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Jeudi 19 Juin 2025
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Christophe Lecourtier raconte la refondation du partenariat France-Maroc

Reconnaissance du Sahara, investissements massifs dans les provinces du Sud, nouvelle impulsion universitaire, coopération agricole et diplomatie migratoire… À Casablanca, l’ambassadeur de France au Maroc, Christophe Lecourtier, a dressé un tableau sans fard des avancées franco-marocaines, tout en appelant à construire un partenariat «unique, déterminant, et irréversible».

Ph : Sradni
Ph : Sradni
Cent cinquante millions d’euros engagés par l’Agence françase de développement (AFD) dans les provinces du Sud. Plus de 40 accords signés lors de la visite officielle d’Emmanuel Macron en 2024. Des Centres culturels français en construction à Dakhla et Laâyoune. Un accès aux visas désormais possible dans ces mêmes villes... Et surtout : une reconnaissance politique désormais pleinement assumée de la souveraineté marocaine sur le Sahara. Ce sont les jalons concrets d’un tournant diplomatique que Christophe Lecourtier, ambassadeur de France au Maroc, est venu défendre ce 16 mai 2025 à la Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales de Aïn Chock à Casablanca. Quinze mois après sa première venue dans cet amphithéâtre, l’heure n’est plus aux prudences diplomatiques : elle est à la clarification, à l’engagement, à la projection stratégique. «Nous avons fait le serment d’être au rendez-vous des 25 prochaines années», déclare-t-il, conscient que l’histoire entre Rabat et Paris est à un point de bascule.


Une fracture refermée par la reconnaissance du Sahara

«Nous aurions pu nous perdre», admet-il, évoquant sans fard l’année 2023, lorsque les «cordes de rappel» entre les deux pays semblaient rompues. La «clé politique», selon lui, a été tournée le 30 juillet 2024 : jour choisi par le Président Macron pour reconnaître officiellement la souveraineté marocaine sur le Sahara. Une position désormais assumée «sans nuances», qui a ouvert la voie à une relance de la coopération. Une reconnaissance formalisée trois mois plus tard par un discours sans équivoque devant le Parlement marocain. «Nous avons cessé de jouer dans les nuances de gris. Nous avons choisi la clarté et la franchise», a martelé M. Lecourtier. Depuis, la dynamique s’est accélérée : délégations françaises dans les provinces du Sud, signature d’accords économiques, relance des coopérations universitaires... La France, dit-il, ne veut plus seulement réparer. Elle veut bâtir. Les exemples sont légion. À Dakhla et Laâyoune, des lycéens passeront leur baccalauréat dans des établissements soutenus par l’État français. Des centres culturels y verront le jour. Et surtout, les citoyens pourront y obtenir des visas directement. «Ces territoires sont désormais intégrés dans l’ensemble des politiques que nous menons au Maroc. Il ne s’agit pas seulement de gestes : il s’agit d’une stratégie. L’AFD, dont le Maroc est le premier partenaire mondial avec 3 milliards d’euros d’encours, y déploie désormais ses outils financiers. Et les entreprises françaises, dans les secteurs des infrastructures, de l’eau ou de l’agro-industrie, sont incitées à s’y installer.

Une vision partagée pour l’Afrique

Mais au-delà du bilatéral, c’est une lecture géopolitique du continent africain que M. Lecourtier propose. «Le Maroc n’est pas une frontière. C’est un hub. Un modèle alternatif pour l’Afrique de l’Ouest.» Dans une région sahélienne menacée par les trafics, les extrémismes et les influences russes ou iraniennes, il décrit le Royaume comme un facteur de stabilité et de développement. La France, dit-il, entend s’aligner «pleinement» sur la vision du Roi pour ces territoires, y compris dans leur projection vers le Sud. «Ce que nous construisons avec le Maroc, c’est aussi notre ancrage africain à nous, Européens.»
Autre pilier de cette nouvelle matrice : l’Union européenne. L’ambassadeur plaide pour un rapprochement stratégique sans précédent. «Le Maroc est aujourd’hui le partenaire le plus engagé avec l’Europe. Il faut un statut plus intégré, plus stratégique. Et il faut le faire dans les six à douze prochains mois.» Puis, alors que l’Europe regarde vers l’Est, M. Lecourtier avertit : «Si l’Europe oublie son Sud, elle se condamne.» Et de rappeler que Rabat est déjà au cœur des enjeux énergétiques, industriels, climatiques et migratoires de demain. Par ailleurs, en filigrane de son discours, l’ambassadeur n’a cessé de rappeler le rôle crucial de la communauté franco-marocaine, qu’il appelle à faire vivre «non pas comme un écartèlement, mais comme une dynamique féconde». Un plaidoyer pour une identité partagée alors que la tentation du repli et du séparatisme menace les deux rives. «Le Président Macron l’a dit : on peut être 100% marocain et 100% français, avec bonheur. C’est cette communauté qui nous oblige à réussir», déclare-t-il.
In fine M. Lecourtier appelle à dépasser les approches techniciennes pour inscrire le partenariat dans une vision globale. «Ce que nous voulons bâtir n’est pas un retour à un âge d’or mythifié. C’est une relation nouvelle, dans un monde nouveau, face à des défis nouveaux.» Dans un monde «de carnivores», pour reprendre l’expression du Président français, Christophe Lecourtier estime que la France et le Maroc n’ont plus le luxe de se perdre. Entre tensions géopolitiques, fractures économiques et urgences climatiques, la refondation du partenariat franco-marocain apparaît non comme une option, mais comme une nécessité. «Nous avons fait le serment d’être au rendez-vous des 25 prochaines années», dit-il. Encore faut-il, désormais, le tenir.
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