C’est une réelle success-story en ces temps de crise ! L’héroïne est une PME, Gamma Groupe. Elle épouse le café, la boisson la plus consommée au monde. Gamma Groupe, que de nombreux consommateurs marocains ont pu découvrir à travers les réseaux sociaux et des spots publicitaires diffusés depuis plus de deux semaines sur la télévision marocaine, est un torréfacteur de taille moyenne, frappé de plein fouet par le confinement et les répercussions de la crise économique et sanitaire. Ses clients étant constitués de cafés, hôtels et restaurants (CHR) en plus des grossistes, l’entreprise a vu son business s’arrêter d’un seul coup en mars 2020.
De la crise à la croissance en moins d’un trimestre !
La crise a aussi poussé vers une nouvelle organisation. La jeune femme travaille aux côtés d’un directeur marketing et développement, d’une directrice finance et ressources humaines et système d’information, d’un directeur commercial et d’un directeur qualité et production. Avec son équipe, Sanae gère l’approvisionnement en café vert, la production du café torréfié sous les différentes gammes de la marque «Gamma Café» et la commercialisation du produit fini.Dans l’usine du groupe, 15 ouvriers – 7 femmes et 8 hommes – s’activent. Au total, le torréfacteur compte 100 salariés entre les ouvriers, les vendeurs et les responsables des différents départements. Depuis le passage sur le marché du BtoC, l’entreprise a renforcé ses effectifs de 85 personnes. Toutes ces avancées stratégiques et organisationnelles n’auraient peut-être pas été possibles sans le recours de Gamma Groupe au financement bancaire.Banque Al Yousr, la bouffée d’oxygène
Le «Matin» s’est déplacé samedi dernier dans la matinée chez Gamma Groupe situé dans la zone industrielle de Aïn Sebaâ à Casablanca. Un parc d’utilitaires habillés avec les nouvelles publicités de la marque indiquait que nous étions à la bonne adresse. Impossible pour nous de nous perdre. Les accès vers le bâtiment menant à l’étage des bureaux et celui de l’usine sont soigneusement indiqués. La dirigeante nous reçoit dans une salle de réunion. C’est alors qu’elle narre avec beaucoup d’émotion comment l’accompagnement bancaire a pu donner une nouvelle vie à la PME. «Dieu a certainement voulu récompenser notre travail sans relâche. Nous avons fait appel au financement participatif à court terme de nos besoins en fonds de roulement. À l’issue du contrat Salam, Bank Al Yousr nous a permis de disposer des liquidités nécessaires à notre production».La banque participative du groupe BCP propose, depuis l’été 2020, une panoplie de produits et de services dédiés dans l’objectif de couvrir l’ensemble des besoins de financement des entreprises dans le cadre des contrats agréés par le Conseil supérieur des Oulémas (CSO). Le produit Salam peut être assimilé à un crédit campagne, à une avance sur marchandises ou à un préfinancement de trésorerie en local ou à l’export. «L’appui bancaire nous a donné plus de force au niveau de la bourse du café. Le fait d’avoir un financement nous a surtout procuré une plus grande marge de négociation avec les traders, et donc une meilleure optimisation de nos achats et de nos coûts de production, avec un avantage concurrentiel certain sur le marché du café torréfié. Avec Bank Al Yousr, c’était vraiment un partenariat Win-Win», développe Sanae.Un café artisanal et de la R&D dans les veines
La refonte de la stratégie commerciale et marketing et l’accompagnement de banque Al Yousr ont certes sauvé l’entreprise, mais celle-ci s’appuie également sur ses capacités en recherche et développement. Elle s’y est investie depuis sa création en 2015 avec deux salariés et un chiffre d’affaires de 55.000 DH. Depuis, ses efforts ont convergé vers la création de mélanges de cafés issus de plusieurs pays. Le choix des origines du café vert, les conditions de torréfaction et les mélanges réalisés par l’entreprise sont les atouts de la marque. Celle-ci se présente comme un industriel capable de faire livrer son café «de l’usine au domicile». De quoi consolider sa présence sur un marché marocain impacté par un changement certain des habitudes de consommation. «Le café de chaque pays est différent des autres, car son goût et ses saveurs s’imprègnent de la terre de chaque pays. Chaque grain à ses propres caractéristiques, il peut être neutre, ou fort en caféine, un grain aromatique, épicé, ou chocolaté comme celui de la Côte d’Ivoire. C’est comme le Tagine, celui qui est mono légume ne ressemblera jamais à un autre préparé avec plusieurs variétés. Chez nous, chaque gamme de Gamma Café à son propre mélange et contrairement à ce que pensent les gens, ce n’est pas en mettant plus d’Arabia que de Robusta que le café va coûter beaucoup plus cher», explique Sanae.Selon elle, le Groupe a réussi «un mélange optimal» grâce à la R&D. «On étudie les molécules du café. Chaque café est composé principalement de 4 molécules (acide chlorogénique, saccharose, caféine et trigonelline). L’expertise développée par Gamma Groupe dans l’art de la torréfaction permet de maintenir ces 4 molécules et de développer également les 800 arômes de chaque origine. Le tout couplé au secret de Gamma Groupe concernant les mélanges des différentes origines donne des cafés d’exception. Nous avons démarré avec 3 types de café Lion, Mima et Hora pour satisfaire l’ensemble des goûts. D’autres gammes viendront s’ajouter au fur et à mesure, notamment celles aromatisées aux épices que nous exportons déjà à l’étranger.» Gamma Groupe se dispute avec une trentaine d’autres entreprises un marché quotidien de 130 tonnes de café torréfié, et le poids de l’informel reste important dans cette filière. Gamma Groupe importe son café de plusieurs pays comme le Vietnam, l’Inde, la Guinée, le Togo, la Tanzanie, le Brésil, la Colombie, le Honduras ou encore la Côte-d’Ivoire.Du café, rien que le café !
Après avoir décroché son diplôme en 2005, Sanae rejoint le groupe Daba, distributeur exclusif de Nespresso en Afrique du Nord et de l’Ouest. «C’était une chance d’intégrer une multinationale à mes débuts. Dans une équipe de trois personnes, nous devions procéder au lancement, pour la première fois sur le marché marocain, du café en capsule. C’était un gros challenge puisqu’il fallait convaincre les clients CHR de vendre la tasse de café au coût de revient de 5 DH au lieu de 0,30 ou 0,50 centime. De la science-fiction !», se remémore Sanae avec beaucoup de nostalgie. Après avoir quitté Nespresso, elle crée la startup PCC (Cofee Shop Company) en 2008, avant de fonder Gamma Groupe sept années après. «Je suis restée fidèle au café. J’ai commencé dans le café, j’ai adoré le café et je suis donc restée dans le même domaine. Je n’ai jamais cherché à le changer même pas dans les moments les plus durs», enchaine Sanae.La capacité de production sera quadruplée
Pas question de clôturer notre rencontre sans visiter l’usine. Un bruit modéré nous rappelle celui des moulins traditionnels des villes marocaines. Les arômes excitaient nos narines et nos neurones en cette matinée du mois de Ramadan. Le bâtiment de 1.200 m2 abrite trois zones essentielles : l’espace de stockage du café vert, rangé par pays d’origine, l’espace réservé aux unités de production, notamment le torréfacteur et la machine sous vide et celles de l’emballage du café en grains. «L’entreprise a commandé une machine qui permettra de passer de 2 à 8 tonnes de café torréfié par jour», nous confie la directrice générale. Gamma cherche désormais à développer ses capacités de production et elle a bien raison de le faire !Entretien avec Sanae Benabdelkhalek, DG de Gamma Groupe
«Gamma Groupe propose les prix d’il y a 20 ans»
Le Matin : Quelle est votre recette pour le marché marocain ?Sanae Benabdelkhalek : D’abord, un café issu d’une sélection des meilleurs grains. Ensuite, notre sourcing et nos capacités d’innovation et de production nous permettent aujourd’hui de proposer des prix qui existaient il y a 20 ans, avec des emballages de meilleure qualité. Concrètement, nous vendons les 200 g de café torréfié à 10 DH contre une moyenne de 18 ou 19 DH sur le marché actuellement. Malgré la hausse des coûts liée à la pandémie, nous avons fait le pari de produire un café artisanal de très bonne qualité, très bien torréfié, sans additifs et sans conservateurs.
Comment se portait Gamma Groupe avant la crise de la Covid ?
Avec notre clientèle CHR et les grossistes, l’entreprise réalisait avant mars 2020 un chiffre d’affaires mensuel d’environ 1,2 million de DH, soit 12 à 13 millions par an. La marge était correcte et on s’en sortait très bien avec des capacités de production de 60 tonnes par mois. Mais aujourd’hui, avec notre changement de stratégie et nos perspectives de développement à l’export, l’avenir semble meilleur !Quels sont vos projets futurs ?
En février dernier, Gamma Groupe a reçu l’ambassadeur éthiopien au Maroc. Il présidait une délégation d’hommes d’affaires producteurs de café vert en Éthiopie. Ils nous ont demandé de faire de la recherche-développement pour produire un café composé par des origines équilibrées et 100% Éthiopie. Nous sommes également en négociations avec la Guinée. Cette collaboration aboutirait, si tout va bien, à l’ouverture d’une usine de torréfaction sur place. Gamma Groupe revendique désormais une expertise qu’il aspire à exporter sur le continent africain.