La vie a commencé à reprendre à Kaboul, même si la peur prédomine. La capitale afghane était très calme mercredi, la plupart des administrations et des commerces étant fermés à cause de l’Achoura, importante fête religieuse chiite. Des foules importantes continuaient de se rassembler devant les ambassades étrangères, au gré des rumeurs de possibilités de visa et d’asile.
Deux jours après leur prise du pouvoir, les nouveaux maîtres de l’Afghanistan ont tenu mardi à Kaboul leur première conférence de presse. «Tous ceux qui sont dans le camp opposé sont pardonnés de A à Z. Nous ne chercherons pas à nous venger», a assuré un porte-parole taliban, Zabihullah Mujahid. Il a affirmé que les islamistes avaient appris de leur premier exercice du pouvoir et qu’il y aurait de «nombreuses différences» dans leur manière de gouverner, même si idéologiquement «il n’y a pas de différence». Sous le précédent régime taliban, jeux, musique, photographie et télévision étaient interdits. Les femmes avaient interdiction de sortir sans un chaperon masculin et de travailler, les filles d’aller à l’école. Les femmes accusées d’adultère étaient fouettées et lapidées à mort. «Nous nous engageons à laisser les femmes travailler dans le respect des principes de l’islam», a ajouté M. Mujahid. Dans un communiqué commun, les États-Unis et l’UE, ainsi que 18 autres pays, dont l’Australie, le Brésil et le Canada, se sont néanmoins dits mercredi «profondément inquiets» pour les droits des «femmes et des filles en Afghanistan», soulignant que «toute forme de discrimination et d’abus doit être évitée».
Se présentant comme plus modérés, les talibans semblent recevoir un accueil international moins hostile qu’il y a deux décennies quand seuls trois pays (Pakistan, Émirats arabes unis, Arabie saoudite) avaient reconnu leur régime. La Chine s’est dite prête à entretenir des «relations amicales» avec eux. Pour la Russie, leurs assurances en matière de liberté d’opinion constituent un «signal positif». La Turquie a aussi salué des «messages positifs» et l’Iran fait des gestes d’ouverture. Les Occidentaux sont plus réticents. Le mollah Baradar, numéro deux des talibans, qui dirigeait depuis le Qatar leur bureau politique et négociait avec les États-Unis et le gouvernement afghan, est rentré au pays. C’est la première fois qu’un très haut dirigeant taliban en activité rentre publiquement en Afghanistan depuis qu’ils avaient été chassés du pouvoir par une coalition menée par les États-Unis, dans la foulée des attentats du 11 septembre 2001.