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Aides caritatives : ce que les associations doivent impérativement savoir

Malgré l’adoption récente du décret d’application de la loi 18.18, les associations marocaines ont du mal à se conformer aux nouvelles exigences légales en matière de «collecte de fonds et de distribution d’aides caritatives». Sur sept demandes de collecte déposées auprès du secrétariat général du gouvernement (SGG) depuis l’entrée en vigueur de la loi, la majorité ne respecte pas les formalités requises. Partant de là, le SGG a animé une rencontre interactive à l’occasion du 30e Salon international de l’édition et du livre dans le but d’expliciter les exigences imposées par le nouveau cadre juridique. Un effort pédagogique bienvenu pour expliquer un dispositif ambitieux qui vise avant tout à renforcer la transparence et la crédibilité des actions caritatives au Maroc.

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Le mois dernier, le gouvernement marocain franchissait une étape décisive en adoptant le décret n°2.25.152, texte d’application venant compléter la loi 18.18 relative à l’organisation des appels pour «la collecte de fonds auprès du public et la distribution d’aides caritatives». Promulguée en décembre 2022, cette loi avait pour objectif de remplacer un dispositif vieux de plus de cinquante ans, le texte 004.71 du 12 octobre 1971 (qui parlait d’appel à la générosité publique). Mais les premiers résultats ont révélé une mise en œuvre difficile : sur sept demandes déposées à ce jour auprès du secrétariat général du gouvernement, la plupart ne respectent pas les formalités juridiques exigées par la nouvelle législation, illustrant ainsi les efforts à mener en matière de sensibilisation et d’explication de ce nouveau cadre juridique.

C’est dans cet esprit que le SGG a programmé une rencontre interactive dédiée aux associations de la société civile qui s’est tenue le jeudi 24 avril 2025 dans le cadre de la 30e édition du Salon international de l’édition et du livre. Organisé par la Direction des associations, des professions réglementées et des ordres professionnels du SGG, cet événement a permis d’éclairer les participants sur les récentes modifications ayant touché le cadre juridique encadrant les appels à la collecte de dons publics et la distribution d’aides caritatives. De même, il a offert aux acteurs associatifs l’opportunité de mieux cerner les nouvelles dispositions légales régissant leurs activités de collecte de dons.

Les acteurs associatifs face aux nouvelles exigences légales

«La nouvelle loi vise à établir un équilibre entre la facilitation des actions solidaires et le renforcement des garanties de transparence et de bonne gouvernance», a expliqué Nezha Hafidi lors de cette rencontre. Cadre à la Direction des Associations, des professions réglementées et des Ordres professionnels, elle a détaillé les principaux changements introduits par la législation. La loi 18.18 définit précisément les conditions de déroulement des appels à la collecte de dons auprès du public, les règles d’organisation des opérations de collecte, ainsi que les documents et informations devant être fournis à l’administration. Elle encadre également les conditions de distribution des aides à des fins caritatives et établit des procédures de contrôle rigoureuses, a-t-elle ajouté, précisant que «cette réforme constitue une avancée significative vers une plus grande professionnalisation du secteur caritatif au Maroc». L’intervenante a rappelé, dans le même ordre d’idées, que le décret d’application venait préciser la procédure d’autorisation pour l’appel au don public, les modalités de la déclaration pour la distribution des aides et les mécanismes de contrôle mis en place.

Qui peut solliciter l’autorisation de collecter des dons ?

Le nouveau cadre juridique identifie clairement les entités habilitées à présenter une demande d’autorisation pour la collecte de dons. Il s’agit principalement des associations, des groupements d’associations et, à titre exceptionnel, des groupes de personnes physiques. La procédure varie selon l’étendue géographique de la collecte. «Pour les opérations à portée nationale, couvrant plus d’une région, c’est le secrétaire général du gouvernement qui est compétent», a précisé Mme Hafidi. Et de souligner que «pour les opérations limitées à une région, c’est le wali qui intervient, tandis que pour celles restreintes à une province ou une préfecture, l’autorisation relève du gouverneur concerné».

Quant aux collectes dont les fonds seront utilisés à l’étranger, Mme Hafidi a indiqué qu’elles «relèvent de la compétence du ministère des Affaires étrangères, avec des exigences supplémentaires». Les demandeurs doivent en effet s’engager à prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir le bon déroulement de l’opération et son suivi rigoureux. «Le dossier doit également inclure un engagement d’informer les services consulaires marocains dans le pays destinataire des fonds, ainsi que les références du compte bancaire qui sera utilisé dans ce pays pour recevoir les sommes collectées», a-t-elle ajouté, insistant sur la dimension transnationale des contrôles mis en place.

D’après les informations contenues dans le document officiel présenté lors de la rencontre, les demandes doivent être déposées au moins trente jours avant la date prévue pour l’opération de collecte. Cette exigence temporelle constitue l’un des points essentiels à respecter dans les dossiers à soumettre.

Un processus administratif rigoureux et détaillé

La complexité du nouveau dispositif réside par ailleurs dans la rigueur des exigences documentaires. Pour les associations, le dossier de demande doit comporter les statuts de l’association, le récépissé du dépôt de la déclaration de constitution ou de renouvellement des instances, la liste des membres dirigeants, les états financiers de la dernière année et les extraits de casier judiciaire des responsables. «Ces exigences documentaires ne sont pas de simples formalités administratives», a insisté Nezha Hafidi. «Elles constituent des garanties fondamentales pour les donateurs et les bénéficiaires, assurant que les fonds collectés seront effectivement utilisés aux fins déclarées». Le dossier doit également comprendre le programme détaillé de l’opération de collecte, les références du compte bancaire dédié à l’opération, l’identité des personnes chargées de la collecte, ainsi qu’une note explicative sur l’utilisation prévue des fonds.

Des restrictions et des contrôles pour garantir la transparence

La loi 18.18 pose également des limites claires aux activités de collecte de dons. Elle interdit notamment les appels à la collecte de fonds auprès du public visant à réaliser des objectifs commerciaux, publicitaires ou électoraux, à promouvoir des produits ou services, à payer des amendes ou indemnités judiciaires, à rembourser des dettes, ou à financer les frais de fonctionnement d’une association. Ces interdictions visent à préserver la nature véritablement caritative des opérations et à éviter tout détournement du dispositif. «La transparence est au cœur du nouveau cadre légal», a souligné Mme Hafidi lors de la rencontre du 24 avril.

«Chaque association doit désormais rendre des comptes précis sur l’utilisation des fonds collectés». En effet, la loi impose aux bénéficiaires une autorisation de transmettre, dans les trente jours suivant la fin de l’opération, un rapport détaillé sur le déroulement de la collecte, indiquant le montant total recueilli, ainsi qu’un rapport accompagné des documents attestant l’utilisation des fonds conformément aux objectifs annoncés.

Des exceptions bien encadrées

Toutefois, toutes les collectes de dons ne sont pas soumises au même régime. La loi prévoit des exemptions pour certaines entités, notamment les associations et organismes dispensés d’autorisation en vertu de textes législatifs en vigueur, ainsi que les associations reconnues d’utilité publique dont le décret de reconnaissance permet de faire appel la Collecte de fonds auprès du public sans autorisation préalable. Ces organismes doivent néanmoins adresser une simple déclaration à l’autorité compétente, au moins quinze jours avant la date prévue pour l’opération. Mme Hafidi a tenu à préciser que «même pour les entités bénéficiant d’un régime allégé, la transparence et la reddition de comptes demeurent des obligations incontournables».

Des défis persistants et des perspectives d’amélioration

La rencontre du 24 avril a permis de mettre en lumière les difficultés rencontrées par les associations dans l’appropriation du nouveau cadre juridique. «Nous sommes conscients que l’adaptation prendra du temps», a reconnu Mme Hafidi, «c’est pourquoi nous multiplions les initiatives de sensibilisation et d’accompagnement». Marquée par un dialogue particulièrement fécond entre les représentants associatifs et les responsables de la Direction, cette rencontre a offert une plateforme d’expression privilégiée aux acteurs de terrain. Les participants ont pu exposer avec précision les obstacles opérationnels qu’ils rencontrent quotidiennement et avoir une meilleure compréhension des conséquences juridiques et opérationnelles du cadre réglementaire récemment instauré. Cet espace d’échange, de par son caractère constructif et sa dimension pédagogique, a permis non seulement de dépasser diverses ambiguïtés entourant les nouvelles dispositions, mais également de consolider une vision partagée des attributions et devoirs de chaque partie prenante dans le déploiement efficace des initiatives solidaires.
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