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Il est temps de repenser le «Contrat social» !

À l’instar de la quasi-totalité des économies au monde, l’emploi au Maroc fait grise mine. Le Haut-Commissariat au Plan (HCP) confirme cette tendance en publiant une nouvelle note qui fait état d’une chute importante du volume d’emplois en 2020.

Il est temps de repenser le «Contrat social» !

Sans grande surprise, tous les indicateurs du marché du travail sont au rouge. Baisse de l’activité, faible qualification des actifs occupés, baisse du volume horaire de travail, faible protection sociale... Ces constats et d’autres ressortent de la note d’information du Haut-Commissariat au Plan publiée récemment et ciblant la population active occupée en 2020. Un document, qui dresse le portrait de la population active occupée en 2020 ainsi que son évolution par rapport à 2019, confirme, chiffres à l’appui, que la situation demeure préoccupante. Si, par exemple, le volume de l’emploi en 2020 a enregistré une baisse de 10.542.000 en comparaison avec 2019 (10.975.000), soit un taux qui avoisine 3,9%, un peu plus de la moitié (54,3%) des actifs occupés n’ont aucun diplôme : (30,5% ont un diplôme de niveau moyen et 15,2% un diplôme de niveau supérieur. «L’économie nationale a, ainsi, perdu 432.000 postes d’emplois, 137.000 en milieu urbain (-2,2%) et 295.000 en milieu rural (-6,3%), après une création annuelle moyenne de 121.000 postes au cours de la période 2017-2019», explique la note.
De même, cette baisse a concerné tant le monde urbain que le rural. «Entre 2019 et 2020, le recul du taux d’emploi a été nettement plus important en milieu rural avec une baisse de 3,2 points, de 50,3% à 47%, qu’en milieu urbain où ce taux a chuté de 1,6 point, passant de 36,9 à 35,3%». Autre constat marquant : «la baisse du taux d’emploi a été également plus accentuée parmi les hommes (2,6 points) que les femmes (1,9 point)».
Revenant au faible niveau d’instruction, «parmi les actifs occupés exerçant dans le secteur de l’«agriculture, forêt et pêche», 80,8% n’ont aucun diplôme. Cette proportion atteint 59,2% dans le secteur des BTP, 45,2% dans l’industrie (y compris l’artisanat) et 37,4% dans les services», ajoute le document qui a signalé d’autres particularités du marché de l’emploi en 2020 et qui ne sont pas des moindres, à savoir la faible protection du marché de travail, la diminution du volume horaire de travail ainsi que la formalisation de la relation employé/employeur qui n’est pas toujours prise en compte… (Voir encadrés)
Contacté par «Le Matin», Jamal Belahrach, expert en emploi, président Jobs For Africa et CEO DEO Conseil, estime que «Les derniers chiffres du HCP sont clairs et sans appel. Ceux-ci nous rappellent simplement que nous avons été défaillants en matière de politique d’emploi, et ce, depuis des années. Il serait trop facile de mettre cela sur le compte de la pandémie que nous vivons. Certes, cette crise sanitaire a aggravé notre situation, mais le mal est profond». 


Regagner la confiance des ménages, c’est important !

Dans un contexte qui reste marqué par la crise sanitaire, et au vu des constats du HCP, le défi reste de taille : Rattraper le temps perdu en matière d’employabilité tout en regagnant la confiance des ménages. La tâche n’est pas aisée, mais n’est pas impossible. Pour y arriver, nombreux sont les rapports et les études qui recommandent plus de concentration sur l’éducation, socle du développement. Citons le rapport de l’IRES (Institut Royal des études stratégiques) «Vers un nouveau modèle de développement 2019-2020» plaçant l’éducation et la formation au centre des priorités et capitalisant sur une économie marocaine plus humaine. Cela met également en lumière «l’impératif de s’inscrire dans le nouveau modèle de développement socio-économique du Maroc en fournissant une offre de formation en phase avec les attentes et ambitions du projet sociétal marocain, les besoins du marché du travail et les objectifs de l’inclusion sociale des diverses catégories du public concerné», comme le souligne le Conseil supérieur de l’éducation, de la formation et de la recherche scientifique (CSEFRS) dans son Rapport intitulé «Réforme de l’enseignement supérieur : Perspectives stratégiques». Cette crise sanitaire devrait, donc, être une véritable occasion pour approfondir la réflexion sur des modèles gagnants impliquant, il faut le redire, tous les acteurs concernés afin d’envisager le futur avec plus d’engagement, de solidarité, de créativité, d’innovation, de partage, de confiance et de transparence.


Baisse du volume horaire de travail

Le nombre total d’heures travaillées par semaine a baissé de 20%, passant de 494 millions heures en 2019 à 394 millions en 2020, ce qui équivaut à 2,1 millions emplois à temps plein. Selon le milieu de résidence, le volume d’heures travaillées, par semaine, est passé de 300 millions heures à 237 millions en milieu urbain (-21%) et de 194 millions heures à 157 millions en milieu rural (-19%).


Faible protection du marché de travail

Pour ce qui a trait à la protection sociale, le présent document affirme qu’«en 2020, seul le quart des actifs occupés (24,7%) bénéficient d’une couverture médicale liée à l’emploi (36,6% dans les villes et 8,2% à la campagne) contre 24,1% en 2019, 36,4 en milieu urbain et 7,8% en milieu rural». En revanche, le HCP informe que «la part des actifs occupés affiliés à un régime de couverture médicale s’améliore nettement au fur et à mesure que le niveau de diplôme s’élève. Elle passe de 10,7% parmi les personnes n’ayant aucun diplôme à 72,8% parmi celles ayant un diplôme supérieur».


Le ministère rassure…

Présidant la réunion de la deuxième session du conseil d’administration de l’Anapec au titre de l’année 2020, le ministre du Travail et de l’insertion professionnelle, Mohamed Amekraz, a mis l’accent sur l’impact de la pandémie du coronavirus sur l’économie nationale, y compris le marché du travail, citant à cet égard les chiffres du Haut-Commissariat au Plan, qui avait indiqué dans sa note d’information publiée en février, que le taux de chômage au niveau national a atteint 11,9% durant l’année de 2020, contre 9,2% en 2019, et que le nombre de chômeurs a atteint en 2020 un total de 1,4 million de chômeurs au niveau national, soit une hausse de 322.000 personnes par rapport à 2019, alors que l’économie nationale a perdu plus de 400.000 emplois.
Le ministre assure que l’activité économique commence à se rétablir progressivement, ce qui permet de déduire que le marché de l’emploi connaîtra, dans un proche avenir, une relance relative par rapport à la situation actuelle. À cette occasion, M. Amekraz a rappelé que, grâce à la stratégie proactive de gestion de la pandémie, une série de mesures a été prise. Le but étant d’atténuer les effets sociaux et économiques de la Covid-19, de promouvoir le pouvoir d’achat des citoyens et de préserver les postes d’emploi. Ces mesures ont concerné notamment l’appui aux employés en arrêt provisoire du travail à cause de la pandémie, garantir un salaire minimum interprofessionnel au profit d’un certain nombre de familles opérant dans le secteur de l’informel ainsi que le soutien des entreprises, en particulier les PME. L.M.


Questions à Jamal Belahrach, président Jobs For Africa et CEO DEO Conseil

«Le taux d’emploi doit être le critère clé que nous devrions suivre avec une attention toute particulière»

La Matin : Quelle analyse faites-vous de la situation du marché de l’emploi sur la base des deniers chiffres publiés par le HCP ?
Jamal Belahrach
: La situation du marché de l’emploi est juste dramatique pour notre pays. Bien évidemment, elle l’est d’abord pour nos jeunes qui ont du mal à trouver un premier emploi malgré un diplôme en poche.
Les derniers chiffres du HCP sont clairs et sans appel. Ceux-ci nous rappellent simplement que nous avons été défaillants en matière de politique d’emploi, et ce, depuis des années. Il serait trop facile de mettre cela sur la pandémie que nous vivons. Certes, cette crise sanitaire a aggravé notre situation, mais le mal est profond. Pour ma part, sans une véritable rupture dans notre manière de voir la problématique du marché du travail, son écosystème, sa législation et l’agilité de nos entreprises, il nous sera difficile de sortir de ce tunnel sans fin. Nous passons notre temps à commenter les chiffres sans co-construire avec toutes les parties prenantes des solutions modernes et efficaces.
Il serait vain de penser que seul l’état assume la responsabilité de cette situation. Nous sommes collectivement acteurs des solutions possibles à condition, que nous acceptions de travailler ensemble et en bonne intelligence et dans le respect des prérogatives de chacun.
Aussi, si vous le permettez, je ne ferai pas l’erreur de commenter tous ces chiffres qui sont parlants et que tout le monde connaît.
Toutefois, je souhaiterais m’attarder sur le taux d’emploi, le taux d’activité des femmes et, bien évidemment, le taux de chômage des jeunes diplômés.
Nous sommes en 2021, nous avons de grandes ambitions pour notre pays et Sa Majesté a fixé une feuille de route claire sur les priorités. Pensez-vous qu’il soit acceptable que nous ayons un taux d’emploi national à 39,4% et surtout à 35,3% en milieu urbain, c’est-à-dire, là où la vie économique bat son plein normalement ? Si vous ajoutez à cela, le niveau d’activité de femmes qui ne dépassent pas les 22%, le taux de chômage des jeunes diplômés trop élevé pour un pays avec un dividende démographique très avantageux, vous confirmez notre incapacité à avoir une démarche plus stratégique pour faire évoluer notre écosystème du marché du travail.

Quelle conclusion devons-nous en tirer ?
Vous rendez-vous compte, que nous ne sommes capables de donner du travail qu’à 35 personnes sur 100 en capacité de travailler. Nous devons réellement nous interroger sur notre modèle et notre contrat social. Le taux d’emploi doit être le critère clé que nous devrions suivre avec une attention toute particulière. 


Les recommandations de l’expert...

Le message de M. Belahrach est on ne peut plus clair : «Il nous faut nous concentrer collectivement sur la manière dont nous allons réinventer notre politique de l’emploi pour qu’elle soit plus inclusive. De manière plus concrète et urgente, nous pourrions envisager la mise en place d’un contrat de confiance et de transformation de notre marché du travail en impliquant les employeurs, les syndicats et l’État. Les principaux chantiers à traiter outre le niveau de croissance nécessaire à la création d’emploi qui est un préalable, il nous faut traiter la question de la formation, de la législation du travail qui doit résolument devenir plus agile dans ce nouveau monde du travail, l’intégration des jeunes diplômés en entreprise malgré leurs inexpériences, le développement de l’alternance et de l’apprentissage. Les opportunités de croissance sont là. L’agriculture, la santé, l’économie verte, l’industrie, le numérique et les services sont autant de secteurs où nous devons être très optimistes à condition que nous prenions les bonnes décisions et vite».

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