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Cellule terroriste de Had Soualem : le BCIJ dit tout

L’opération, menée par le Bureau central d'investigations judiciaires (BCIJ) le 26 janvier dernier et qui a permis l’arrestation de quatre individus, dont trois frères, affiliés à l’organisation terroriste Daech, n’en finit pas de livrer ses secrets. Jeudi dernier, le BCIJ a organisé une conférence de presse pour jeter la lumière sur cette opération, ses auteurs, leur mode opératoire et sur ses implications régionales. Cette rencontre avec les médias a été une occasion propice pour les hauts responsables sécuritaires marocains de rappeler que la menace terroriste était un danger persistant qui profite des nouvelles technologies pour diffuser sa pensée mortifère et atteindre le fin fond des contrées les plus reculées. Pour le BCIJ, seules une mobilisation collective et une vigilance accrue permettront de neutraliser cette hydre qui se moque désormais des frontières en venant s’installer dans le Sahel où elle trouve un terrain propice pour se revivifier.

Le Bureau central d'investigations judiciaires a organisé une conférence de presse le 30 janvier 2025, pour rendre publics les détails sur le démantèlement de la cellule terroriste de Had Soualem. L'opération, menée le 26 janvier 2025, a permis l'arrestation des suspects et la saisie de substances chimiques, d'armes blanches et de documents faisant l'apologie du terrorisme. Ayant pour cible des emplacements stratégiques au Maroc, cette cellule surnommée «la cellule des trois frères» se compose de quatre individus, dont trois frères. «La dangerosité de la cellule démantelée dernièrement à Had Soualem renseigne sur la recrudescence de l’embrigadement familial comme puissant affluent d’extrémisme et d’enrôlement des candidats à perpétrer des attentats terroristes», a déclaré Cherkaoui Habboub, directeur du Bureau central d'investigations judiciaires (BCIJ) lors d’un point de presse organisé jeudi 30 janvier.

L'embrigadement familial, une nouvelle menace

L’on apprend ainsi que l’opération, menée par le BCIJ le 26 janvier, sur la base de renseignements précis fournis par les services de la Direction générale de la Surveillance du territoire (DGST), a permis l’arrestation de quatre individus, dont trois frères, affiliés à l’organisation terroriste Daech, âgés de 26, 29, 31 et 35 ans, et la saisie d’armes blanches, de substances chimiques ainsi que de documents faisant l’apologie du terrorisme.

Selon M. Habboub, cette cellule, surnommée «la cellule des trois frères», projetait des attaques ciblant des emplacements stratégiques au Maroc. Mettant en lumière la dangerosité de ce groupe, il a alerté contre la recrudescence de l’embrigadement familial comme un vecteur puissant d’extrémisme, où certains membres influencent leur entourage et forment des noyaux de résistance aux valeurs nationales. «La propagation de la pensée extrémiste au sein de familles constitue un défi sécuritaire et social de plus en plus préoccupant», a-t-il averti en rappelant l'importance de la vigilance et de l’implication des citoyens pour prévenir de telles menaces. Le haut responsable sécuritaire a souligné dans le même ordre d’idées que la lutte contre le terrorisme reposait sur une approche intégrée impliquant la sécurité, l'éducation et la sensibilisation.

Réitérant son engagement à relever les défis liés à la menace terroriste, le BCIJ a rappelé que ce mode de recrutement a déjà été observé par le passé, comme en témoigne l’arrestation de Karim El Majjati et sa femme, ou encore le démantèlement d'une cellule terroriste féminine le 3 octobre 2016. Cette dernière était composée principalement de femmes influencées par l'idéologie de Daech au sein de leur propre cercle familial.

À cet égard, le chef du BCIJ a précisé que «la gravité de cette menace s’accentue dans un contexte où les organisations terroristes internationales, notamment Daech, œuvrent à exploiter cet embrigadement familial pour servir leurs projets destructeurs visant à porter atteinte à la sécurité et à la stabilité du pays, en incitant leurs combattants dans les zones de tension à enrôler leurs frères et proches afin qu’ils s’impliquent dans des actes terroristes», à l’instar du chef de la cellule terroriste démantelée en décembre 2015.

Des substances chimiques destinées à la fabrication d'explosifs

L'enquête du BCIJ a révélé par ailleurs la présence de matières chimiques saisies lors de l'opération, prouvant que les suspects étaient en phase avancée de fabrication d'engins explosifs. «L’expertise a prouvé que les matières chimiques saisies sont essentielles à la préparation d’engins explosifs», a affirmé Abderrahmane El Yousfi Alami, préfet de police. Ces substances, bien que légalement utilisées dans les secteurs agricole, industriel et médical, ont été détournées à des fins criminelles et terroristes. Les scellés judiciaires ont été classés en trois sections distinctes. La première comprend des produits chimiques sous forme de poudres et de liquides de diverses couleurs et textures. La deuxième regroupe un ensemble de clous, de fils de fer et de fils utilisés pour la soudure. La troisième englobe des équipements et des outils couramment utilisés dans les laboratoires.

Selon les résultats de l’analyse effectuée par le Laboratoire national de police scientifique relevant de la Direction générale de la Sûreté nationale, ces substances sont essentielles à la fabrication d’engins explosifs artisanaux. M. El Yousfi Alami a souligné la diversité de ces engins en termes de compositions chimiques, de sensibilité, de dangerosité et de puissance explosive, ce qui accroît leur potentiel destructeur. Parmi les objets saisis figurait du raticide, qui était prévu pour être ajouté aux clous destinés à la fabrication des explosifs, dans le but d’augmenter leur létalité, en particulier pour les blessés, a-t-il déclaré en expliquant que l’expertise scientifique a confirmé que toutes ces substances peuvaient être employées pour la fabrication d’engins explosifs artisanaux, parfois plus dangereux que certains explosifs conventionnels. Ces substances, bien que destinées à des usages civils dans les domaines agricole, industriel ou médical, ont été détournées à des fins criminelles et terroristes. Le responsable a fait savoir que l’analyse technique des outils saisis avait établi leur compatibilité avec les procédures de fabrication d’explosifs. De plus, leur présence aux côtés des matières chimiques, des fils électriques et des clous constitue une preuve supplémentaire de leur usage criminel, a-t-il relevé.

La propagande cybernétique et l’extrémisme : une menace grandissante

Abordant les nouveaux défis liés à l’extrémisme numérique et à l’utilisation des technologies de l'information dans les projets terroristes, M. Habboub a relevé que des groupes extrémistes comme Daech mettent à contribution la propagande cybernétique pour radicaliser rapidement des individus et en faire des éléments des cellules terroristes. Cette radicalisation conjuguée au matraquage idéologique finit par transformer ces jeunes en «soldats voués à la mort», prêts à commettre des attentats, des meurtres et des mutilations corporelles, en s’inspirant de la méthode du «loup solitaire» favorisée par Daech. Selon le même responsable sécuritaire, cette approche cybernétique a non seulement facilité la préparation d’attaques, mais a aussi permis une diffusion rapide des idéologies extrémistes, notamment parmi les jeunes et les mineurs. Cette dynamique pose un danger croissant pour la sécurité du Maroc et de la région.

M. Habboub a souligné dans cette optique que la propagande numérique était désormais un élément clé dans la stratégie de Daech, une stratégie qui table sur l’usure et qui encourage l’autosuffisance à travers des attaques isolées. En plus de la radicalisation virtuelle, ces groupes utilisent les réseaux sociaux pour échanger des informations sur la fabrication d’engins explosifs et de poisons, consolidant ainsi leur réseau et leur capacité de frappe, a-t-il expliqué. Et d’ajouter que depuis 2016, les autorités marocaines ont procédé à l’arrestation de plus de 600 extrémistes liés à l’utilisation des réseaux sociaux pour planifier des attaques.

Le Sahel : nouveau terrain de jeu pour les groupes jihadistes

Tout en insistant sur l’importance du rôle du Maroc en tant qu’acteur clé dans la lutte contre le terrorisme à l’échelle régionale, le Chef du BCIJ a expliqué que de nombreux extrémistes ayant été arrêtés au Maroc ont des liens directs avec des groupes opérant dans cette région. De plus, des leaders de Daech dans le Sahel ont supervisé des cellules locales au Maroc, comme la cellule de Had Soualem. Ce lien croissant entre la menace terroriste au Maroc et le Sahel est, selon ce responsable, un signal d’alarme qui souligne la nécessité d'une coopération renforcée au niveau international.

Les chiffres montrent que la menace persiste et s’intensifie. Depuis la fin de l’année 2022, 130 extrémistes marocains ont rejoint des zones djihadistes en Afrique, dont le Sahel et la Somalie, des régions où l’influence de groupes terroristes est en forte croissance. Le Maroc, ayant démantelé plus de 40 cellules terroristes ayant des liens directs avec Al-Qaïda ou Daech dans le Sahel, se retrouve à l'avant-garde de la lutte contre ce phénomène mondial, a-t-il déclaré.

«L'embrigadement familial», nouvel outil au service de la radicalisation

Le directeur du Bureau central d'investigations judiciaires (BCIJ), Cherkaoui Habboub, a affirmé que la dangerosité de la cellule de Had Soualem ne résidait pas seulement dans les projets d'attentats qu'elle projetait de commettre, ni dans le stade avancé de préparation, mais aussi dans la recrudescence de «l'embrigadement familial» comme puissant affluent d'extrémisme et d'enrôlement des candidats à commettre ces actes.

Selon M. Habboub, la cellule des «trois frères» est révélatrice de la montée en puissance d’une menace émergente laissant planer de graves défis sécuritaires et sociaux, à savoir la propagation de la pensée extrémiste parmi des familles entières et la constitution de poches de résistance aux valeurs et traditions marocaines, ainsi qu’à l’unité de la société et de ses choix doctrinaux, sous l’influence de certains membres de la famille imprégnés de l’idéologie extrémisme sur leur entourage social. Il a regretté que le prétendu «émir» de cette cellule terroriste, qui est le grand frère, a réussi à transformer sa petite famille en «incubateur d’extrémisme, d’enrôlement et d’embrigadement au service de son projet terroriste», mettant à profit son autorité morale et sa capacité d’influence négative sur son entourage sociétal proche.

Bien que la famille marocaine ait de tout temps servi de rempart impénétrable face aux idées extrémistes et de pilier solide de tolérance, de coexistence et de modération, les investigations liées aux affaires de terrorisme ont permis de détecter certaines tendances de cet «embrigadement familial» en tant qu’outil d’enrôlement et d’extrémisme accéléré, a-t-il fait remarquer, rappelant, dans ce contexte, «la cellule féminine» démantelée le 3 octobre 2016, dont la majorité des membres s'étaient imprégnées de l’idéologie de Daech sous l’influence du milieu familial.

Pour ce haut responsable sécuritaire, «la gravité de cette menace s’accentue dans un contexte où les organisations terroristes internationales, notamment Daech, œuvrent à exploiter cet embrigadement familial pour servir leurs projets destructeurs visant à porter atteinte à la sécurité et à la stabilité du pays, en incitant leurs combattants dans les zones de tension à enrôler leurs frères et proches afin qu’ils s’impliquent dans des actes terroristes, à l’image du chef de la cellule terroriste démantelée le 11 décembre 2015, connue à l’époque sous le nom de “cellule de l’État islamique au Maghreb islamique”».

Lutte antiterroriste : les interventions sécuritaires obéissent à un protocole rigoureux de sûreté

Le porte-parole de la Direction générale de la Sûreté nationale (DGSN) et de la Surveillance du territoire (DGST), Boubker Sabik a expliqué que toute intervention, menée sur la base de renseignements disponibles et en coordination avec le BCIJ et les forces spéciales, est régie par un protocole strict destiné à faire avorter et à neutraliser toute menace terroriste et à protéger les citoyens et leurs biens, ainsi que les fonctionnaires de police et les personnes chargées de cette mission. Aucune victime n’a été enregistrée parmi les forces d’intervention durant toutes les interventions où le protocole de sûreté a été appliqué, a-t-il assuré, relavant que le cas échéant, il sera procédé au relèvement du niveau de ce protocole exécuté pleinement et avec toute la rigueur requise.

S’agissant de la dernière intervention sécuritaire pour le démantèlement d’une cellule terroriste à Had Soualem, le responsable a relevé que des défis de taille étaient posés en termes, notamment, de présence d’explosifs que les terroristes ont testés d’après des renseignements fournis à ce sujet, d’où la nécessité de recourir aux canidés de police spécialisés dans la détection d’engins explosifs. Il a rappelé que l’opération d’intervention s’est déroulée avec l’aide de tireurs d’élite qui étaient à bord d’un hélicoptère et sur les toits, de sorte à anticiper toute réaction des suspects qui avaient déjà prêté allégeance à «Daech» et étaient prêts à se donner la mort et à tout faire pour parvenir à leur objectif.

À cet égard, M. Sabik a noté que le recours à des équipes spécialisées pour mener cette intervention était intervenu suite aux données disponibles et compte tenu du degré du danger et du lieu d’intervention. Il a souligné que les éléments de la cellule terroriste avaient choisi la région de Had Soualem du fait que leurs lieux de résidence s’y trouvent, ajoutant à cet égard que certaines cellules terroristes recourent aux zones rurales au lieu du périmètre urbain, convaincues qu’elles échapperaient à la vigilance des services sécuritaires. Ces éléments se trouvaient à des stades avancés dans l’exécution concrète de leur attentat terroriste à travers notamment la visite des sites pris pour cibles, a-t-il poursuivi, notant que des données fiables avaient montré qu’ils avaient pris les images de tous les sites et identifié les voies de départ et préparé des schémas approximatifs des endroits de leur position et des passages de fuite.

Concernant l’adoption par les terroristes de la théorie «loups solitaires», M. Sabik a considéré que ce constat intervenait après le durcissement des mesures de sécurité sur les organisations terroristes, devenues plus promptes à exécuter des attentats individuels avec les moyens disponibles, à l’instar des attaques au véhicule bélier, des liquidations physiques et la mutilation des cadavres. Il a affirmé que Daech avait investi de nouveaux foyers et zones de tension, notamment au Sahel, dans la corne de l’Afrique et l’ouest du continent, suite à la débâcle qu’elle a subie dans ses fiefs traditionnels en Irak et en Syrie, estimant que la pensée de cette organisation terroriste, qui est toujours présente et qui constitue une menace pour l’ensemble des pays du monde, s’appuie surtout sur la présence cybernétique dont elle jouit.

Par ailleurs, M. Sabik a relevé que les campagnes de propagande sceptiques à l'égard des opérations sécuritaires antiterroristes représentent une menace à la sécurité lorsqu’elles sont «lourdes et intenses», étant donné qu’elles tentent de contraindre les services sécuritaires à se replier sur eux-mêmes, le but étant que les organisations terroristes puissent continuer à terroriser les innocents et commettre leurs opérations, ce qui relève des «objectifs à des fins multiples».

Les services de sûreté nationale œuvrent à lutter contre une telle propagande, notamment en communiquant avec les médias et en fournissant des données précises sur les opérations de sécurité et en présentant les objets saisis pour réaffirmer que la menace terroriste est toujours présente et imminente. Il a mis en avant, à cet égard, le rôle joué par les médias pour rassurer et éclairer l'opinion publique, rappelant que les institutions sécuritaires au Maroc disposaient d'officiers chargés de communiquer avec tous les médias pour riposter à ces campagnes de propagande ciblant les citoyens et leur sécurité.

Le responsable a ajouté que «les services de sûreté œuvrent actuellement à adapter les plans d'action aux défis et enjeux sécuritaires futurs, notamment en ce qui concerne les événements sportifs continentaux et internationaux que notre pays accueillera dans un avenir proche», ajoutant que gagner l'enjeu sécuritaire serait le pilier majeur garantissant le succès de ces événements et la mise en place d'un environnement sécurisé pour les compétitions sportives.
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