Quelle est l’importance de l’autorégulation dans l’expérience marocaine ? Quelles sont les limites de l’influence exercée par le code de déontologie en tant que loi sur l’éthique de la profession ? Quelles sont les lacunes et les insuffisances décelées par la mise en œuvre des lois en vigueur ? Ces lacunes sont-elles seules responsables de l’incapacité à remédier aux dysfonctionnements de l’expérience médiatique actuelle ? Telles sont les questions auxquelles les participants au colloque national organisé par le Syndicat national de la presse marocaine (SNPM) ont tenté de répondre, chacun suivant sa propre grille de lecture.
L’un des grands titres qui refont surface dès que l’on parle de l’identité de l’autorégulation est, d’après le président du SNPM, «l’unification des journalistes pour imposer leurs droits, de manière à empêcher les autorités de les contourner». Elle est aussi «un accord officiel entre les médias, les journalistes et le public pour agir de manière responsable». Et l’autorégulation, a-t-il ajouté, devient également nécessaire «lorsque les médias se transforment en un pouvoir non démocratique et non transparent». L’objectif étant de «produire un contenu médiatique non soumis à qui que ce soit et qui respecte la charte éthique ainsi que la responsabilité sociale».
Et M. Khchichen de rappeler que «tout ce discours sur les missions et les rôles des médias vis-à-vis de l’État et de la société met en évidence la position prioritaire des médias, et impose en même temps une situation qui se mesure à un indicateur structurel : l’examen du dispositif de l’éthique des médias et des mécanismes d’autorégulation de la presse, à tel point que l’autorégulation équivaut objectivement à parler de la situation générale de la pratique médiatique». L’intérêt porté à l’autorégulation de la presse se fonde sur l’idée qu’«aucun organisme officiel ne pourra veiller à la défense des droits des journalistes comme les journalistes eux-mêmes», a-t-il expliqué, soulignant que «l’affrontement permanent entre le pouvoir, qui cherche à élargir le champ de la censure, et les journalistes, qui mènent des batailles de nature législative pour défendre leurs droits, a conduit vers “l’autorégulation de la presse”».
C’est pourquoi l’importance de l’autorégulation réside dans l’action des professionnels des médias d’éviter que des lois affectant la liberté des médias ne soient édictées par des non-spécialistes, et que les journalistes et professionnels des médias participent en connaissance de cause à la formulation des textes législatifs et réglementaires relatifs à la liberté de pensée, d’opinion, d’expression, de presse et d’édition, à l’accès à l’information, à sa circulation et à la liberté de s’approprier les médias. «Les conseils de presse contribuent à établir la confiance et la crédibilité dans les médias, et constituent également un moteur pour l’amélioration des normes de qualité, la prévention de l’ingérence de l’État et d’autres autorités dans les affaires médiatiques, et la réduction du nombre de poursuites judiciaires contre les journalistes et les institutions médiatiques», a affirmé le président du SNPM. Et M. Khchichen de faire savoir qu’«il existe de multiples formes d’autorégulation dans le domaine de la presse, selon les spécificités du contexte de chaque société, sachant qu’elles doivent respecter, en premier lieu, les exigences de la liberté des journalistes et de ses garanties ainsi que le droit des journalistes et des institutions médiatiques en général à l’autorégulation de leur profession, et deuxièmement, les exigences de la responsabilité sociale des journalistes, c’est-à-dire leur acceptation volontaire du principe de reddition des comptes et de la prise en compte du droit des citoyens à se protéger des médias lorsqu’ils se transforment en un pouvoir non démocratique et non transparent». Aussi, a-t-il fait remarquer, «l’“autorégulation” de la presse diffère de la régulation des médias audiovisuels, ces derniers étant généralement régulés par des lois et des décisions émanant des autorités et instances concernées par ce type de médias. C’est pourquoi la presse écrite (papier) et électronique est en principe la seule concernée par l’autorégulation».
Et de constater que la révolution numérique a radicalement changé les sociétés, qui consomment désormais l’actualité et l’information de manière différente, rendant obsolète le modèle économique de l’entreprise journalistique traditionnelle. Au Maroc, souligne M. Haitami, «au lieu de remettre en cause de manière claire et transparente le modèle économique du journal, le gouvernement s’est obstiné à injecter de l’argent pour maintenir son équilibre, sans pour autant changer quoi que ce soit dans son offre». Et la réalité, déclare le membre du bureau exécutif de l’ANME, «est que le monde est désormais sous l’emprise de plateformes et de sites qui ne produisent pas l’information, mais qui en contrôlent les canaux de diffusion et d’accès. C’est un fait objectif, dans le sens où cette prise de contrôle a imposé de nouvelles règles du jeu qu’il faut respecter. Les cinq géants «GAFAM», ou plutôt les six, si l’on ajoute TikTok, contrôlent près de 80% des recettes publicitaires. Leur potentiel est énorme et ils changent les règles du jeu dès qu’ils voient que les choses ne leur sont pas favorables».
Aujourd’hui, la principale préoccupation d’une entreprise de presse, de l’avis de M. Haitami, «consiste à construire un groupe loyal d’auditeurs et de suiveurs. Le contenu audiovisuel et toutes les technologies qu’il n’est pas nécessaire de mentionner sont devenus une nécessité pour une entreprise journalistique». En outre, M. Haitami pense qu’«il est également impératif de qualifier l’entreprise journalistique et de suivre le rythme de l’évolution numérique». «Permettez-moi d’insister sur le fait que l’entreprise journalistique est ou bien technologique, ou bien elle ne l’est pas. C’est la nouvelle équation et l’entreprise journalistique doit fonctionner selon les nouvelles règles du jeu», a-t-il martelé. Mais le tableau n’est pas totalement sombre, puisque des lueurs d’espoir existent. La première, selon M. Haitami, «est la prise de conscience par tous les pays que la souveraineté des médias est aussi importante que la souveraineté alimentaire ou la souveraineté sanitaire – c’est une question de sécurité intérieure. Les Fake news, l’ingérence pour influencer l’opinion publique et les guerres médiatiques peuvent être plus meurtrières que les agressions militaires, car elles s’attaquent aux symboles d’un pays, visent à miner sa cohésion et à démoraliser sa population, exploitent chaque événement comme un signe d’indignation publique, etc. «Tout cela a incité les pays à travailler à l’immunisation de l’opinion publique et cela ne peut se faire qu’à travers une presse forte et puissante qui a les moyens d’éclairer l’opinion publique et de lui fournir les outils pour agir et prendre les bonnes décisions». «D’où l’importance de l’immunisation juridique et de la traduction en lois des politiques publiques dans le domaine des médias. Mais les lois ne suffisent pas, car il est reconnu que le développement technologique précède les lois. Par conséquent, un cadre institutionnel doit être mis en place pour immuniser et renforcer les institutions et protéger les journalistes», fait valoir le membre du bureau exécutif de l’ANME.
Abdelkbir Khchichen : «L’autorégulation équivaut objectivement à parler de la situation générale de la pratique médiatique»
«Notre syndicat s’attelle à mettre en œuvre l’une des composantes du plan stratégique adopté lors de son neuvième congrès national, en examinant l’arsenal juridique régissant le travail journalistique, et ce dans le cadre de l’effort national déployé pour réformer le secteur de la presse et améliorer le paysage médiatique», a indiqué Abdelkbir Khchichen, président du SNPM, qui était le premier à prendre la parole lors de ce colloque placé sous le thème «L’autorégulation de la profession et la déontologie du journalisme». L’examen de l’expérience de la mise en œuvre des textes formant le Code de la presse et de l’édition «offre l’occasion de se pencher de près sur les failles révélées par la pratique à travers les trois lois le composant, à savoir la loi relative à la presse et à l’édition, la loi relative au statut particulier de journaliste professionnel et la loi portant création du Conseil national de la presse», a poursuivi M. Khchichen.L’un des grands titres qui refont surface dès que l’on parle de l’identité de l’autorégulation est, d’après le président du SNPM, «l’unification des journalistes pour imposer leurs droits, de manière à empêcher les autorités de les contourner». Elle est aussi «un accord officiel entre les médias, les journalistes et le public pour agir de manière responsable». Et l’autorégulation, a-t-il ajouté, devient également nécessaire «lorsque les médias se transforment en un pouvoir non démocratique et non transparent». L’objectif étant de «produire un contenu médiatique non soumis à qui que ce soit et qui respecte la charte éthique ainsi que la responsabilité sociale».
Et M. Khchichen de rappeler que «tout ce discours sur les missions et les rôles des médias vis-à-vis de l’État et de la société met en évidence la position prioritaire des médias, et impose en même temps une situation qui se mesure à un indicateur structurel : l’examen du dispositif de l’éthique des médias et des mécanismes d’autorégulation de la presse, à tel point que l’autorégulation équivaut objectivement à parler de la situation générale de la pratique médiatique». L’intérêt porté à l’autorégulation de la presse se fonde sur l’idée qu’«aucun organisme officiel ne pourra veiller à la défense des droits des journalistes comme les journalistes eux-mêmes», a-t-il expliqué, soulignant que «l’affrontement permanent entre le pouvoir, qui cherche à élargir le champ de la censure, et les journalistes, qui mènent des batailles de nature législative pour défendre leurs droits, a conduit vers “l’autorégulation de la presse”».
C’est pourquoi l’importance de l’autorégulation réside dans l’action des professionnels des médias d’éviter que des lois affectant la liberté des médias ne soient édictées par des non-spécialistes, et que les journalistes et professionnels des médias participent en connaissance de cause à la formulation des textes législatifs et réglementaires relatifs à la liberté de pensée, d’opinion, d’expression, de presse et d’édition, à l’accès à l’information, à sa circulation et à la liberté de s’approprier les médias. «Les conseils de presse contribuent à établir la confiance et la crédibilité dans les médias, et constituent également un moteur pour l’amélioration des normes de qualité, la prévention de l’ingérence de l’État et d’autres autorités dans les affaires médiatiques, et la réduction du nombre de poursuites judiciaires contre les journalistes et les institutions médiatiques», a affirmé le président du SNPM. Et M. Khchichen de faire savoir qu’«il existe de multiples formes d’autorégulation dans le domaine de la presse, selon les spécificités du contexte de chaque société, sachant qu’elles doivent respecter, en premier lieu, les exigences de la liberté des journalistes et de ses garanties ainsi que le droit des journalistes et des institutions médiatiques en général à l’autorégulation de leur profession, et deuxièmement, les exigences de la responsabilité sociale des journalistes, c’est-à-dire leur acceptation volontaire du principe de reddition des comptes et de la prise en compte du droit des citoyens à se protéger des médias lorsqu’ils se transforment en un pouvoir non démocratique et non transparent». Aussi, a-t-il fait remarquer, «l’“autorégulation” de la presse diffère de la régulation des médias audiovisuels, ces derniers étant généralement régulés par des lois et des décisions émanant des autorités et instances concernées par ce type de médias. C’est pourquoi la presse écrite (papier) et électronique est en principe la seule concernée par l’autorégulation».
Mohammed Haitami : «S’autoréguler à travers le principe de la justice des collègues»
S’exprimant au nom de l’Association nationale des médias et des éditeurs (ANME), Mohammed Haitami a précisé que «malgré les critiques que l’on peut faire aux trois lois formant le Code de la presse, la finalité était d’immuniser la profession et de mettre en place un cadre qui lui permette de s’autoréguler en optant pour le principe de la justice des collègues». Toutefois, constate M. Haitami, «cette expérience n’a pas donné les résultats escomptés et le secteur ne s’est pas hissé à la hauteur des attentes et sa situation s’est même aggravée». «Cela a obligé toutes ses composantes à réfléchir à une méthode alternative et à trouver les moyens pour corriger les dysfonctionnements, sachant que la Covid est passée par là. Mais la Covid ne doit pas servir de bouc émissaire à tous nos problèmes, déjà existants avant la pandémie», a affirmé M. Haitami, précisant qu’«on est maintenant dans une phase de reconstruction, en mettant en place les éléments de base pour un secteur fort et durable, avec l’implication de toutes les composantes, dont l’État (pouvoir exécutif et législateur), les éditeurs et les journalistes à travers leur représentant, le SNPM». Par ailleurs, M. Haitami a relevé que «l’ancien système de subvention à la presse, qui présentait de nombreuses lacunes, a conduit à un étrange paradoxe : la prolifération d’entreprises de presse microscopiques, au moment où la situation des autres entreprises de presse empirait et où l’ensemble des indicateurs du secteur chutaient». On a commencé alors à voir émerger des comportements nuisant à la réputation du journalisme (titres à sensation, diffamation, chantage, fake news, etc.), au point que la société est devenue méfiante à l’égard du journalisme et que, de surcroît, celui-ci a perdu de son attrait, dit le membre du bureau exécutif de l’ANME.Et de constater que la révolution numérique a radicalement changé les sociétés, qui consomment désormais l’actualité et l’information de manière différente, rendant obsolète le modèle économique de l’entreprise journalistique traditionnelle. Au Maroc, souligne M. Haitami, «au lieu de remettre en cause de manière claire et transparente le modèle économique du journal, le gouvernement s’est obstiné à injecter de l’argent pour maintenir son équilibre, sans pour autant changer quoi que ce soit dans son offre». Et la réalité, déclare le membre du bureau exécutif de l’ANME, «est que le monde est désormais sous l’emprise de plateformes et de sites qui ne produisent pas l’information, mais qui en contrôlent les canaux de diffusion et d’accès. C’est un fait objectif, dans le sens où cette prise de contrôle a imposé de nouvelles règles du jeu qu’il faut respecter. Les cinq géants «GAFAM», ou plutôt les six, si l’on ajoute TikTok, contrôlent près de 80% des recettes publicitaires. Leur potentiel est énorme et ils changent les règles du jeu dès qu’ils voient que les choses ne leur sont pas favorables».
Aujourd’hui, la principale préoccupation d’une entreprise de presse, de l’avis de M. Haitami, «consiste à construire un groupe loyal d’auditeurs et de suiveurs. Le contenu audiovisuel et toutes les technologies qu’il n’est pas nécessaire de mentionner sont devenus une nécessité pour une entreprise journalistique». En outre, M. Haitami pense qu’«il est également impératif de qualifier l’entreprise journalistique et de suivre le rythme de l’évolution numérique». «Permettez-moi d’insister sur le fait que l’entreprise journalistique est ou bien technologique, ou bien elle ne l’est pas. C’est la nouvelle équation et l’entreprise journalistique doit fonctionner selon les nouvelles règles du jeu», a-t-il martelé. Mais le tableau n’est pas totalement sombre, puisque des lueurs d’espoir existent. La première, selon M. Haitami, «est la prise de conscience par tous les pays que la souveraineté des médias est aussi importante que la souveraineté alimentaire ou la souveraineté sanitaire – c’est une question de sécurité intérieure. Les Fake news, l’ingérence pour influencer l’opinion publique et les guerres médiatiques peuvent être plus meurtrières que les agressions militaires, car elles s’attaquent aux symboles d’un pays, visent à miner sa cohésion et à démoraliser sa population, exploitent chaque événement comme un signe d’indignation publique, etc. «Tout cela a incité les pays à travailler à l’immunisation de l’opinion publique et cela ne peut se faire qu’à travers une presse forte et puissante qui a les moyens d’éclairer l’opinion publique et de lui fournir les outils pour agir et prendre les bonnes décisions». «D’où l’importance de l’immunisation juridique et de la traduction en lois des politiques publiques dans le domaine des médias. Mais les lois ne suffisent pas, car il est reconnu que le développement technologique précède les lois. Par conséquent, un cadre institutionnel doit être mis en place pour immuniser et renforcer les institutions et protéger les journalistes», fait valoir le membre du bureau exécutif de l’ANME.