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Surexposition aux écrans : «Les enfants doivent être initiés à l'autorégulation»

Durant les vacances, beaucoup d’enfants ont du mal à gérer leur temps libre et passent une grande partie de leurs journées face aux écrans, à regarder la télé, à jouer aux jeux vidéo ou encore à tchater avec leurs amis… Une situation préoccupante pour les parents qui, souvent dépassés par un quotidien stressant, n’ont d’autres choix que de les laisser faire. Dr Salma Slitane, psychologue et psychothérapeute, explique aux lecteurs du «Matin» les risques d’une surexposition aux écrans et donne aux parents quelques pistes pour mieux gérer le temps libre des enfants pendant la période des vacances.

Surexposition aux écrans : «Les enfants doivent être initiés  à l'autorégulation»

Le Matin : Pendant la période des vacances, il est difficile de convaincre les enfants d’éviter les écrans, que ce soit de la télévision, les smartphones ou les ordinateurs, que pensez-vous de cette situation ?
Salma Slitane :
Le sujet de l’impact des écrans est une thématique actuelle dont les parents se préoccupent. Les écrans peuvent avoir des effets négatifs sur certaines fonctions cognitives comme le langage ou l’attention et ont des conséquences sur la santé physique (sommeil perturbé, sédentarité et risque de surpoids). Mais ces effets négatifs sont liés à un mésusage (temps excessif, contenu inadapté). Or ces outils numériques, bien utilisés, peuvent être de formidables supports d’éveil de l’intelligence. Ils fournissent également des prothèses cognitives dans le cadre des troubles des apprentissages et permettent ainsi à des enfants dont un processus cognitif dysfonctionne de pouvoir exprimer pleinement leur potentiel intellectuel. Il s’agit donc d’utiliser le bon écran, à bon escient, et les parents ont un rôle à jouer pour garantir ce bon usage des écrans.

Quels sont les risques d’une surexposition à Internet, aux jeux vidéo et aux écrans sur la santé physique et psychologique de l’enfant ?
La surexposition aux écrans présente de sérieux risques pour l’enfant et elle est susceptible d’affecter son développement physique, psychique et social. Cet usage constant des écrans peut affecter non seulement la relation parent-enfant et être la cause de troubles sévères de l’attention, du langage, de la motricité et du comportement des enfants en bas âge. Mais la surexposition aux écrans des jeunes enfants peut avoir aussi des effets qui se font sentir plusieurs années plus tard. Ainsi un enfant de deux à quatre ans exposé à deux heures de télévision quotidiennement multiplie par trois la probabilité d’avoir un retard de langage. Le risque est multiplié par six en cas d’exposition quotidienne avant un an. De nombreux scientifique présument qu’à cause des écrans, il y aurait une réduction des échanges verbaux intrafamiliaux nécessaires au langage. Le regard de l’enfant et de l’adulte sont happés par la télévision ou le Smartphone, ce qui empêche l’attention conjointe et le pointage de se mettre en place. Ces deux capacités sont en effet essentielles à l’émergence du langage et se développent grâce aux interactions verbales et gestuelles à visée de communication. Le fait de regarder fréquemment de la télévision est associé à un risque élevé de développer des problèmes d’attention, des difficultés d’apprentissage et de mauvaises performances scolaires. En effet, le temps d’écran n’a pas seulement un impact sur le fonctionnement cognitif de l’enfant, mais également sur ses interactions sociales. Quand il est excessif, il relève aussi des addictions dites «comportementales», comme la dépendance aux jeux d’argent et de hasard, les achats compulsifs, les addictions alimentaires ou à l’activité physique, les dépendances sexuelles ou affectives...

Quels sont les signes qui devraient alerter les parents et indiquer une addiction de leur enfant aux écrans ? 
Il faudra être vigilant en présence de certains symptômes, similaires à ceux observés dans la plupart des addictions tels que : une incapacité à contrôler le temps passé devant l’écran, avec l’envie d’en passer toujours plus parce que c’est l’endroit où la personne se sent le mieux, un sentiment de vide ou de déprime loin des écrans, une agressivité en cas d’impossibilité d’accéder aux écrans ou aux réseaux, une absence d’intérêt pour toute autre activité, y compris les occupations habituellement appréciées (exemple : scolarité, travail, moments passés en famille ou entre amis). Cette situation peut causer des difficultés scolaires ou professionnelles, une fuite des relations et des responsabilités, le repli sur soi marqué et l’abandon des autres modes d’échange.

Quelle est la fréquence quotidienne ou hebdomadaire de consommation d’internet et  des écrans qu’il ne faut pas dépasser ?
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande ainsi de bannir les écrans pour les enfants de moins de 2 ans. De deux à quatre ans : limiter le temps passé devant un écran à moins d’une heure par jour. Chez les enfants et les jeunes de cinq à 17 ans : limiter à deux heures par jour le temps de loisir passé devant un écran (à regarder la télévision, à envoyer des messages textes ou à jouer sur l’ordinateur). Pour que cette limitation de temps d’écran ne soit pas prise pour une punition, l’enfant doit pouvoir faire d’autres activités. Selon ses goûts, proposez-lui de faire des activités créatives ou manuelles, de jouer à des jeux de société, d’aller voir une exposition ou de sortir faire du vélo.
Il est important, dès que les parents introduisent les écrans dans la vie de l’enfant, qu’ils initient à l’autorégulation. En pratique, cela se fait en précisant à l’enfant le temps pendant lequel il va utiliser l’écran et en reprécisant ce temps lorsque l’enfant est invité à arrêter l’écran. En précisant le temps pendant lequel l’enfant utilisera un écran en amont, cela l’aide à attendre le bon moment. Et comme la durée d’utilisation de l’écran a été précisée auparavant, l’enfant a pu s’y préparer. Une autre façon de rendre la séparation de l’écran plus facile est de prendre du temps avec l’enfant, parler de ce qu’il a vu ou fait avec lui. Si les parents veulent changer les habitudes de leur enfant, c’est plus facile de le faire au moment du changement d’année scolaire, à condition de préciser les nouvelles règles en amont. Les enfants ont souvent beaucoup plus d’aptitude au changement que les adultes l’imaginent !

Enfin, que proposez-vous aux parents pour occuper leurs enfants durant cette période et éviter les écrans ?
Le but n’est pas de remplacer l’utilisation des écrans par autre chose, mais de savoir les utiliser de façon raisonnée et conviviale. Il existe par ailleurs un nombre considérable de jeux traditionnels à jouer à deux, trois ou plus. N’oublions pas non plus l’importance des activités manuelles, comme la cuisine, la pâtisserie, voire le bricolage auquel un jeune enfant peut s’intéresser. Il faut aussi limiter le temps passé sur les écrans de toute la famille, car comme pour toute chose, le comportement des adultes doit montrer l’exemple. Par ailleurs, si vous souhaitez apprendre à votre enfant à réduire ou limiter le temps passé devant les écrans, il est préférable de lui apprendre, dès son plus jeune âge, à s’autoréguler. Il s’agit dans cette optique de le responsabiliser, en l’invitant à comprendre les bénéfices et les limites, et en passant avec lui des contrats qu’il devra respecter en limitant son temps d’écran. 


Que retenir ?

• Autant que possible, limiter les écrans pour les enfants avant 3 ans, ensuite faire un planning clair et précis du temps que ceux-ci ont le droit de passer devant les écrans.
•  L’enfant veut agir, faire des choses, il n’a pas «besoin» de télévision.
• L’enfant a aussi besoin d’apprendre à être autonome et à s’occuper, jouer seul sans toujours avoir recours à vous.
• Proposer des activités à l’enfant le nourrira plus que les écrans. Organiser un calendrier des activités ou une liste de celles-ci pour toujours avoir des idées sous la main !
L’idée avec les écrans c’est de ne pas nier leur présence dans notre existence. Il faudra chercher à s’organiser au mieux pour proposer d’autres activités à nos enfants. Je vous invite à ne pas culpabiliser si un soir vous décidez d’allumer la télévision parce que vous vous sentez débordés ou fatigués. Il est important de se laisser la souplesse d’adapter les règles à la réalité de votre quotidien.

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