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Reconversion professionnelle : Comment tourner une contrainte en opportunité

Aujourd’hui, avec la crise liée à la Covid-19 et ses retombées sur le marché du travail, le changement de cap professionnel devient parfois la seule voie pour s’adapter aux nouvelles réalités. Mais un changement non désiré peut-il devenir un changement réussi ? Voici la réponse de nos experts.

Reconversion professionnelle : Comment tourner une contrainte en opportunité

Depuis plusieurs années déjà, la transformation perpétuelle du monde du travail ainsi que l’arrivée de nouvelles générations ont fait voler en éclats les notions de carrière linéaire et de poste à vie. L’évolution de carrière est désormais une exigence et la reconversion professionnelle n’est plus aussi difficilement envisageable, bien au contraire.

Aujourd’hui, avec la crise liée à la Covid-19 et ses retombées sur le marché du travail, le changement de cap professionnel devient parfois la seule voie pour s’adapter aux nouvelles réalités. Mais un changement non désiré peut-il devenir un changement réussi ?

«Rares sont les changements de cap décidés par leurs auteurs. Et en même temps, y a-t-il un changement de cap que nous ayons fait sans l’avoir décidé ?», répond avec philosophie Hicham Mounib, ingénieur, coach et co-fondateur de l’École de l’Être. «Si votre changement de cap est planifié à l’avance, c’est que vous l’avez décidé en toute sérénité. Lorsqu’il est dicté par des événements, c’est que vous l’avez aussi décidé, mais sans sérénité», a-t-il développé.

Mais qu’il soit souhaité ou imposé, un changement de cap n’est jamais à prendre à la légère et sa réussite est tributaire d’un ensemble de conditions, à commencer par une bonne préparation.

«Une transition professionnelle se planifie et se prépare. D’ailleurs, selon les études et surtout un retour d’expérience, une reconversion professionnelle réussie nécessite en moyenne trois ans d’expérience, et ce, en tenant compte des ressources dont dispose la personne concernée», affirme Jihane Labib, dirigeante Coachinglab, certifiée PCC par ICF, accréditée Senior Practionner par l’EMCC.

Pour Jean-Yves Arrivé, psychologue, consultant RH et coach, une profonde réflexion s’impose en amont afin de garantir une évolution durable. «Ce doit être un projet mûrement réfléchi, et non pas une voie dans laquelle on s’engage tête baissée, sur les vagues recommandations d’un ami !», a-t-il préconisé. L’expert a également insisté sur deux éléments qui sont à son avis essentiels, à savoir l’intérêt pour l’activité et la motivation à aller travailler chaque jour.

Autre conseil : éviter de copier d’autres expériences. S’inspirer oui, dupliquer non ! «Chaque personne a ses propres ressources, ses réalités, ses croyances et son système de valeurs. En effet, les souhaits peuvent paraître pareils et le chemin peut être un seul, cependant, les cheminements sont individuels. En d’autres termes, chaque individu réagit différemment à la même réalité !», relève Jihane Labib.

Il ne faut pas non plus avoir peur de l’échec. C’est d’ailleurs une condition sine qua non du succès de manière générale. Reconversion et prise de risque vont donc de pair, mais mieux vaut prendre des risques calculés comme le préconise Jean-Yves Arrivé.

«Bien sûr, tout changement comporte une part de risque, même s’il inclut le risque de réussir ! L’immobilisme, en revanche, comporte plus que jamais le risque d’être relégué à des tâches subalternes, voire même d’être exclu du monde du travail», a-t-il fait remarquer.

«Il est normal, dans cet environnement complexe, de ne pas atteindre tous ses objectifs. Mais un essai permet toujours de rebondir, car on apprend de toutes ses expériences, même si elles sont un temps négatives», a-t-il ajouté.

Ce qu’il faudra éviter avant tout, c’est que cette reconversion soit dictée par le besoin de changer pour changer. D’après Jihane Labib, il faut s’assurer que le nouveau projet de carrière et de vie corrobore à l’épanouissement et à l’équilibre recherché par le candidat à la reconversion. Alors, si vous souhaitez changer de profession, assurez-vous de le faire pour les bonnes raisons.

Penser que la reconversion peut se faire sans changement interne et personnel est l’autre erreur à ne pas commettre, conseille l’experte. «Tous les cas de reconversions réussies ont exigé des formations adaptées, des accompagnements psychologiques et un financement à court et moyen termes», a-t-elle indiqué.

Elle recommande aussi de se faire accompagner par coach spécialisé pour optimiser ses chances de réussite.

«Le changement de cap professionnel génère beaucoup d’inquiétude et renvoie même à la confiance en soi, mais aussi à l’estime de soi et à son lot de croyances négatives. Pour se donner les meilleures chances, il faut se faire accompagner par un conseiller professionnel, un coach spécialisé dans l’accompagnement des projets professionnels», confirme de son côté Jean-Yves Arrivé.

Il explique qu’un coach nous aide à nous poser les bonnes questions et à construire un projet réaliste, adapté à nos compétences et aux réalités de notre environnement professionnel. «Ceci est d’autant plus important lorsque l’on est contraint à un changement sans y avoir été préparé et qu’on a un temps limité pour cela», a-t-il noté.

Rupture ou ajustements, que choisir ?

«Sans hésitation : des ajustements», répond Hicham Mounib puisque les transitions en douceur sont les plus efficaces et les plus agréables à vivre. «À moins d’y être contraints, préférez les transitions en douceur. Vous avez un job et vous voulez vous reconvertir ? Gardez-le et préparez votre reconversion le week-end et le soir chez vous», a-t-il conseillé.

Mais si le choix de la rupture est inévitable, l’expert préconise d’accepter le choc, de prendre le temps de l’analyser, d’en tirer les apprentissages et de se poser les bonnes questions : quelles opportunités s’offrent à moi maintenant ? Quelles sont mes compétences ? Comment les valoriser ? Comment les transformer financièrement ? …

«Faites confiance à votre intuition, c’est la seule capable de sortir des logiques limbiques qui ne se basent que sur le connu et qui ne vous sont pas très utiles face aux ruptures», a-t-il prêché.

Pour Jean-Yves Arrivé, on peut aussi bien choisir la voie de l’ajustement que celle de la rupture. Dans la première option, qui est à court terme, il s’agit d’actualiser ses compétences pour conserver son emploi actuel dans un environnement de travail qui évolue : se former à une nouvelle technique, à une application digitale, renforcer sa polyvalence…

Quant au second choix, celui-là à moyen terme, il est question de se préparer à un nouveau job, surtout quand est las de son métier actuel ou si celui-ci figure dans la liste des emplois menacés, et ce, en tenant compte des connaissances que nous avons des métiers d’avenir, pour pouvoir assurer une activité dans 10, 15 ans, voire plus selon son âge actuel. 


Déclaration

Hicham Mounib, ingénieur, coach et co-fondateur de l’École de l’Être

«La reconversion professionnelle est une tendance de fond qui était déjà là bien avant la Covid-19. Une tendance qui a été favorisée par tout ce qu’a pu permettre l’explosion des réseaux sociaux, mais aussi la vulgarisation des outils informatiques, autrefois réservés aux entreprises. Puis la Covid est arrivée et avec elle le confinement, permettant de découvrir des moyens de plus en plus simplifiés favorisant les reconversions. Ainsi, grâce notamment à la réduction des déplacements et l’opportunité d’exécuter les tâches sans la perturbation des interruptions au bureau, on a disposé de plus de temps pour s’intéresser à autre chose, pour oser de nouvelles expériences. Avec la sécurité financière assurée par le job actuel, on a pu tester avant de tenter le grand saut une fois tous les rouages maîtrisés. Souvent, un des conjoints reste dans la sécurité du salariat pour couvrir les risques. Par ailleurs, il est à souligner que les expériences relatives à une reconversion professionnelle vont tour à tour réveiller nos mécanismes limbiques (gouvernance grégaire, et émotionnelle) qui vont tout faire pour nous dissuader de nous lancer dans l’inconnu avant que ne s’activent nos mécanismes pré-frontaux (siège de l’intelligence supérieure) appelés aussi néo-cortex, zone du cerveau qui gère l’inconnu, qui aime la curiosité, qui dicte l’adaptation. C’est cette partie qui «décide» pour nous et nous fait passer de la peur de l’inconnu au plaisir de sa curiosité.»


Entretien avec Jean-Yves Arrivé, psychologue, consultant RH et coach

«C’est à chaque salarié de faire savoir qu’il est prêt à évoluer professionnellement, à se former, à être l’artisan de son propre parcours professionnel»

Management & Carrière : La reconversion professionnelle est une autre tendance qui a été exacerbée par la crise liée à la Covid-19. Changer de cap plus par nécessité que par choix est-il pour autant bénéfique pour une carrière ?

Jean-Yves Arrivé : La reconversion professionnelle est exacerbée par la crise, certes, mais le sujet était déjà sur la table depuis l’accélération du développement des nouvelles technologies qui remettent en cause la manière de travailler, y compris dans l’économie traditionnelle. Pensez que les premières maisons fabriquées avec des imprimantes 3D sont sorties de terre, que dans une usine de fabrication de voitures, on ne voit plus un ouvrier sur la chaîne, mais uniquement des techniciens contrôlant la production depuis leurs ordinateurs, les brodeuses qui se contentent d’engager le tissu dans une machine programmée pour produire le dessin qu’elles mettaient des heures à réaliser. 

La relation client est bouleversée par l’apparition des robots qui dialoguent avec l’utilisateur. Je pourrai vous citer des dizaines d’exemples de ce type pour montrer le besoin en collaborateurs formés à de nouveaux métiers, à de nouvelles technologies. Changer de cap est donc bien une option à l’ordre du jour.

En revanche, n’oublions pas deux points essentiels pour réussir une évolution de sa vie professionnelle : l’intérêt pour l’activité et la motivation à aller travailler chaque jour sont essentiels pour une évolution durable ! Donc, ce doit être un projet mûrement réfléchi, et pas une voie dans laquelle on s’engage tête baissée, sur les vagues recommandations d’un ami !

Faut-il privilégier des «ajustements» ou opter pour une véritable rupture ?

Précisément, dans la droite ligne de ma réponse précédente, je dirais qu’il y a au moins deux réponses possibles :

L’une, à court terme, est d’actualiser ses compétences pour conserver son emploi actuel dans un environnement de travail qui évolue : se former à une nouvelle technique, à une application digitale, renforcer sa polyvalence…

L’autre, à moyen terme, est de se préparer, si l’on est dans un emploi menacé ou si l’on est las de son métier actuel, à un nouveau job, en tenant compte des connaissances que nous avons des métiers d’avenir, pour pouvoir assurer une activité dans 10, 15 ans, voire plus selon son âge actuel. Cela signifie donc que les populations les plus exposées sont celles qui exercent dans des emplois condamnés à se transformer ou à disparaître, d’autant plus qu’elles sont parfois installées dans des routines et qu’elles évitent ou refusent un changement qui leur semble trop complexe.

Dans tous les cas, un changement de cap n’est pas une démarche aisée et n’est pas à prendre à la légère non plus. Comment franchir le pas avec un minimum d’assurance de succès même quand on le fait par contrainte ? Quelle est la démarche à suivre ? Et de quels outils s’armer pour accompagner ce virage ?

Effectivement, le changement de cap professionnel génère beaucoup d’inquiétude et renvoie même à la confiance en soi : «puis-je me former à un nouveau métier qui suppose de retourner en formation ?», mais aussi à l’estime de soi et à son lot de croyances négatives : «je ne suis pas assez compétent pour réussir dans ces nouveaux jobs, personne ne voudra me faire confiance !»…

Pour se donner les meilleures chances, il faut se faire accompagner par un conseiller professionnel, un coach spécialisé dans l’accompagnement des projets professionnels. Il nous aide à nous poser les bonnes questions et à construire un projet réaliste, adapté à nos compétences et aux réalités de notre environnement professionnel. Ceci est d’autant plus important lorsque l’on est contraint à un changement sans y avoir été préparé et qu’on a un temps limité pour cela.

Il pourra vous proposer l’aide d’outils pour lesquels il a été formé, comme le Golden, un inventaire typologique de personnalité jungien ou le MBTI, une manière efficace pour mieux vous connaître, identifier vos préférences comportementales dans la manière d’être en relation aux autres, de coopérer, de traiter l’information et prendre des décisions, de vous organiser, de faire face aux situation stressantes… 

Autant d’atouts pour mieux choisir votre nouvelle activité, pour anticiper ce qui vous sera le plus aisé et ce qui pourrait vous poser problème. Vous serez plus à même de faire des choix pertinents. De la même façon, Motiva, un nouvel outil disponible en ligne, vous permettra d’identifier vos intérêts professionnels, vos motivations et vous suggérera au vu de votre profil des pistes, car il dispose d’une importante banque de données sur les métiers, actualisée en permanence. Ainsi, vous pourrez construire un projet professionnel plus pertinent, qui tiendra à la fois compte de ce que vous êtes et de ce que le marché du travail recherche.

Un grand nombre d’entreprises ont opté pour une réorganisation en profondeur qui a entraîné son lot de changements pour les collaborateurs, notamment des opportunités d’évolution de carrière. Quand et comment les saisir ?

Il faut distinguer les grandes entreprises, qui ont une vraie démarche stratégique et qui sont capables d’anticiper, si elles y mettent les moyens en impliquant des équipes RH, les métiers de demain pour accompagner les évolutions de carrière. Cela devrait être le cas, par exemple, des banques qui vont connaître des bouleversements considérables compte tenu de l’utilisation par les clients des nouvelles technologies au détriment des agences, de la vente mais aucun secteur ne sera épargné., Dans les PME, la situation est beaucoup plus hétérogène. Selon la compétence stratégique du dirigeant, on voit dans certains secteurs, une véritable anticipation et une veille technologique quotidienne. Hélas, dans de nombreuses autres, la gestion se fait plutôt au jour le jour et pour le coup, il ne faut pas hésiter, surtout lorsqu’il n’existe pas d’équipe RH dédiée à l’accompagnement RH, à rencontrer les cadres de Direction de leur faire part de l’envie de s’impliquer dans un nouveau métier, de progresser dans une filière.

Quel que soit l’environnement où l’on travaille, il faut être proactif, c’est-à-dire prendre son avenir en main. C’est à chaque salarié de faire savoir qu’il est prêt à évoluer professionnellement, à se former, à être l’artisan de son propre parcours professionnel.

Comme dans tout changement, le risque n’est pas à écarter. Comment rebondir en cas d’échec ?

Bien sûr, tout changement comporte une part de risque, même s’il inclut le risque de réussir ! L’immobilisme en revanche comporte plus que jamais le risque d’être relégué à des tâches subalternes, voire même d’être exclu du monde du travail. 

Il faut donc prendre des risques calculés, ce qui passe par une bonne préparation. Exactement comme un athlète qui se présente le jour J sur le  terrain. 

Il n’est jamais certain de réussir à décrocher une médaille, mais une préparation minutieuse, régulière, un travail de fond lui donne beaucoup plus de chance de performer. Méditons ces phrases, plus que jamais d’actualité : «Qui ne risque rien n’a rien», «Ne rien risquer est un risque plus grand». Par ailleurs, le monde change. Il est normal, dans cet environnement complexe, de ne pas atteindre tous ses objectifs. Mais un essai permet toujours de rebondir, car on apprend de toutes ses expériences, même si elles sont un temps négatives. Par ailleurs, un échec n’est jamais définitif. Il y a toujours une possibilité de rebondir pour qui ne s’enferme pas dans le fatalisme. Personne ne peut prétendre tout réussir du premier coup !

À votre avis, quelle place pour l’évolution et le changement de carrière dans le monde post-Covid ? Serait-ce une tendance vouée à s’installer dans la durée et dans le new-normal qui s’annonce ?

Au risque de vous surprendre, je dirai que ces évolutions étaient déjà en marche et que la Covid n’a été qu’un accélérateur et un miroir grossissant ! Depuis une vingtaine d’années déjà, les entreprises, plutôt en Europe et dans les pays anglo-saxons, il est vrai, expérimentaient le télétravail, remplaçaient l’humain par la technologie. Mais la raréfaction de la main d’œuvre dans les processus de production au profit de la robotisation, les évolutions technologiques spectaculaires dans l’agriculture et l’élevage, l’utilisation des chatbots au détriment de téléconseillers sont un mouvement en marche et je n’imagine pas que l’on puisse revenir en arrière. 

L’accélération est spectaculaire et n’épargne aucun pays. 

De nombreuses PME risquent de disparaître si elles ne s’adaptent pas dans la prochaine décennie. Cela sera aussi le cas de leurs salariés s’ils ne sont pas prêts à évoluer professionnellement. On peut bien sûr regretter la situation, mais le mouvement est puissant, et les évolutions s’accélèrent. Alors il est grand temps de développer nos capacités adaptatives. 

Dépassons les peurs pour découvrir que nous en avons beaucoup ! Il faut bien sûr pour cela que tout le système éducatif, la formation continue soient capable de relever ce défi et que l’accompagnement des salariés soit réalisé par de bons professionnels.

Il est donc grand temps de se mettre au travail pour que le fossé entre l’offre et la demande d’emploi ne se creuse pas un peu plus ! 

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