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Une réouverture optimiste malgré la réticence du public

Après 15 mois de fermeture, les salles obscures nationales sont enfin rouvertes. L’optimisme règne, mais l’accueil du public n’est pas vraiment chaleureux. Nous sommes loin des séances qui affichent complet comme c’est le cas sous d’autres cieux où la culture est primordiale.
«Voir un film en salle de cinéma me manquait. Je suis partie le premier week-end de la reprise pour voir une production marocaine, mais la salle n’était pas vraiment pleine pour ne pas dire vide. Cela fait mal au cœur, car on a tant acclamé la réouverture des salles obscures», nous confie Samira de Casablanca.
Même son de cloche auprès de cet acteur culturel à Meknès qui confirme que le cinéma Caméra a enregistré 2 entrées dans certaines séances, parfois 6 ou 10 dans des jours «meilleurs». L’enthousiasme dans le monde virtuel pour retrouver les salles de cinéma est loin de refléter la réalité dans les salles obscures marocaines. «Il y a des salles qui ont accueilli 3 à 4 personnes», ajoute une autre Marocaine qui déplore la situation actuelle de la filière cinéma.
Selon d’autres amoureux du septième art, cette situation date d’avant la Covid. «Je suis allé, un samedi en début d’après-midi au Megarama Rabat pour voir “Billie Holiday”, une affaire d’État».
C’était un plaisir de retrouver le grand écran. Nous étions 5 ou 6 personnes dans la salle. On sait pertinemment que les salles ne se remplissaient pas toujours même avant la pandémie Covid-19, nous confie Mokhtar Chemaou. Pour certains militants en faveur de la filière cinéma, le Centre cinématographique marocain devrait intervenir via des campagnes de sensibilisation médiatiques afin d’accompagner la réouverture des salles obscures. Pour leur part, des citoyens qui boudent les salles de cinéma parlent d’une programmation qui ne répond pas à leurs attentes. «Je n’irai pas voir un film qui était déjà programmé avant la crise. Il faut que les salles de cinéma se modernisent et revoient leur programmation. Certaines proposent des films disponibles sur le net», indique l’un d’eux. «Pourquoi aller au cinéma quand il y a le streaming», ajoute un autre. Néanmoins, malgré une reprise qui trébuche, les exploitants ne baissent pas les bras parce que rien n’équivaut à l’émotion devant le grand écran. Restons optimistes ! 


Sortie nationale du film «Les Égarés»

Le réalisateur et scénariste Said Khallaf présentera au public, à partir du 16 juin, son film «Les Égarés» dans les salles de cinéma du Royaume. Ce deuxième long métrage du réalisateur raconte l’histoire de Mourad, un bon jeune vivant issu d’une famille très riche. Il subit un accident de voiture grave qui engendre la perte de sa virilité et se trouve impuissant.
Avant l’accident, il voulait faire taire à jamais une call-girl parce qu’elle lui avait annoncé qu’elle était enceinte de lui. Mais vu sa situation actuelle, il réalise qu’elle sera la seule à pouvoir assurer sa progéniture et sa descendance, même en l’imposant à sa famille.
Mourad sera confronté à une situation qui va bouleverser toute sa vie et sera projeté dans un milieu infesté de vices où cette coexistence se retrouve secouée engendrant un état d’égarement permanent…
Pour ce Thriller d’une durée de 1 h 30 min, Said Khallaf a fait appel à une sélection d’acteurs et d’actrices, dont les premiers rôles sont joués par Abdenbi El Beniwi, Nisrine El Radi et Mohamed Choubi. On retrouve également d’autres figures de la scène, comme Hamid Nider, Fati El Jamali et Abdessamad Mohieddine. 


Questions à Jamal Mehyaoui, directeur département Communication et régie publicitaire, Megarama Maroc

«Nous acquérons au fur et à mesure les droits et les films et je peux déjà vous annoncer la sortie en juillet de la super production de Marvel “Black Widow”»

Le Matin : Comment s’est passée la réouverture des salles Megarama ?
Jamal Mehyaoui
: La nouvelle de la réouverture a été agréablement brutale ; agréable parce que nous avons enfin pu rouvrir, mais brutale parce que nous avons été informés la veille au soir.
Après 14 mois de fermeture, on ne peut pas relancer un multiplexe (nous en exploitons 6 au Maroc : 
Casablanca, Rabat, Tanger City center, Tanger Goya, Fès et Marrakech) comme s’il fallait appuyer sur un bouton de télécommande. Il faut nettoyer les salles, vérifier l’état des projecteurs, s’organiser pour mettre en place le protocole sanitaire et surtout réfléchir à une programmation puisqu’il faut acquérir les droits d’exploitations des films. Mais avec l’implication et la persévérance des équipes Megarama, nous avons pu être opérationnels le vendredi 4 juin.

Est-ce que le fait que le public est devenu de plus en plus addict aux plateformes digitales a influencé son retour vers les salles obscures ?
Je ne pense pas que le public soit devenu plus addict aux plateformes digitales. L’expérience cinéma reste unique et les sensations que nous ressentons dans une salle, sur un écran géant, avec des inconnus qui ressentent la même chose que vous, est différente de celle devant un écran télé ou autre.
Aussi il ne faut pas oublier que les films qui réalisent les plus grands nombres d’entrées sont Marocains et que l’on en trouve très peu sur ces plateformes.
Comment s’est faite la programmation après une longue période de fermeture ? Est-ce que vous arrivez à suivre les sorties internationales ?
Pour l’ouverture nous avons voulu débuter avec un film marocain à succès «30 Melyoune», dont l’exploitation a été interrompue à cause de la pandémie. Nous avons dû reprogrammer les films dont la diffusion a été subitement arrêtée au moment de la fermeture.
Nous restons tributaires des grosses majors pour les dates de sortie des films. Ces pays producteurs ont également subi de plein fouet la pandémie et ont dû reporter à maintes reprises la sortie de leurs films. Nous acquérons au fur et à mesure les droits et les films et je peux déjà vous annoncer la sortie en juillet de la super production de Marvel «Black Widow».

Comment voyez-vous l’avenir  du secteur  des salles obscures après cette réouverture ?
On a enterré le cinéma dès que sont apparus la télé, le magnétoscope, le DVD et maintenant les plateformes. Aujourd’hui, le magnétoscope et le DVD n’existent quasiment plus et pourtant le Cinéma est toujours là et, à chaque fois, il a su se réinventer. Je reste très optimiste pour son avenir puisque l’expérience cinéma reste unique. 

Ph. Sradni


Questions à Sami Gaidi, responsable cinéma Renaissance 

«Le cinéma Renaissance a connu une première semaine d’ouverture encourageante malgré les contraintes sanitaires»

Le Matin : Que pouvez-vous nous dire sur la récente réouverture du cinéma Renaissance ?
Sami Gaidi
: Après plus d’un an de fermeture, l’industrie du cinéma a dû affronter un arrêt forcé et très dur de ses activités.
Aujourd’hui, les salles de cinéma sont autorisées à rouvrir, le cinéma Renaissance aussi.
Nous avons finalement pu reprendre notre activité, nos équipes sont opérationnelles, en respectant les mesures sanitaires recommandées.
Parce que nous croyons à notre mission d’intérêt général, notre salle est accessible à 50% de sa capacité, avec une distanciation physique de deux fauteuils entre chaque spectateur individuel ou chaque groupe de 3 spectateurs maximum.
Nous avons mis en place également un plan de nettoyage et désinfection entre les séances ainsi que des affiches de sensibilisation et des capsules vidéo avant chaque séance pour guider nos cinéphiles.

Qu’en est-il de la programmation ?
Pendant cette longue période sans activité, nous avons pu revoir notre catalogue de films. Aujourd’hui, le cinéma Renaissance propose à son public un programme riche, adapté aux adultes, aux familles et aux enfants, en proposant un catalogue de films nationaux et internationaux, des matinées enfants et des séances spéciales familles.
Le manque de sorties nous a inquiétés au début, maintenant, nous pouvons dire que c’est une petite reprise, mais elle est bien là.

Est-ce que le public est au rendez-vous ?
Suite à l’annonce de la reprise de notre activité, plusieurs cinéphiles ont contacté nos équipes via les réseaux sociaux, et même sur place pour demander le programme. Les spectateurs ont répondu présents pour le premier jour d’ouverture du cinéma : habitués, familles, jeunes et groupe d’adolescents. 
Nous pouvons dire que le cinéma Renaissance a connu une première semaine d’ouverture encourageante malgré les contraintes sanitaires. Cela a été un réel plaisir de revoir notre 
public.

Comment voyez-vous l’avenir après cette réouverture ?
Le public est heureux de retrouver le grand écran au cinéma, les projections de films ont pu reprendre, c’est le début du retour à la vie ! 


Espace culturel polyvalent

Le concept du cinéma Renaissance est particulier. La réouverture de la salle en 2013 a permis au public r’bati de redécouvrir le plaisir d’aller au cinéma et de profiter des sorties en famille et entre amis. La salle a une programmation cinéma régulière alternée avec des concerts, représentations théâtrales… La salle principale peut accueillir jusqu’à 382 places dont 349 sièges rabattables en orchestre et 33 fauteuils larges au balcon. Elle est équipée en projection numérique 4K Dolby Stéréo, Dolby Digital 7.1, mais aussi en back-line (batterie, piano, amplis…). Un système de billetterie informatisée et des écrans d’affichage à l’entrée ont également été mis en place. 
Source : Fondation Hiba


Questions à l’auteur et metteur en scène Bouselham Daif

«On appelle à la transformation des salles de cinéma fermées en institutions culturelles»

Les habitants de Meknès bouderaient-ils les plaisirs du grand écran ? En tout cas, l’unique salle ouverte après la levée des restrictions fonctionne en mode ralenti. Au-delà des facteurs qui ont sans doute contribué à vider les salles obscures meknassis, un mouvement local œuvre récemment pour encourager les habitants à s’assouvir de films et se tremper de nouveau dans la culture. Cet exemple pourrait être inspirant pour d’autres villes. Explications de l’auteur et metteur en scène Bouselham Daif, l’un des initiateurs du mouvement.

Le Matin : Les salles de cinéma agonisent à Meknès. Combien d’entre elles sont encore fonctionnelles ?
Bouselham Daif
: Deux salles étaient fonctionnelles avant la crise Covid-19.
Après l’assouplissement des mesures restrictives, seule la salle Caméra a ouvert ses portes.

Que pouvez-vous nous dire sur le mouvement créé récemment pour sauver les salles obscures de Meknès ?
C’est un mouvement qui veut réconcilier les habitants de Meknès avec la culture en général notamment le cinéma. Il appelle actuellement à la transformation des salles de cinéma fermées en institutions culturelles pour leur éviter le destin du cinéma le Régent détruit à la hâte pour céder place à un immeuble.
Les salles Appolo, Mondial et Atlas par exemple ont une grande valeur notamment pour la mémoire collective de la ville et au niveau architectural. Elles devraient être converties en institutions artistiques et culturelles pour les jeunes d’autant que Meknès manque de centres culturels.
Cette reconversion serait bénéfique pour les salles qui n’ont pas pu suivre la modernisation. On pourrait créer des concepts comme celui du cinéma la Renaissance à Rabat.
Ces salles pourraient être rachetées par l’État en vue de les transformer au lieu de construire de nouvelles infrastructures d’autant qu’elles sont placées au centre de la ville.

Il y a un militantisme virtuel en faveur des cinémas de Meknès, mais en réalité les gens ne suivent pas vraiment. Pourquoi ?
Meknès accueillait beaucoup de cinéphiles. Elle comptait trois cinéclubs avec presque 500 adhérents chacun. C’est vrai que la perception des salles de cinéma a changé et les salles obscures n’ont pas suivi la modernisation, mais le public n’est plus présent non plus.

Est-ce que les services de streaming ont accentué ce détachement ?
En Europe par exemple, même s’il y a les plateformes de streaming, la magie de voir un film en groupe ou en famille devant le grand écran reste unique.

Pourquoi alors à votre avis les familles marocaines ne vont plus au ciné comme ailleurs ?
La télévision, l’école et la famille jouent un rôle important dans le rapprochement entre les salles de cinéma et le public. Même si les établissements scolaires organisent des ateliers et activités cinématographiques, c’est surtout pour la forme.
Un ciné-club scolaire devrait inviter les jeunes à aller au cinéma et à débattre des films pour les imprégner de l’ambiance des salles obscures. La télévision devrait aussi faire des programmes de sensibilisation. Une catégorie d’hommes et de femmes qui ont les moyens intellectuels et financiers devra faire un acte citoyen et aller au ciné afin de donner l’exemple aux jeunes. Si cette catégorie de la population consomme la culture, elle aidera à raviver le secteur.

Et votre mouvement a-t-il fait des actions concrètes malgré les restrictions liées à la Covid-19 ?
On a envoyé des lettres au ministère de tutelle et autres responsables de la ville. Ce mouvement a attiré l’attention sur la situation actuelle des salles obscures. Nous organiserons aussi des sit-in de sensibilisation. 

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