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Ce qui fait la force du Maroc dans la nouvelle géopolitique mondiale

Dans un monde où les rapports de force sont en pleine recomposition, le Maroc affine sa doctrine diplomatique et consolide son positionnement international en fonction de ces mutations profondes. Le Forum de l'Institut marocain des relations internationales, qui s'est tenu les 25 et 26 octobre 2024, a permis à des experts de premier plan de décrypter la stratégie marocaine face aux nouveaux paradigmes mondiaux. Constance diplomatique héritée d'une Histoire millénaire, politique africaine ambitieuse, réinvention du modèle de développement… le Royaume dessine les contours d'une puissance régionale influente. Un positionnement qui s'appuie sur une vision claire et une diplomatie pragmatique.

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Le Forum organisé par l'Institut marocain des relations internationales (IMRI), les 25 et 26 octobre 2024, a pris fin avec la tenue d’un dernier panel très attendu. Le meilleur pour la fin, pour ainsi dire avec ce sixième débat ayant porté sur «Le positionnement du Maroc vis-à-vis de la nouvelle géopolitique mondiale». C'est dans ce cadre que Mohamed Haitami, PDG du Groupe «Le Matin», a livré son analyse de l’action de la diplomatie marocaine face aux mutations à l’œuvre un peu partout dans le monde. Pour lui, «Il n'y a pas de nouvelle géopolitique, mais une géopolitique qui évolue au fil des alliances, des changements et des évolutions sociales, technologiques, même climatiques et des changements de paradigmes». Poursuivant sa réflexion approfondie sur le positionnement international du Royaume, M. Haitami a estimé que la force de la diplomatie marocaine reposait sur des fondamentaux historiques uniques.

Une doctrine diplomatique fondée sur un héritage historique millénaire

«Le Maroc est l'un des rares pays qui ont une Histoire qui remonte loin dans le temps», a souligné l’intervenant. Et de préciser : «Quand un État a une si longue Histoire, il y a un cumul d'expériences qui se transmet de génération en génération, c'est une sorte d'héritage immatériel qui guide l'action contemporaine».



Mais, cette richesse historique doit, aujourd'hui, se conjuguer avec les exigences d'une diplomatie moderne, a affirmé pour sa part, Adnan Debbarh, enseignant des Relations internationales et chroniqueur politique. «Il faut un document de référence sur le plan diplomatique. Un pays moderne doit avoir une doctrine diplomatique formalisée», a-t-il insisté, avant de poursuivre. Pour «la doctrine est une vision selon des valeurs et des orientations». Cette universitaire a suggéré ainsi la nécessité de structurer l'héritage diplomatique marocain dans un cadre formel et contemporain.

Constance et stabilité de la ligne directrice

Emmanuel Dupuy, président de l'IPSE, a conforté cette analyse en rappelant les «1.300 ans de linéarité historique» du Royaume, remontant à «788, avec la mise en place du Califat idrissid». Cette profondeur historique constitue, selon lui, un atout majeur dans la conduite de la politique étrangère marocaine.

La constance apparaît comme une autre caractéristique fondamentale de cette diplomatie. «Elle est unidirectionnelle en ce sens qu'il n'y a pas d'interférences avec d'autres instances politiques ou autres. C'est un domaine réservé à Sa Majesté le Roi», a tenu à préciser Mohamed Haitami. Cette unicité de la direction diplomatique permet au pays d'avoir «une ligne directrice définie et connue au point où il est possible d'anticiper la réaction de ce pays face à un évènement donné».

Cette stabilité se reflète jusque dans la durée des mandats diplomatiques «comparé à un pays voisin qui a changé 5 ministres des Affaires étrangères en 5 ans !», a fait remarquer Mohamed Haitami, soulignant ainsi le contraste avec certains pays voisins.

Une puissance africaine en construction

La projection africaine du Maroc constitue l'un des axes majeurs de sa stratégie internationale. «Le Maroc a sincèrement lié son devenir à celui du continent», a noté, par ailleurs, Mohamed Haitami. Cette orientation se traduit par des actions concrètes : «L'annulation de la dette des pays du Sahel, droits de douane 0% sur les produits agricoles de ces pays», a-t-il rappelé.

Emmanuel Dupuy a, quant à lui, placé cette stratégie africaine dans une perspective plus large. «Le processus d'intégration de la façade atlantique à l'horizon 2030, les 23 pays afro-atlantiques (...) font que la centralité n'est pas seulement territoriale, mais maritime». Cette dimension est d'ailleurs au cœur de la stratégie économique du Royaume. «Le Maroc a mis en place un Programme national d'économie bleue en juin 2022», a-t-il rappelé, soulignant que «la pêche, c'est 2% du PIB et le tourisme côtier représente 10 à 12% du PIB avec 32 milliards de DH de recettes l'année dernière».

Les défis d'une puissance émergente dans un monde «BANI»

Plus globalement, la réflexion sur le modèle de développement marocain s'inscrit dans cette dynamique de repositionnement global. Mehdi Fakir, expert-comptable et économiste, en détaille l'architecture : «Un modèle de développement correspond à la combinaison de trois piliers : un projet de société, un modèle économique, avec un pilier de gouvernance».

Mais le Maroc doit aujourd'hui naviguer dans ce que Mohamed Haitami qualifie d'«univers post-VUCA» (Vulnerability – Uncertainty – Complexity – Ambiguity), qui évolue vers un monde «BANI» : Brittle (fragile) – Anxieux – Non linéaire – Incompréhensible».

Dans ce contexte, plusieurs défis majeurs se présentent. «Nous n'avons pas encore une gestion proactive de l'avenir», a relevé Mehdi Fakir, évoquant notamment «l'aubaine démographique qui va se terminer dans pas longtemps». Emmanuel Dupuy replace ces enjeux dans un contexte international plus large : «La désoccidentalisation des relations internationales, la renaissance du non-alignement» créent de nouvelles opportunités, mais aussi de nouvelles contraintes pour le Royaume.

Diplomatie marocaine : crédibilité et soft power

La question du Sahara reste centrale dans la stratégie diplomatique marocaine. «164 des 193 pays ne reconnaissent pas une légitimité autre que celle d'une marge sur la Souveraineté du Sahara», a rappelé Dupuy, soulignant ainsi les succès diplomatiques du Royaume sur ce dossier crucial.

Dans ce registre, Mohamed Haitami a mis en avant l'importance du «soft power» dans cette stratégie globale : «C'est ce travail patient qui, finalement, façonne le fameux soft power qui a fait du Maroc une puissance régionale incontournable et écoutée. Une puissance régionale ne se revendique pas, elle est constatée et actée par les autres». La crédibilité apparaît comme le maître mot de cette stratégie. «Quel est le terme le plus utilisé pour qualifier le Plan marocain d'autonomie : c'est le mot crédibilité !», a-t-il affirmé.

En conclusion, comme le résume Mehdi Fakir, «nous avons un modèle atypique, un modèle qui vient gagner en termes de pertinence, de sagesse», tout en appelant à «le protéger par la réflexion et par la promotion de l'intelligence». Le positionnement international du Maroc apparaît ainsi comme le fruit d'une vision stratégique à long terme, combinant héritage historique et adaptation aux nouveaux paradigmes mondiaux. Cette approche multidimensionnelle, alliant soft power, développement économique et projection continentale, dessine les contours d'une puissance émergente qui entend peser de plus en plus dans les équilibres régionaux et mondiaux. Dans un contexte international marqué par l'incertitude et la recomposition des rapports de force, le Maroc se pose en acteur stable et prévisible, capable de contribuer à la stabilité régionale tout en poursuivant ses propres objectifs de développement.
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