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Ramadan : Quels risques pour les personnes âgées ?

Durant le mois du Ramadan, les personnes âgées sont appelées à prendre encore plus de précautions que les jeunes adultes. Le jeûne, les troubles de sommeil, le changement des habitudes alimentaires et des horaires de prise des médicaments, tant de facteurs auxquels elles doivent faire attention pour passer ce mois en toute sérénité.

Ramadan : Quels risques pour les personnes âgées ?
Les personnes âgées ont moins d’appétit et ont tendance à diminuer leurs apports alimentaires sans que leurs besoins énergétiques soient significativement abaissés.

Les problèmes de santé sont très fréquents chez les personnes âgées. Mais bien qu’elles aient la possibilité de s’abstenir de jeûner durant le mois du Ramadan, elles sont nombreuses à s’obstiner à le faire malgré leur maladie, mettant ainsi leur vie en danger. D’après les scientifiques, le Ramadan est en général sans risques pour les pratiquants et l’âge n’est pas en soi un obstacle à son bon respect. «Il existe des contre-indications absolues, quel que soit l’âge, en cas de diabète traité à l’insuline et non équilibré, d’insuffisance rénale, de maladie cardiaque... et de toute autre pathologie ne supportant pas un jeûne même court. Il est sage, en tout état de cause, de faire le point avec son médecin traitant pour ne pas mettre sa santé en péril, et de faire preuve de responsabilité, surtout après 75 ans, âge où le jeûne est plutôt à déconseiller», affirme au «Matin» Dr Khadija Moussayer, spécialiste en médecine interne et en gériatrie. Cette dernière explique que le corps de la personne âgée subit des modifications physiologiques qui fragilisent son équilibre nutritionnel notamment en cas de survenue de pathologies. Le jeûne peut donc rompre cet équilibre précaire et être à l’origine d’une déshydratation ou d’une dénutrition.

«La perception de la soif est compromise avec l’avancée en âge, elle s’émousse et les pertes en eau sont plus importantes à cause d’une plus forte résistance du rein à l’hormone antidiurétique qui limite les pertes en urine. De plus, les personnes âgées ont moins d’appétit et ont tendance à diminuer leurs apports alimentaires sans que leurs besoins énergétiques soient significativement abaissés par rapport à l’adulte jeune, leurs réserves sont de surcroît faibles. Toutes ces modifications physiologiques rendent la personne âgée affaiblie vulnérable au jeûne», souligne la gériatre.

Durant le Ramadan, il n’y a pas que le jeûne qui pourrait mettre en danger la santé des séniors. Toutes nos habitudes sont chamboulées pendant ce mois. Pour préserver leur santé, les personnes âgées doivent rester vigilantes. «Chaque personne connaîtra ses propres limites par rapport à certaines activités. Il faut surtout veiller à préserver la qualité du sommeil. Ce dernier change avec l’âge tant par sa structure que par sa qualité, son temps total diminue et il devient moins efficace, car plus fragmenté par des réveils nocturnes fréquents. Il faut donc, autant que possible, essayer de conserver une heure de coucher et de lever régulière, de consacrer une heure de son temps, l’après-midi, à une sieste réparatrice, de pratiquer une activité physique et de s’exposer à la lumière naturelle durant la journée. La lumière qui pénètre à travers les yeux fait sécréter l’hormone du sommeil, la mélatonine», indique Dr Moussayer.

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Questions à la spécialiste en médecine interne et en gériatrie
Khadija Moussayer : «Les problèmes de santé chez les personnes âgées sont récurrents pendant le Ramadan»



Quand est-ce qu'une personne âgée doit absolument s'abstenir de jeûner ?
Il n’y a pas d’âge précis pour interdire le jeûne chez la personne âgée, tout dépend de son état de santé et de ses capacités physiques. Néanmoins, le jeûne est à éviter en cas de diabète non équilibré ou de surcroît traité à l'insuline, d'insuffisance rénale ou de maladie cardiaque sous traitement diurétique ; ce dernier, en éliminant le surplus de liquides de l’organisme, peut engendrer une déshydratation. Le jeûne est également interdit en cas de baisse de la fonction des glandes surrénaliennes (insuffisance surrénalienne), car le traitement substitutif utilisé dans cette maladie nécessite une prise régulière au cours de la première partie de la journée, un impératif incompatible avec le jeûne.

En tant que médecin gériatre, est-ce que vous recevez des personnes âgées avec des complications à cause du jeûne durant ce mois ?
Absolument, ce sont des problèmes récurrents dans cette période du Ramadan. Des pathologies jusque-là stabilisées se décompensent, survient alors un accident vasculaire cérébral, un infarctus du myocarde ou une insuffisance rénale.
Il y a un problème particulier inhérent à cette période c’est celui de la mauvaise gestion des médicaments du fait de la courte durée de la rupture du jeûne. Les personnes âgées sont déjà plus fragiles face aux médicaments (élimination rénale ralentie, accumulation dans les graisses et passage plus agressif dans le cerveau). Les médicaments restent ainsi en plus grande quantité et plus longtemps dans l’organisme. Prendre de nombreux médicaments au cours d’une courte période sans respecter l’intervalle requis engendre des effets indésirables et peut aggraver certaines interactions médicamenteuses.
Par ailleurs, la sécheresse buccale fréquente chez la personne âgée, secondaire à la régression des glandes salivaires et à de nombreux médicaments (diurétiques, benzodiazépines, antihistaminiques…), aggravée par l’absence de consommation d’eau pendant la journée, favorise les mycoses buccales qui peuvent atteindre l’œsophage engendrant des brûlures compromettant la déglutition.

Quels sont vos conseils pour que ce mois se passe en toute sérénité pour les personnes âgées ?
Il faut veiller à une bonne hydratation, car les besoins en eau sont plus élevés chez la personne âgée que chez l’adulte jeune (1,7 l/j contre 1,5 l/j). Veiller également à une activité physique quotidienne de 15 à 30 min pour lutter contre la diminution de la masse musculaire liée à l’âge.
Il est aussi préférable d’éviter les aliments sucrés qui sont à l’origine d’une forte sécrétion d’insuline. Cette dernière va stocker le surplus de calories dans le tissu graisseux, d’une part, et déclenchera une sensation de faim, d’autre part.
Les boissons contenant des excitants (café, thé, menthe, chocolat, boissons énergisantes ou à base de cola) sont à éviter ou à consommer de façon minime, ils perturbent le sommeil, certains sont à l’origine d’une augmentation de mictions, un facteur d’aggravation de la soif.
Pas non plus d’abus de nourriture toute la nuit, la digestion provoque une élévation de la température du corps, nuisible au sommeil. Dans l’idéal, la prise alimentaire doit s’effectuer au minimum deux heures avant d’aller se coucher.

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