Menu
Search
Jeudi 10 Juillet 2025
S'abonner
close
Jeudi 10 Juillet 2025
Menu
Search

60 ans de relations Maroc-Sénégal : une amitié historique à l'épreuve du temps numérique

Le séminaire international célébrant le 60e anniversaire de la Convention d'établissement entre le Maroc et le Sénégal s'est tenu lundi 9 avril 2025 à Rabat. Organisé sous le Haut Patronage du Roi Mohammed VI et du Président sénégalais Bassirou Diomaye Diakhar Faye, cet événement, réunissant personnalités politiques, diplomatiques et universitaires, a mis en lumière les liens profonds entre les deux nations. À l'heure où l'Afrique cherche à affirmer sa place dans un monde en mutation, cette alliance historique se réinvente à travers de nouveaux défis, notamment la transition numérique, tout en restant fidèle aux valeurs qui l'ont fondée.

Des diplomates en costumes impeccables, des universitaires aux regards vifs et des responsables économiques se pressaient, ce lundi 9 avril 2025 à Rabat, pour assister à un événement symbolique : la célébration du 60e anniversaire de la Convention d'établissement entre le Maroc et le Sénégal. Cette convention, signée le 27 mars 1964 à Dakar, constitue la pierre angulaire d'une relation bilatérale exceptionnelle, tant par sa longévité que par sa profondeur.

«Les anniversaires sont souvent des événements festifs, mais les relations entre nos pays sont anciennes, profondes et d'une exceptionnelle qualité», a souligné Son Excellence Seynabou Dial, ambassadrice de la République du Sénégal au Maroc, dans son allocution d'ouverture. En quelques mots, elle résumait l'essence de cette journée organisée par la Caisse de dépôt et de gestion (CDG), en partenariat avec le Timbuktu Institute – African Center for Peace, en collaboration avec l’Université Internationale de Rabat (UIR).

Une convention qui transcende le temps

La Convention d'établissement de 1964 n'est pas un simple accord diplomatique. Elle incarne une vision avant-gardiste qui, en pleine période post-coloniale, instaurait un cadre juridique privilégié entre deux nations souveraines. «Cette convention historique octroie aux citoyens sénégalais résidant au Maroc les mêmes droits que ceux dont jouissent les citoyens marocains, et réciproquement», a expliqué Latifa Chihabi, secrétaire générale de la CDG, qui s'exprimait au nom de Khalid Safir, directeur général de l'institution.



Ce texte, qui se décline en deux sections de 12 articles, permet notamment aux ressortissants des deux pays d'accéder aux mêmes avantages dans la fonction publique et le secteur privé, ainsi qu'aux marchés publics. Une réciprocité remarquable qui explique pourquoi de nombreux Sénégalais considèrent le Maroc comme leur «second pays», comme l'a rappelé l'ambassadrice Dial. Les participants marocains et sénégalais ont souligné que «ce texte fondateur unique en son genre illustre la profondeur de nos relations et permet aux citoyens marocains et sénégalais de vivre, travailler et investir dans leurs pays respectifs avec une facilité sans précédent et une égalité de traitement».

Un modèle de coopération Sud-Sud

La relation maroco-sénégalaise s'est construite sur des fondements solides, dont les racines remontent bien au-delà de l'indépendance des deux pays. «Le modèle religieux commun entre les deux pays, basé sur un islam modéré et l'école juridique malikite, constitue l'un des piliers de cette relation», a rappelé Bakary Sambe, directeur du Timbuktu Institute.

Sur le plan économique, les résultats sont tangibles. Les échanges commerciaux entre les deux pays ont connu une progression spectaculaire, passant de 6 millions de dollars en 1999 à 52 millions de dollars en 2005. Plus de 60 accords juridiques et commerciaux ont été signés, couvrant des domaines aussi variés que le transport, le ferroviaire et l'énergie... «Il y a d'importantes potentialités qui constituent une opportunité pour faire résonner l'accord d'une manière qui permette aux entrepreneurs des deux pays de saisir les opportunités qu'il offre», a souligné la secrétaire générale de la CDG.

La transition numérique, nouveau défi commun

Si le passé commun entre le Maroc et le Sénégal est riche, c'est vers l'avenir que les intervenants ont voulu tourner les regards. À cet égard, l'intervention d'Amal El Fallah Seghrouchni, ministre déléguée chargée de la Transition numérique et de la réforme de l'Administration, a été marquant lors de cette conférence. «Avec 60% de sa population sous l'âge de 25 ans, l'Afrique doit encadrer ses jeunes et ses femmes pour réussir sa transition numérique», a-t-elle déclaré, plaçant d'emblée le débat dans une perspective continentale.

La ministre a exposé sa vision d'une Afrique qui ne serait pas simplement consommatrice de technologies importées, mais actrice de sa propre révolution numérique : «L'Afrique doit penser sa propre numérisation et développer son modèle numérique adapté aux aspirations de ses peuples et de sa jeunesse». Cette préoccupation prend une dimension particulière dans un contexte mondial où deux visions s'affrontent – l'une chinoise, l'autre américaine –, avec une Europe dont la présence technologique est menacée. «Mais quelle est la place de l'Afrique et de sa jeunesse dans cette compétition technologique ?» s'est interrogée la ministre, qualifiant cette question de «clé dans un enjeu décisif pour l'avenir».

Des initiatives concrètes pour l'avenir digital africain

Pour répondre à ces défis, la coopération maroco-sénégalaise s'enrichit de nouvelles initiatives. Le programme «African Women in Tech & AI», porté par le Centre international d'intelligence artificielle du Maroc (AI Movement), illustre cette dynamique. Sa deuxième cohorte, composée de 80 participantes issues de 28 pays africains, a bénéficié de 85 heures de formation. «Ce programme vise à former 150 femmes scientifiques dans le domaine de la technologie et de l'intelligence artificielle sur une période de trois ans, et à créer un réseau panafricain de femmes dans les secteurs du numérique», a précisé la ministre Seghrouchni.

La transformation numérique est également au cœur du mémorandum d'entente signé en 2016 entre les deux pays concernant «la modernisation et la réforme de l'administration publique et le renforcement des capacités dans le domaine de la gestion et du développement des ressources humaines». «La promotion de la décentralisation administrative et de la qualité des services publics doit s'appuyer sur la modernisation et l'accélération de l'utilisation de l'intelligence artificielle, ainsi que sur l'investissement dans la formation des étudiants et des élèves», a insisté la ministre.

Un pont entre les universités et les jeunes

Le rôle des universités dans le renforcement des liens bilatéraux a été mis en avant par Noureddine Mouaddib, président de l'Université Internationale de Rabat. «Le milieu universitaire est un lien important entre pays frères. Notre université s'est engagée à figurer parmi les meilleures et a défini une stratégie orientée vers l'innovation», a-t-il déclaré.

Face aux défis démographiques – avec 9 millions d'étudiants africains aujourd'hui et une projection de 26 millions en 2030 –, les partenariats universitaires deviennent cruciaux. «Nous avons plusieurs collaborations avec des chercheurs sénégalais impliqués dans des laboratoires communs et une revue africaine», a-t-il précisé, appelant à «oser l'Afrique, oser les relations Maroc-Sénégal», tout en proposant la mise sur pied d’un Erasmus africain. Cette vision est partagée par Bakary Sambe, qui a souligné l'importance de «faire du partenariat entre les instituts une base commune pour la recherche stratégique et formuler des réponses africaines aux problèmes africains».

Dakhla, symbole d'une vision commune

La dimension géostratégique de la relation maroco-sénégalaise s'incarne particulièrement dans le développement des provinces du sud du Maroc. «Les provinces du Sud connaissent des transformations colossales mondialement reconnues. Le pôle de Dakhla, avec son port, s'avère un modèle pour le continent», a souligné Bakary Sambe. Ce n'est pas un hasard si Dakhla a été choisi, en avril 2021, par le Sénégal pour ouvrir un consulat, marquant son soutien à l'intégrité territoriale du Royaume. «Cette région constitue un trait d'union entre le Maroc et les pays africains», a expliqué le directeur du Timbuktu Institute, annonçant l'organisation d'un événement majeur à Dakhla en fin d'année «pour se remémorer l'histoire des relations entre les deux pays et explorer les perspectives futures, notamment pour les générations à venir».

Une collaboration économique en pleine expansion

Cette journée consacrée aux perspectives économiques entre le Maroc et le Sénégal a permis d'explorer les pistes de développement futur. À l'heure où l'Afrique cherche à affirmer sa place dans un monde en recomposition, la relation maroco-sénégalaise offre un modèle inspirant. Comme l'a rappelé Bakary Sambe, «nous vivons une ère nouvelle annonciatrice d'une reconfiguration géopolitique qui appelle l'Afrique à affirmer sa place centrale».

L'initiative Atlantique lancée par le Roi Mohammed VI illustre cette vision partagée d'une Afrique qui prend en main son destin. «Par ses potentialités, le basculement du continent vers certains pôles pourrait changer la donne», a souligné le directeur du Timbuktu Institute, citant les paroles du Souverain à Addis Abeba : «Les richesses de l'Afrique doivent bénéficier à l'Afrique». Cette aspiration trouve un écho particulier au Sénégal, où un nouveau chapitre s'est ouvert avec l'élection du Président Bassirou Diomaye Diakhar Faye. «Cette étape de notre histoire coïncide avec un nouveau leadership au Sénégal, avec le nouveau Président engagé pour un pays souverain, juste et prospère», a relevé M. Sambe.

Une vision pour l'Afrique de demain

Au terme d'une journée riche en échanges, les participants au séminaire international ont réaffirmé leur conviction que le modèle de coopération maroco-sénégalais peut inspirer l'ensemble du continent. Comme l'a si bien formulé l'ambassadrice du Sénégal : «Le Maroc est notre second pays». Après 60 ans d'une relation privilégiée, le Maroc et le Sénégal regardent vers l'avenir avec confiance, déterminés à relever ensemble les défis du XXIe siècle. De la transition numérique à l'intelligence artificielle, en passant par la recherche scientifique et l'intégration économique régionale, leur coopération s'adapte et se réinvente, tout en restant fidèle à l'esprit visionnaire qui présidait à la signature de la Convention d'établissement en 1964.

L'aventure commune se poursuivra, symbole de cette relation exceptionnelle et promesse d'un avenir partagé pour les jeunes générations des deux pays. En attendant, comme l'a souhaité Bakary Sambe, «que ce moment porté par notre histoire et notre foi commune ouvre la voie à une coopération scientifique à la hauteur des attentes de l'Afrique».
Lisez nos e-Papers