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Code de la nationalité : les lacunes à combler selon les parlementaires

Seize ans après la réforme du Code de la nationalité, et nonobstant la modification de cette loi en février dernier, des voix s’élèvent pour une refonte globale de ce texte dans un esprit d’égalité entre les deux sexes et pour une meilleure protection des droits de la femme et de l’enfant. Quelles dispositions faut-il changer alors ? C’est la question à laquelle ont tenté de répondre les participants à une journée d’étude organisée jeudi par le groupe haraki à la Chambre des représentants.

 Mohammed Ouzzine, SG du Mouvement populaire.
Mohammed Ouzzine, SG du Mouvement populaire.
Bien que le Code de la nationalité, promulgué en 1958, ait fait l’objet de deux réformes (la première, actée en 2007, visait la promotion de la situation juridique de la femme et de l’enfant et la consécration de l’égalité entre l’homme et la femme en permettant à la Marocaine d’octroyer sa nationalité à ses enfants de père étranger, et la deuxième, adoptée en février 2023 élargissait le droit d’accès à la nationalité aux candidats parlant l’amazigh en tenant compte du caractère désormais officiel de cette langue), des voix s’élèvent pour appeler à une refonte globale du texte de manière à favoriser l’instauration du principe de l’égalité homme-femme en tout ce qui concerne l’attribution de la nationalité.



En effet, la pratique a dévoilé la persistance de plusieurs «inégalités» en termes d’accès à la nationalité marocaine, dont souffrent particulièrement la mère et l’enfant. Pour mettre la lumière sur cette question et examiner les moyens les plus à même de remédier à ces «injustices», une journée d’étude a été organisée jeudi à la Chambre des représentants, à l’initiative du groupe du Mouvement populaire.

Lors de cette rencontre, les différents intervenants (députés, experts et juristes) ont passé en revue les points qui entravent encore la concrétisation de l’égalité dans l’accès à ce droit fondamental. À cet égard, le premier point soulevé avait trait à la «discrimination» qui caractérise l’octroi de la nationalité marocaine au ressortissant étranger marié à une citoyenne marocaine. L’article 10 du Code de la nationalité stipule en effet que seule la femme étrangère qui a épousé un Marocain et résidant régulièrement au Maroc depuis cinq ans peut souscrire, pendant la relation conjugale, une déclaration adressée au ministre de la Justice en vue d’acquérir la nationalité marocaine. Or rien n’est prévu pour l’époux étranger ayant épousé une Marocaine. «Cette disposition consacre les inégalités entre les sexes, entérine la culture patriarcale qui persiste au Maroc et s’oppose aux principes prévus dans la Constitution et les conventions internationales ratifiées par le Royaume», s’indigne Mohammed Ouzzine, secrétaire général du Mouvement populaire, lors de son intervention, appelant par la même occasion la gent féminine et les organisations de défense des droits des femmes à s’engager fortement dans le combat pour l’égalité.

Code de la nationalité et état civil : il faut harmoniser les textes

Les intervenants ont relevé par ailleurs l’absence de complémentarité et d’harmonie entre le Code de la nationalité et la loi régissant l’état civil, ce qui rend l’application des dispositions du Code de la nationalité parfois difficile. «Je vous donne à titre d’exemple le cas d’une mère célibataire ayant donné naissance à un enfant de père étranger dans un pays étranger. La procédure de l’état civil exige un acte de mariage pour pouvoir inscrire l’enfant dans le registre de l’état civil et lui accorder par la suite la nationalité. Or le Code de la nationalité prévoit que ce droit est automatiquement accordé à l’enfant issue d’une mère marocaine. Donc en l’absence de dispositions claires, l’application de la loi reste soumise à l’appréciation des autorités chargées de l’état civil», explique Abdeslam Idrissi, professeur de droit international à l’Université Mohammed V de Rabat et président du tribunal international de la médiation et de l’arbitrage.

Une autre lacune relevée au niveau Code de la nationalité et qui n’a jamais été comblée, malgré les deux modifications, ajoute M. Idrissi, est l’absence de toute mention des enfants nés au Maroc de parents apatrides qui ont vécu plus de cinq ans au Maroc. En effet, en l’absence de dispositions prévoyant leur naturalisation, ces derniers subissent le même sort que leurs parents, bien que le Maroc ait ratifié les conventions internationales des droits de l’Homme.

Quid de l'octroi de la nationalité aux enfants

Par ailleurs, les intervenants ont préconisé la modification du volet relatif à l’octroi de la nationalité à l’enfant abandonné issu de parents étrangers et pris en charge par un tuteur marocain dans le cadre de la procédure de la kafala. La loi actuelle prévoit que l’enfant pourra accéder à la nationalité marocaine suite à une demande faite par son tuteur ou par l’enfant lui-même, à condition que ce dernier ne dépasse pas 18 ans. Or pour les défenseurs des droits de l’Homme, à 18 ans, on n’a pas encore atteint la maturité pour prendre une décision dans ce sens, donc cet âge doit être repoussé à 20 ans. «Si l’enfant pris en charge n’exprime pas sa volonté de bénéficier de la nationalité marocaine avant 18 ans, il perd ce droit à l’arrivée à cet âge, ce qui est inadmissible, voire absurde, pour un jeune qui a vécu toute sa vie au Maroc», argumente M. Idrissi.

Autre disposition du Code actuel fortement pointée du doigt. Elle porte sur le droit conféré à la mère d’un enfant issu d’un mariage mixte d’effectuer une demande de renonciation à la nationalité marocaine au profit de son enfant mineur, une demande qui pourra ensuite être annulée par une deuxième demande effectuée par l’enfant une fois majeur, s’il le souhaite. «Cette disposition n’a aucune sens puisque l’enfant accède à la nationalité par filiation, c’est-à-dire par le droit du sang», tient à souligner pour sa part Youness Korbi, avocat au barreau de Rabat.

À l’évidence donc, le Code actuel de la nationale présente, selon les participants, nombre d’insuffisances auxquelles il convient de remédier. Ce débat parlementaire est un premier pas dans le combat qui doit être mené sur le plan législatif pour ce faire. Et ce n’est pas gagné d’avance. Il suffit de rappeler que le groupe haraki au sein de la Chambre des représentants avait déposé une proposition de loi en 2022 portant sur l’octroi de la nationalité marocaine au ressortissant étranger marié à une citoyenne marocaine, mais cette initiative est restée lettre morte.
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