Un appui stratégique de l’USFP
L’admission du MSP à Istanbul n'est pas un acte improvisé. Elle s’inscrit dans une stratégie diplomatique discrète menée depuis plusieurs mois par l’USFP. La délégation marocaine, conduite par son Premier secrétaire, Driss Lachgar, comprenait plusieurs figures du parti telles que Mehdi El Mezouari, Hanane Rihab, Salek Moussaoui ou encore Fadwa El Rejwani. Des rencontres de haut niveau ont été tenues avec Pedro Sánchez, Premier ministre espagnol et leader du PSOE, Özgür Özel, président du CHP turc, ou encore Isabel Allende, sénatrice chilienne et figure respectée du socialisme mondial.
Une première prise de contact réussie
Le MSP était représenté par son Premier secrétaire Hach Ahmed Bericalla et son responsable des relations internationales Mohamed Chérif. Tous deux ont insisté sur la nécessité de rompre avec le discours figé du polisario, en proposant une lecture plus inclusive du dossier du Sahara. En parallèle, une délégation féminine du MSP a pris part au Conseil de l’Internationale socialiste des femmes, qui s’est tenu les 22 et 23 mai. Conduite par Maïmouna Dlimi, cette délégation a mis en avant le rôle des femmes sahraouies dans la construction d’un projet politique alternatif et pacifique. D'autres militantes, comme Fatima Daoud ou Saadani Ahl Aba, ont défendu une approche basée sur les droits, la stabilité et la coopération régionale.
Une dynamique à suivre
Face à cette avancée, la réaction du polisario a été immédiate... et surtout révélatrice. Dans un communiqué publié en ligne, ses relais dénoncent une «manipulation» tout en tentant de discréditer la participation du MSP. Une posture de déni classique, qui trahit surtout une perte de contrôle sur le récit sahraoui largement dicté – comme il est de notoriété public – par le régime d’Alger. Plutôt que de reconnaître l’existence d’un courant alternatif sahraoui, le polisario préfère attaquer ses anciens membres, les qualifier d’«instrument du Maroc», et rejeter toute voix discordante. Mais ce sont justement ces attaques qui soulignent l’essoufflement d’un mouvement qui se prétend pluraliste tout en refusant la moindre diversité d’opinion. La réaction du polisario témoigne d’un malaise plus profond : son isolement croissant dans les cercles progressistes, où les principes de démocratie et de pluralisme ne sont plus à géométrie variable, comme ce fut le cas par le passé.
Entretien avec le membre du bureau politique de l’USFP
Mehdi Mezouari : «Nous avons imposé cette reconnaissance, non par la force, mais par la persuasion»
Le Matin : L’adhésion du MSP à l’Internationale socialiste a suscité de nombreux commentaires. Comment cette décision a-t-elle été prise et portée ?
Mehdi Mezouari : Il faut d’abord souligner que cette décision a été actée à Rabat, en décembre 2024, lors du Conseil mondial de l’Internationale socialiste. C’est là que le Mouvement sahraoui pour la paix a été admis à l’unanimité. Istanbul n’a été qu’un relais médiatique. En réalité, cette victoire diplomatique a été rendue possible par un travail de fond mené par l’USFP, qui a porté la candidature du MSP avec rigueur, patience et méthode. Il faut savoir que l’Internationale socialiste est une organisation colossale, structurée, où les équilibres sont complexes. Convaincre les partis membres, les présidences, les commissions d’éthique... Cela a nécessité une véritable opération de persuasion. Je le dis sans détour : nous avons imposé cette reconnaissance, non par la force, mais par la conviction. C’était une décision mûrement réfléchie.
Pourquoi avoir misé sur le MSP ? Et pourquoi maintenant ?
Parce que le temps était venu de reconnaître une autre voix sahraouie. Depuis cinquante ans, le champ politique est verrouillé par le monopole du polisario, qui s’est autoproclamé unique représentant des Sahraouis. Or cette prétention ne tient plus. Le MSP est certes jeune, mais il incarne une alternative pacifique, réaliste, ouverte à une solution politique. Il fallait briser l’illusion du parti unique. Le polisario est aujourd’hui un mouvement armé, replié dans une logique de confrontation, souvent en contradiction avec les droits de l’Homme et les aspirations d’une grande partie de la population sahraouie. À l’inverse, le MSP défend le dialogue, la légalité, et la proposition d’autonomie formulée par le Maroc dans le cadre des Nations unies. Il représente une voix de la paix, de l’union maghrébine, de la légitimité. Cette voix méritait d’être entendue.
Cette reconnaissance internationale fragilise-t-elle la position historique du polisario ?
Sans aucun doute. L’Internationale socialiste a longtemps été perçue comme un bastion favorable au polisario. Le fait que le MSP y entre avec le soutien de l’USFP, et à l’unanimité, change la donne. Désormais, sur la scène internationale, deux narratifs s’affrontent : celui du séparatisme armé, et celui du compromis politique. Ce n’est pas simplement une victoire diplomatique, c’est un basculement symbolique, stratégique, profond.
Qui composait la délégation du MSP lors du sommet d’Istanbul, et quel message y a-t-il été porté ?
La délégation était conduite par Hach Ahmed Baricalla, président du mouvement et ancien cadre du polisario. Il a quitté les rangs du front pour défendre une solution pacifique et durable. C’est lui qui a porté la voix du MSP, avec fermeté et clarté. Il était accompagné d’une représentation féminine active, notamment à travers l’Internationale socialiste des femmes, qui a donné une résonance supplémentaire à leur message : celui d’un mouvement sahraoui crédible, engagé pour une paix durable, et en phase avec les principes de la social-démocratie.
L’USFP semble plus active que jamais sur le plan international. Quelles autres initiatives diplomatiques menez-vous actuellement ?
Le travail diplomatique fait partie intégrante de notre stratégie. Nous ne sommes pas dans la communication d’apparat. Nous avons structuré une équipe dédiée, avec un secrétariat opérationnel, des agendas précis, des rendez-vous continus. Nous traitons ce dossier avec méthode et constance. Concrètement, nous sommes aujourd’hui le seul parti marocain membre de la COPAL (Conférence permanente des partis politiques d’Amérique latine), après une invitation officielle de son président. Nous siégeons également au présidium de l’Alliance progressiste, une plateforme politique mondiale qui regroupe des partis de plus de 140 pays. Nous avons aussi porté un message clair dans les réunions interarabes : défendre l’intégrité territoriale du Maroc et affirmer notre soutien au plan d’autonomie. Ce n’était pas sans tensions, notamment avec certaines formations algériennes, mais nous avons tenu notre position. Et nous avons remporté ce débat.
Cette stratégie s’inscrit-elle dans la durée ?
Absolument. L’USFP considère les relations internationales comme un axe central de son action politique. Et nous le faisons avec un objectif précis : peser, proposer, défendre les intérêts du Maroc. C’est un travail de longue haleine, qui demande constance et cohérence. Mais aujourd’hui, les résultats sont là.
