancer une nouvelle expression picturale, à travers ses expérimentations géométriques, loin de ce qui se faisait en son temps. Sa révolution picturale a porté ses fruits aussi bien en peinture, photographie, édition, design, affiches et fresques murales.
Chacune de ses prestations fut une grande découverte pour les professionnels et passionnés des Arts plastiques. Il a toujours joué sur la valeur expressive des matériaux qu’il utilise et leurs résonances symboliques avec la culture visuelle locale. Sa démarche audacieuse pour l’époque a confirmé, de projet en projet, son affranchissement de l’académisme et sa filiation à l’art informel. Aux côtés de ses amis artistes de la même génération, ils se sont ouverts au monde en créant une expression abstraite loin de tout ce qui est figuratif. L’œuvre de Melehi est, de ce fait, de plus en plus marquée par la recherche d’une modernité picturale en interaction avec sa culture et porteuse d’un langage esthétique universel qui a attiré les plus fins fervents de cet art. C’est le cas d’Élisabeth Bauchet-Bouhlal qui a eu le plaisir de connaître Melehi de très près et de partager des moments de convivialité et d’amitié avec lui. «J’ai toujours été fascinée par sa façon de raconter ses aventures artistiques au Maroc et à l’étranger et de se souvenir des dates, des noms et des lieux avec une précision extraordinaire. À voix basse, Mohamed Melehi savait capter notre attention et nous faisait vivre autrement la modernité artistique marocaine. Lorsque l’événement de la place Jemaâ El Fna s’est déroulé en 1969, mon mari et moi entendions beaucoup parler de lui. Nous l’imaginions peut-être différemment à cette époque. Plus tard, lorsque nous nous sommes mieux connus et que nous abordions ensemble des questions liées à l’art marocain et du monde arabe, j’étais frappée par ses vastes connaissances et sa modestie», nous confie Elisabeth Bauchet-Bouhlal, PDG d’Es Saadi Marrakech Resort. Et d’ajouter qu’«avec son doux accent espagnol des gens d’Asilah, Melehi nous parlait de sa vie, nous faisait aussi partager ses attentes artistiques et ses projets à venir, imaginant toujours comment transformer la scène marocaine. Sa disparition en France m’a profondément attristée et m’a rappelé combien il était important de raconter son œuvre et la donner à voir autrement. D’où l’organisation de cette exposition qui me tenait tant à cœur, car elle permet de mettre en perspective les évolutions de l’artiste au sein d’une grande histoire de l’Art marocain qu’il aura si fortement marquée de son empreinte». D’ailleurs, l’inauguration de cet événement, le 30 décembre 2020, malgré les restrictions sanitaires, a pu drainer un public élitique, notamment la famille proche du défunt Melehi et autres personnalités de Marrakech qui ont été éblouies par la grandeur créative de cet artiste. Car cette escapade picturale nous fait découvrir le génie du défunt qui a contribué au mouvement artistique marocain par ses créations contemporaines. Ainsi, de sa photo prise par la regrettée Leila Alaoui, qui montre un homme déterminé et sincère, le spectateur peut apprécier les œuvres uniques de l’artiste Melehi, présentées d’une manière chronologique, comme celle réalisée en 1976 sous l’intitulé «La Flamme».
À ce propos, le commissaire de l’exposition souligne que «les visiteurs découvriront les évolutions de son œuvre de 1958 à 2019 confrontées à celles des principaux protagonistes de l’art marocain». C’est tout un patrimoine qu’a laissé Melehi derrière lui, le qualifiant de porte-étendard de l’art marocain.