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La transhumance politique, entre liberté et opportunisme

À la veille des élections législatives, le phénomène de la transhumance politique revient au-devant de la scène. Si certains partis n’hésitent pas à encourager le nomadisme pour attirer les cartes gagnantes et améliorer leurs scores électoraux, d’autres considèrent qu’il impacte leurs formations politiques et porte atteinte à la crédibilité de l’action politique.

La transhumance politique, entre liberté et opportunisme

Quelques semaines nous séparent des élections législatives. Un rendez-vous électoral qui remet au goût du jour le débat autour de la question de la transhumance politique. En effet, certains partis n’hésitent pas à encourager le nomadisme politique pour attirer les cartes gagnantes et améliorer leurs scores électoraux. Toutefois, le phénomène est décrié par plusieurs observateurs pour les questions éthiques qu’il soulève, surtout à l’approche des élections. Plusieurs candidats quittent leurs partis politiques quelques semaines avant les échéances électorales – après s’être vu refuser l’octroi de l’accréditation, un prérequis obligatoire pour la présentation du dossier de candidature – pour rallier d’autres formations politiques, dont l’idéologie est parfois aux antipodes de celle du parti auquel ils étaient affiliés, juste pour pourvoir décrocher ce sésame. 

L’exemple le plus éloquent dans ce sens est sans conteste celui de l’ex-maire de Fès et ex-secrétaire général du Parti de l’Istiqlal, le tonitruant Hamid Chabat, qui, après avoir  été écarté par la direction actuelle du parti de Allal El Fassi de toute possibilité de candidature aux prochaines élections, a claqué la porte pour rallier un parti de gauche, en l’occurrence le Front des forces démocratiques (FFD), la formation politique fondée par Feu Thami El Khiyari dans les années 1990 et dirigée actuellement par Mustapha Benali. Une première au Maroc pour un chef de fil d’une formation politique ! Le cas de Chabat n’est cependant pas isolé, car nombreux sont les candidats qui ont quitté le navire de leur parti politique initial pour embarquer dans un autre afin d’y mener la bataille électorale. Il y a lieu de citer l’exemple de Younes Benslimane, député et vice-président de la mairie de Marrakech. Ce ténor du Parti de la justice et du développement (PJD) dans la région de Marrakech avait rejoint les rangs du Rassemblement national des indépendants (RNI). De même, il serait intéressant également d’examiner le cas Itimad Zahidi, cette députée du parti de la lampe et élue à Témara qui a déposé sa démission du parti il y a quelques mois pour rejoindre le RNI. Un parti qui semble, avec l’Istiqlal, attirer de nombreux profils.  Le «mercato politique» bat en effet son plein et aucune formation politique ne semble y échapper.

Pourtant, certains partis politiques se sont engagés il y a quelques mois à lutter contre ce phénomène, notamment le Parti authenticité et modernité (PAM), le Parti du progrès et du socialisme (PPS) et l’Istiqlal qui avaient signé, rappelons-le, le 22 janvier 2021, une charte d’éthique pour lutter contre la transhumance politique. Une pratique qui, selon les trois partis, nuit considérablement à l’action démocratique et pousse les citoyens à boycotter les élections. Mais avant la signature de cette charte, n’oublions pas que le législateur avait instauré des garde-fous pour freiner cette pratique, sauvegarder les équilibres politiques et garantir le respect des engagements des candidats vis-à-vis des électeurs. En effet, la Constitution de 2011 a interdit dans son article 61 la transhumance politique en prévoyant la déchéance du mandat du nomade, comme le rappelle le politologue et professeur universitaire Ahmed El Bouz dans une déclaration accordée au «Matin». D’après lui, bien avant 2011, la loi marocaine relative aux partis politique avait interdit cette pratique qui date des années 1990.  La question qui se pose avec acuité est de savoir s’il faudra considérer la transhumance politique comme une pratique s’inscrivant dans le champ de la liberté politique et dont usent les hommes politiques ou une forme d’opportunisme servant surtout les intérêts des nomades ?  Pour Mehdi Bensaïd, député pamiste et membre du conseil national du parti du tracteur, tout dépend des raisons ayant motivé le départ du militant et du «timing» de ce départ. «Si le militant affilié à un parti se trouve en désaccord avec les idées et l’idéologie de sa formation politique et adopte un positionnement claire justifiant son départ vers un autre parti quelques mois ou quelques années avant les élections, cela s’inscrira dans le cadre de la liberté et du militantisme politique, mais si cette décision est prise à la veille des élections, cela ne peut qu’être mal perçu. Je vous donne l’exemple du député Mohamed Aboudrar qui a quitté le PAM il y a quelques semaines pour rejoindre le Mouvement populaire (MP), avant de rallier l’USFP. C’est absurde !» note le même responsable.  Pour ce jeune député, la transhumance politique est une liberté pratiquée par les politiciens si elle est bien encadrée. La véritable question est de savoir si le nomadisme politique à un impact sur le candidat ou le parti politique, surtout lorsqu’on sait que les électeurs votent plus pour la personne que le parti. «Si les électeurs votaient pour les formations politiques et sanctionnaient les nomades par le vote, le phénomène aurait déjà disparu», conclut-il. 

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