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À l'ORF, New Delhi expose sa vision stratégique pour l'Afrique aux médias du continent

En présence de Gautam Chikermane, vice-président de l'Observer Research Foundation, et de Samir Bhattacharya, Associate Fellow spécialisé sur l'Afrique, ainsi que d'autres membres du staff de ce think tank influent, les journalistes africains ont découvert la profondeur des liens entre l'Inde et le continent. Cette première rencontre institutionnelle a révélé une approche indienne fondée sur des relations «longues et profondes», remontant bien avant l'époque coloniale, et une stratégie multidimensionnelle privilégiant la coopération Sud-Sud face aux défis sécuritaires et économiques contemporains.

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La trentaine de journalistes africains en visite de familiarisation en Inde (voir article ci-contre) a entamé son programme institutionnel par une rencontre intéressante à l'Observer Research Foundation, l'un des think tanks les plus influents du pays. Cette première étape, organisée dans les locaux de l'ORF à New Delhi, visait à présenter aux représentants des médias africains la vision géopolitique indienne concernant le continent et les enjeux de coopération Sud-Sud. L'échange, animé par le staff de l’ORF et des spécialistes des questions africaines, a permis d'exposer les fondements historiques et les orientations stratégiques de l'engagement indien en Afrique, avec un focus particulier sur les partenariats sécuritaires, économiques et technologiques.


Des relations historiques antérieures au colonialisme

Lors de cette première rencontre institutionnelle à l'Observer Research Foundation, les responsables indiens ont tenu à souligner l'ancienneté des liens avec l'Afrique. En présence de Gautam Chikermane, vice-président de l'ORF, de Samir Bhattacharya, Associate Fellow Africa, et d'autres membres du staff, les journalistes africains ont découvert que ces relations remontaient bien avant l'époque coloniale, lorsque les Indiens se rendaient déjà en Afrique pour le commerce par de petits bateaux.

Dès les années 1960 et 1970, l'Inde contribuait activement à la construction de chemins de fer dans divers pays africains. Cette connexion historique est attestée par la présence d'une importante diaspora indienne en Afrique, qui contribue au développement de leurs pays d'accueil. L'Inde souligne qu'elle n'est pas un acteur récent sur le continent africain, se distinguant ainsi de nombreux autres pays du Golfe, de la Chine ou de la Russie qui ont récemment accru leur intérêt pour l'Afrique. Un jalon important de cette relation a été l'inclusion de l'Union africaine au sein du G20, sur proposition du Premier ministre Narendra Modi, s'inscrivant dans la continuité des liens historiques, notamment la participation de nombreux pays africains au Mouvement des Non-Alignés aux côtés de l'Inde et de l'Égypte.

Sécurité maritime : une priorité partagée face aux nouveaux défis

Les experts de l'ORF ont particulièrement insisté sur les enjeux sécuritaires, soulignant la résurgence de la piraterie somalienne et l'activité des groupes terroristes dans la Corne de l'Afrique. Ils ont établi un lien intrinsèque entre la sécurité et la croissance économique, expliquant que concernant la présence navale indienne près des côtes africaines, il n'y a pas de «compétition» avec la Chine, mais plutôt une poursuite des propres intérêts de l'Inde en matière de commerce et de sécurité maritime.

L'Inde a une longue histoire d'engagement maritime, ayant envoyé des patrouilleurs dès 2010 pour prévenir la piraterie au large des côtes somaliennes et protéger les voies commerciales, non seulement pour ses propres intérêts, mais aussi pour le bien mondial. L'Inde se positionne également comme l'un des «premiers intervenants» lors de crises, comme en témoigne son assistance rapide au Mozambique après le cyclone Idai en 2019...

Pour faciliter de telles interventions et renforcer sa présence, l'Inde investit dans le renforcement des capacités locales, notamment en aidant Maurice à construire une nouvelle piste d'atterrissage sur l'île d'Agal, utilisable à des fins de sécurité. Des exercices maritimes, comme IPSAM avec le groupe IPSA (Inde, Brésil, Afrique du Sud), font également partie de ces initiatives de renforcement des capacités.

Le Maroc, partenaire stratégique privilégié

Les responsables de l'ORF, qui a depuis 2017 signé un partenariat avec l’Institut Royal des études stratégiques (IRES), ont accordé une attention particulière au Maroc lors de leurs échanges avec les journalistes. Ils ont souligné que la coopération entre l'Inde et le Maroc s'est considérablement accrue depuis l'arrivée au pouvoir du nouveau gouvernement post-islamiste en 2020. L'Inde entretient un partenariat de travail avec des groupes de réflexion marocains, comme The Policy Center for the New South (PCNS), l'Université Polytechnique Mohammed VI, avec lesquels des recherches conjointes sont menées.

Le Maroc est reconnu pour sa stabilité géopolitique, a indiqué Samir Bhattacharya. L'Inde suit attentivement la question du Sahara et observe avec intérêt le soutien international croissant au plan d'autonomie marocain, notamment de la part de la France et de nombreux autres pays. D'un point de vue économique, la relation avec le Maroc revêt une dimension vitale pour la sécurité alimentaire de l'Inde. L'Inde dépend fortement du Maroc pour ses engrais, important près de 90% de ses besoins en engrais potassiques de ce pays, a-t-il insisté. Cette région, incluant le Sahara, recèle d'importantes réserves de phosphate, soulignant l'importance stratégique du Maroc pour l'Inde. Des discussions ont également lieu sur des projets de connectivité, notamment la «vision transsahélienne» de S.M. le Roi, et l'Inde étudie comment contribuer à ces initiatives d'infrastructure. Un partenariat existe également en matière de lutte contre le terrorisme.

Vers une coopération Sud-Sud renforcée
Les experts de l'ORF ont évoqué l'engagement de l'Inde avec l'Afrique à trois niveaux : au niveau de l'Union africaine (continental), avec les coopérations économiques régionales, et au niveau bilatéral avec chaque pays africain. Ils ont également abordé la nécessité d'un système de paiement alternatif au système dominé par l'Occident, notamment après le retrait de la Russie du système Swift pendant le conflit en Ukraine.

L'Inde ne souhaite pas «passer d'un tyran à un autre», mais plutôt renforcer le système de paiement existant et y faire sa propre place. Les responsables envisagent la possibilité d'une troisième alternative, ni américaine ni chinoise, rendue possible par les avancées technologiques et la coopération Sud-Sud, bien que cela nécessite du temps et d'énormes infrastructures et collaborations. Cette première rencontre à l'ORF a montré que l'Inde se positionne comme un partenaire historique et fiable pour l'Afrique, privilégiant la coopération mutuelle, le renforcement des capacités et la poursuite d'intérêts partagés, plutôt qu'une logique de concurrence agressive.

Samir Bhattacharya : «Le Maroc est notre porte d'entrée vers l'Afrique et un phare démocratique»

À l'ORF, New Delhi expose sa vision stratégique pour l'Afrique aux médias du continent



«Une grande partie de la coopération entre l'Inde et le Maroc porte effectivement sur les engrais, notamment la potasse et le potassium, mais notre partenariat va bien au-delà. La coopération sécuritaire revêt également une importance capitale. Nous importons actuellement 80 à 90% de nos engrais nécessaires à la sécurité alimentaire du Maroc. Nous sommes parfaitement conscients que le Maroc développe considérablement ses infrastructures, particulièrement les installations portuaires.

Le Maroc, porte d'entrée stratégique de l'Afrique

Au-delà de la sécurité alimentaire, nous considérons le Maroc comme la porte d'entrée de l'Afrique. Sa position géographique exceptionnelle le place au confluent de l'Europe, du monde arabe et de l'Afrique subsaharienne. Avec le gouvernement actuel, nous avons retrouvé une stabilité rassurante. Après les incertitudes du Printemps arabe, les dernières élections démocratiques ont abouti à un gouvernement de coalition. Dans un continent africain marqué par les coups d'État et les dictatures militaires, le Maroc représente un véritable phare démocratique.

Coopération sécuritaire et défis communs

Le Maroc demeure un partenaire essentiel dans notre lutte contre le terrorisme, car nous faisons face aux mêmes défis. Au niveau de l'ORF (Observer Research Foundation), nous développons activement les dialogues de deuxième voie entre l'Inde et le Maroc, impliquant notamment les universités. De nombreux Marocains se rendent en Inde pour des échanges académiques.

Obstacles à la connectivité

Lors de mon séjour de deux semaines au Maroc en janvier dernier, j'ai été conquis par Rabat et Casablanca. Cependant, l'absence de liaison aérienne directe avec Royal Air Maroc constitue un obstacle majeur. Devoir transiter par la France ou Abou Dhabi pour rejoindre le Maroc n'est pas acceptable et représente un défi que nous devons absolument relever.

L'importance des liens peuple à peuple

Au-delà des relations gouvernementales, nous devons privilégier les échanges entre les peuples. Vous, journalistes, devriez venir découvrir l'Inde et encourager davantage d'étudiants à nous rejoindre. Notre organisation promeut l'Afrique en Inde car nous croyons fermement que les connections gouvernementales ne sont que la signature : la véritable colle, ce sont les liens entre les peuples.

Affinités culturelles

Tous les Africains connaissent les traditions indiennes. Dès mon arrivée à l'aéroport de Casablanca, la référence à l’acteur indien Amitabh Bachchan et l'accueil chaleureux dans les ruelles de la médina de Rabat m'ont frappé. Nos similarités culturelles sont saisissantes : notre amour commun des épices, l'appréciation mutuelle de nos cuisines respectives – le tajine et le couscous marocains nous ravissent autant que notre cuisine séduit les Marocains. Ces liens humains et culturels constituent le fondement véritable de notre partenariat. Restons en contact et continuons à développer ces échanges précieux entre nos peuples».

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