Le Maroc traverse une période politique marquée par des interrogations profondes sur le fonctionnement des institutions et la confiance des citoyens. Dans ce contexte, Anas Filali propose une lecture rigoureuse des dynamiques en jeu, s’appuyant sur son expérience auprès de ministres et ses observations des réalités du terrain. Son analyse met en perspective les défis qui pèsent sur le système démocratique et les évolutions qui s’imposent pour que le pays puisse avancer dans un climat politique apaisé et constructif.
Le débat, un accessoire mental face à la réalité des règles du jeu
Pour Anas Filali, l’exercice du débat politique, tel qu’il se pratique aujourd’hui en public, ne constitue plus un réel moteur de transformation du paysage politique. «Le débat est un exercice purement mental. Il ne change pas grand-chose», affirme-t-il dès l’abord, insistant sur le fait que ce ne sont pas les échanges discursifs qui façonnent la réalité politique, mais bien les règles institutionnelles qui régissent le jeu politique. Ce sont elles, selon lui, qui engendrent les véritables mutations.
L’une des difficultés majeures du débat contemporain réside dans la captation de l’attention collective. «Il est devenu extrêmement ardu de débattre en 2025», observe-t-il, soulignant la saturation cognitive provoquée par l’omniprésence des réseaux sociaux et le flux incessant de stimulations dopaminergiques qu’ils génèrent. Ce phénomène, explique-t-il, conduit à une consommation éphémère de l’information : «On absorbe une actualité, pour aussitôt l’oublier». Là où jadis certains événements suscitaient une mobilisation prolongée de l’opinion, ils ne provoquent plus aujourd’hui qu’un bref éclair de conscience.
Loin de soutenir que le débat politique se soit éteint au Maroc, Anas Filali souligne plutôt sa relative invisibilité et sa marginalisation dans la sphère publique. «Le débat existe bel et bien, qu’il soit au Parlement ou dans les communes, où chacun s’exprime à sa manière», précise-t-il, mettant en garde contre l’écueil consistant à évaluer le débat marocain à l’aune des modèles occidentaux : «Certains cherchent à appliquer un modèle occidental au Maroc, sans succès». À ses yeux, la singularité de la culture politique marocaine, ainsi que le rapport propre au pays à la chose publique, exigent une analyse spécifique, fondée sur les dynamiques culturelles et historiques nationales.
Pour Anas Filali, la véritable expression politique ne réside pas uniquement dans les mots, mais avant tout dans les réalisations concrètes. Il illustre son propos en évoquant l’évolution économique du pays, passée d’une dépendance agricole à une économie industrialisée et résiliente : «Notre principal export ne se limite plus aux phosphates bruts, mais s’est orienté vers les engrais transformés. Nous disposons désormais d’une industrie, de services et d’une production nationale.» Cette progression, poursuit-il, constitue une forme de discours politique tangible : «Nous sommes entrés dans une phase d’État social, où la redistribution des richesses prend corps.» Or cette avancée, souvent méconnue, est occultée par un débat public focalisé sur d’autres problématiques, telles que la corruption, le rôle des notables ou les polémiques conjoncturelles.
L’une des difficultés majeures du débat contemporain réside dans la captation de l’attention collective. «Il est devenu extrêmement ardu de débattre en 2025», observe-t-il, soulignant la saturation cognitive provoquée par l’omniprésence des réseaux sociaux et le flux incessant de stimulations dopaminergiques qu’ils génèrent. Ce phénomène, explique-t-il, conduit à une consommation éphémère de l’information : «On absorbe une actualité, pour aussitôt l’oublier». Là où jadis certains événements suscitaient une mobilisation prolongée de l’opinion, ils ne provoquent plus aujourd’hui qu’un bref éclair de conscience.
Loin de soutenir que le débat politique se soit éteint au Maroc, Anas Filali souligne plutôt sa relative invisibilité et sa marginalisation dans la sphère publique. «Le débat existe bel et bien, qu’il soit au Parlement ou dans les communes, où chacun s’exprime à sa manière», précise-t-il, mettant en garde contre l’écueil consistant à évaluer le débat marocain à l’aune des modèles occidentaux : «Certains cherchent à appliquer un modèle occidental au Maroc, sans succès». À ses yeux, la singularité de la culture politique marocaine, ainsi que le rapport propre au pays à la chose publique, exigent une analyse spécifique, fondée sur les dynamiques culturelles et historiques nationales.
Pour Anas Filali, la véritable expression politique ne réside pas uniquement dans les mots, mais avant tout dans les réalisations concrètes. Il illustre son propos en évoquant l’évolution économique du pays, passée d’une dépendance agricole à une économie industrialisée et résiliente : «Notre principal export ne se limite plus aux phosphates bruts, mais s’est orienté vers les engrais transformés. Nous disposons désormais d’une industrie, de services et d’une production nationale.» Cette progression, poursuit-il, constitue une forme de discours politique tangible : «Nous sommes entrés dans une phase d’État social, où la redistribution des richesses prend corps.» Or cette avancée, souvent méconnue, est occultée par un débat public focalisé sur d’autres problématiques, telles que la corruption, le rôle des notables ou les polémiques conjoncturelles.
Une posture résolument pragmatique face aux illusions idéologiques
Sans ambiguïté, Anas Filali se positionne du côté du réalisme politique, récusant les abstractions théoriques et les injonctions idéologiques déconnectées du terrain. À ses yeux, l’action publique doit s’affranchir des dogmatismes pour s’inscrire dans une logique d’efficacité mesurable : «L’idéalisme existe dans les livres ou les religions. Moi, je suis dans le pragmatisme pur.» Ce qu’il appelle de ses vœux, ce n’est ni un débat spectaculaire ni un exercice oratoire gratuit, mais un échange utile, enraciné dans les institutions, orienté vers l’action et les leviers concrets du changement.
L’usure des corps intermédiaires et la mutation des équilibres
Interrogé sur la perte d’influence des corps intermédiaires, syndicats, patronats, médias, l’invité de Rachid Hallaouy ne se réfugie ni dans la nostalgie ni dans l’alarme. Il inscrit ce phénomène dans une temporalité organique, rappelant que toute structure institutionnelle est soumise à l’érosion de son efficacité : «Il y a un cycle de vie pour toute chose, y compris les institutions.» Ce déclin n’est pas, selon lui, un signe de désintégration, mais plutôt un indicateur de transformation. Dans cette optique, il salue la capacité d’adaptation du système politique marocain, porté notamment par les réformes structurelles impulsées par S.M. le Roi Mohammed VI. Ainsi, M. Filali observe qu’après une phase où l’Exécutif jouissait d’une latitude considérable, le Maroc est désormais entré dans un cycle de redistribution du pouvoir, au bénéfice d’un jeu institutionnel plus équilibré : «Le Parlement peut bloquer un certain nombre de choses. Il y a aussi la deuxième Chambre, les conseils locaux, les régions. Chacun doit composer avec l’autre.» Ce nouvel agencement des pouvoirs suppose un apprentissage collectif des compromis et un dépassement des réflexes centralisateurs.
La montée graduelle du personnel politique
Invité à réagir à la nostalgie que certains nourrissent à l’égard des élites politiques des décennies 1970 et 1980, Anas Filali adopte une posture résolument contraire, assumant une lecture volontairement prospective de l’évolution du champ politique. Loin de céder à la tentation rétrospective, il affirme : «Il y a une montée en charge graduelle du personnel politique.» Ce processus, certes lent, s’inscrit selon lui dans une dynamique structurelle, impulsée et consolidée par des mutations institutionnelles profondes, au premier rang desquelles figure la réforme constitutionnelle de 2011.
Dans cette perspective, il souligne que ladite Constitution a consacré une reconfiguration notable des espaces d’expression démocratique, notamment au sein des institutions représentatives. «Avant, ces institutions n’avaient pas les prérogatives qu’elles ont aujourd’hui», rappelle-t-il, soulignant la portée de cette évolution en matière de redistribution du pouvoir. Pour lui, cette intégration progressive des nouveaux profils dans les enceintes institutionnelles ne doit en aucun cas être perçue comme une dilution des standards politiques, mais plutôt comme un rééquilibrage du débat national au sein de structures désormais dotées de compétences effectives. Il y voit l’expression d’un ancrage dans la continuité républicaine et la maturation du cadre démocratique.
Dans cette perspective, il souligne que ladite Constitution a consacré une reconfiguration notable des espaces d’expression démocratique, notamment au sein des institutions représentatives. «Avant, ces institutions n’avaient pas les prérogatives qu’elles ont aujourd’hui», rappelle-t-il, soulignant la portée de cette évolution en matière de redistribution du pouvoir. Pour lui, cette intégration progressive des nouveaux profils dans les enceintes institutionnelles ne doit en aucun cas être perçue comme une dilution des standards politiques, mais plutôt comme un rééquilibrage du débat national au sein de structures désormais dotées de compétences effectives. Il y voit l’expression d’un ancrage dans la continuité républicaine et la maturation du cadre démocratique.
Du notable au citoyen : les institutions comme vecteurs d’inclusion sociale
Pour Anas Filali, toute lecture du débat politique contemporain doit s’ancrer dans une compréhension fine du cadre institutionnel qui en constitue l’ossature. Loin de se réduire à de simples entités administratives, ces structures incarnent, selon lui, de véritables dispositifs d’inclusion. «Le rôle d’une institution est d’accueillir tout le monde, y compris celui qui prend quelques dirhams pour voter, y compris le notable», affirme-t-il, soulignant ainsi leur vocation intégrative au sein du corps social.
Interpellé sur les accusations récurrentes d’opportunisme et de clientélisme visant certains élus, il propose une mise en perspective historique de la figure du notable. «Le notable est une évolution du cheikh tribal. Il répond à un besoin fondamental de la société marocaine : être représentée.» Cette figure, affirme-t-il, n’est pas une anomalie mais le produit d’un continuum sociopolitique, où les logiques traditionnelles de représentation trouvent leur place dans les institutions modernes.
Interpellé sur les accusations récurrentes d’opportunisme et de clientélisme visant certains élus, il propose une mise en perspective historique de la figure du notable. «Le notable est une évolution du cheikh tribal. Il répond à un besoin fondamental de la société marocaine : être représentée.» Cette figure, affirme-t-il, n’est pas une anomalie mais le produit d’un continuum sociopolitique, où les logiques traditionnelles de représentation trouvent leur place dans les institutions modernes.
Méfiance, défiance et perte de légitimité politique
Le diagnostic central d’Anas Filali s’articule autour d’une montée préoccupante de la défiance à l’égard des institutions politiques. Il constate en effet «une forme croissante de décrédibilisation du politique, alimentée par des soupçons de conflits d’intérêts, de pratiques prédatrices et de manquements éthiques». Cette perte de confiance, avertit-il, se traduit de manière tangible par une augmentation significative de l’abstention électorale, phénomène qu’il inscrit dans une dynamique globale, amplifiée par le transfert progressif du pouvoir décisionnel des États vers des instances supranationales.
À cet égard, M. Filali souligne avec acuité que «plus aucun gouvernement ne peut désormais fixer unilatéralement le prix du carburant ou du blé, ces décisions s’imposent via les marchés internationaux». Il oppose ainsi cette réalité à une conception plus traditionnelle et élevée de la politique : «Ce que nous observons aujourd’hui relève davantage d’une gestion administrative que d’un exercice politique au sens noble du terme.» En conséquence, il invite à une réévaluation des attentes portées sur la classe politique nationale, dont l’action s’exerce désormais dans un cadre contraint, avec des marges de manœuvre notablement restreintes.
À cet égard, M. Filali souligne avec acuité que «plus aucun gouvernement ne peut désormais fixer unilatéralement le prix du carburant ou du blé, ces décisions s’imposent via les marchés internationaux». Il oppose ainsi cette réalité à une conception plus traditionnelle et élevée de la politique : «Ce que nous observons aujourd’hui relève davantage d’une gestion administrative que d’un exercice politique au sens noble du terme.» En conséquence, il invite à une réévaluation des attentes portées sur la classe politique nationale, dont l’action s’exerce désormais dans un cadre contraint, avec des marges de manœuvre notablement restreintes.
L’intelligence du système marocain et l’évolution institutionnelle
En parallèle, Anas Filali a souligné avec acuité «l’intelligence du système marocain» dans sa faculté à anticiper les mutations politiques profondes qui traversent le pays. Il a mis en exergue la création d’institutions constitutionnelles, telles que celles dédiées à la concurrence, lesquelles, «bien que consultatives à ce jour, pourraient à terme se voir investies d’un pouvoir exécutif assorti de prérogatives de sanction». Cette évolution, a-t-il précisé, illustre «une trajectoire institutionnelle cohérente», résultat d’«une stratégie politique conçue dans une perspective de long terme».
Conscient que ces progrès institutionnels alimentent des débats parfois virulents, notamment sur les réseaux sociaux, Anas Filali a néanmoins relativisé le poids de ces derniers dans la sphère publique : «Le débat politique ne saurait se réduire aux réseaux sociaux. Ceux-ci ne font que jouer le rôle de caisse de résonance, alors qu’une part substantielle des échanges se déploie dans d’autres espaces.»
Conscient que ces progrès institutionnels alimentent des débats parfois virulents, notamment sur les réseaux sociaux, Anas Filali a néanmoins relativisé le poids de ces derniers dans la sphère publique : «Le débat politique ne saurait se réduire aux réseaux sociaux. Ceux-ci ne font que jouer le rôle de caisse de résonance, alors qu’une part substantielle des échanges se déploie dans d’autres espaces.»
Le signal d’alarme des citoyens
M. Filali insiste sur l’importance de prêter une attention particulière aux manifestations de mécontentement social, qu’il considère comme des indicateurs essentiels de vitalité démocratique. «C’est très sain qu’une société fasse du bruit lorsqu’elle perçoit une injustice. Le pire pour une économie, c’est la disparition de la confiance», avertit-il. Dans cette perspective, il plaide pour une vigilance accrue à l’égard des signaux d’alerte et appelle à un double engagement : affermir la primauté du droit tout en assurant l’effectivité des libertés fondamentales, au premier rang desquelles la liberté d’expression.
Reconnaissant les limites actuelles du Registre social unifié et les carences persistantes en matière de redistribution, M. Filali affirme néanmoins que les richesses nationales font l’objet d’une réorientation tangible en faveur des catégories les plus vulnérables. «Cette redistribution, même imparfaite, est réelle et cruciale pour prévenir les risques sociaux», affirme-t-il, insistant sur la centralité de cet effort dans le maintien de la cohésion nationale.
Reconnaissant les limites actuelles du Registre social unifié et les carences persistantes en matière de redistribution, M. Filali affirme néanmoins que les richesses nationales font l’objet d’une réorientation tangible en faveur des catégories les plus vulnérables. «Cette redistribution, même imparfaite, est réelle et cruciale pour prévenir les risques sociaux», affirme-t-il, insistant sur la centralité de cet effort dans le maintien de la cohésion nationale.
L’État social : entre progrès réel et défis structurels
Interrogé sur les limites actuelles de l’Assurance maladie obligatoire (AMO), Anas Filali ne minimise ni les lacunes du système ni les lenteurs de sa mise en œuvre. Il évoque notamment les dysfonctionnements relatifs à la tarification et aux mécanismes de remboursement, pointés avec rigueur dans le dernier rapport de la Cour des comptes. Toutefois, il invite à replacer ces avancées dans leur dynamique historique, soulignant qu'«avant 2010, il n’y avait presque aucune couverture. Aujourd’hui, on est au milieu du processus.»
Rejetant toute lecture impatiente fondée sur une quête de perfection immédiate, M. Filali plaide pour une appréciation contextualisée des réformes sociales. «Est-ce qu’on est dans l’idéal ? Bien sûr que non. Mais il y a un réajustement constant. Il y a une vitesse propre à chaque nation», affirme-t-il. Et d’ajouter que cette cadence, spécifique au cas marocain, s’inscrit dans un modèle graduel de transformation, pensé sur le temps long et fondé sur une logique d’adaptation continue aux réalités sociales et institutionnelles du pays.
Rejetant toute lecture impatiente fondée sur une quête de perfection immédiate, M. Filali plaide pour une appréciation contextualisée des réformes sociales. «Est-ce qu’on est dans l’idéal ? Bien sûr que non. Mais il y a un réajustement constant. Il y a une vitesse propre à chaque nation», affirme-t-il. Et d’ajouter que cette cadence, spécifique au cas marocain, s’inscrit dans un modèle graduel de transformation, pensé sur le temps long et fondé sur une logique d’adaptation continue aux réalités sociales et institutionnelles du pays.
La temporalité politique face à l’urgence sociale
À l’adresse de ceux qui dénoncent l’inertie supposée du système politique, Anas Filali propose une lecture résolument pragmatique du tempo institutionnel. Il rappelle que face à des circonstances exceptionnelles, telles que la pandémie de Covid-19 ou le séisme d’Al Haouz, «l’État marocain a su mobiliser toutes ses forces vives pour répondre à l’urgence». Il reconnaît toutefois que cette capacité à agir dans l’urgence ne saurait suffire à résorber les déséquilibres de fond. Et de concéder sans fard : «Est-ce qu’on donne les bons résultats ? Non. Personne n’aura la malhonnêteté de dire que la situation est parfaite. Mais nous sommes dans un mouvement.»
Dans une perspective plus structurelle, M. Filali identifie une question qu’il érige en impératif fondateur : «Est-ce que tous les Marocains mangent à leur faim ?» Cette interrogation, à ses yeux, doit constituer le socle de toute politique publique digne de ce nom. S’il constate une baisse relative du taux de pauvreté, il n’en souligne pas moins l’aggravation inquiétante des situations de précarité, lesquelles affectent non seulement les catégories les plus vulnérables, mais aussi des pans entiers de la classe moyenne. Il y voit notamment la conséquence d’un modèle agricole priorisant les volumes de production au détriment de la qualité nutritionnelle, et donc de la sécurité alimentaire des populations.
Dans une perspective plus structurelle, M. Filali identifie une question qu’il érige en impératif fondateur : «Est-ce que tous les Marocains mangent à leur faim ?» Cette interrogation, à ses yeux, doit constituer le socle de toute politique publique digne de ce nom. S’il constate une baisse relative du taux de pauvreté, il n’en souligne pas moins l’aggravation inquiétante des situations de précarité, lesquelles affectent non seulement les catégories les plus vulnérables, mais aussi des pans entiers de la classe moyenne. Il y voit notamment la conséquence d’un modèle agricole priorisant les volumes de production au détriment de la qualité nutritionnelle, et donc de la sécurité alimentaire des populations.