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Mardi 07 Mai 2024
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Comment le Maroc a imprimé sa marque lors du 27e sommet de l’Union africaine

Il ne fait aucun doute que depuis le retour du Maroc au sein de l'Union africaine en 2017, une toute nouvelle dynamique s'est installée au sein de cette instance panafricaine. Axée sur les questions relatives à la paix, au développement et à la coopération entre les pays du continent, cette dynamique procède dans une large mesure de l'engagement sincère du Royaume en faveur de l'Afrique et de sa capacitation à assurer son propre essor.

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Alors que le rideau vient de tomber sur le 37e Sommet de l'Union africaine qui s'est tenu les 17 et 18 février à Addis-Abeba, une certitude se dégage : les décideurs africains sont désormais à pied d'œuvre pour relever les vrais défis auxquels le continent est confronté. Autrement dit, l'époque où le corps continental servait de gymnase pour des intrigues de toutes sortes, ourdies par des régimes aux idéologies figées, nourris par une manne de pétrole et de gaz, est bel et bien révolue. La meilleure illustration de ce changement est fournie par la question du Sahara marocain qui n'est plus à l'ordre du jour de l'Union africaine.



En effet, le 37e sommet des Chefs d'État et de gouvernement, organe suprême de l'institution panafricaine, n'y ayant fait aucune référence. «Les discours de la présidence de l’Union africaine et de la Commission de l’Union insistent sur les problèmes réels du continent et non pas sur les conflits artificiels et montés de toutes pièces qui visent à créer les divisions et le retour du continent en arrière», commente, dans une déclaration à la presse, le ministre des Affaires étrangères, de la coopération africaine et des Marocains résidant à l'étranger, M. Bourita.

«L’absence de la question du Sahara marocain de l'ordre du jour du Sommet représente une avancée significative dans les relations interafricaines et témoigne d'une maturité politique et d'une volonté collective de se concentrer sur des enjeux plus larges de développement et de coopération», explique au «Matin» le professeur de sciences économiques, sociales et politiques à l'Université Mohammed V de Rabat et ancien économiste chez Bank Al-Maghrib, Dr Talal Cherkaoui.

L’UA focalise sur les vrais enjeux de développement

Et s'agissant des défis réels, l'Afrique en rencontre une pléthore : problèmes liés à la santé, à l'éducation, aux infrastructures, au développement économique et à l'intégration entre les pays du continent au bénéfice de leurs populations, jeunes pour la plupart. Aussi, l'UA est-elle bien consciente de ce qui importe réellement pour le continent : le temps est venu de s'atteler sérieusement à l'édification concertée des lendemains de l'Afrique, à l'écart des machinations dont le but n'est autre que de faire perdurer les divisions et les conflits stériles et contre-productifs. Et cette Afrique, comme l’avait bien souligné Sa Majesté le Roi Mohammed VI dans Son discours devant le 28e sommet de l’UA à Addis-Abeba, «est aujourd’hui dirigée par une nouvelle génération de Leaders décomplexés», qui «œuvrent en faveur de la stabilité, de l’ouverture politique, du développement économique et du progrès social de leurs populations».

Entretien le professeur de sciences économiques, sociales et politiques à l'Université Mohammed V de Rabat et ancien économiste chez Bank Al-Maghrib

Dr Talal Cherkaoui : L'absence de la question du Sahara marocain à l'ordre du jour du Sommet d’Addis-Abeba témoigne d’une maturité politique

Comment le Maroc a imprimé sa marque lors du 27e sommet de l’Union africaine

Le Matin : Que pensez-vous globalement du bilan de la dernière participation du Maroc au 37e Sommet de l’UA ?

Dr Talal Cherkaoui :
Le 37e sommet de l’Union africaine (UA), qui s'est tenu le week-end des 17 et 18 février à Addis-Abeba, en Éthiopie, a abordé une série de défis majeurs auxquels le continent est confronté, tels que les conflits, les crises de gouvernance, la capacité des États membres à y faire face et le développement durable. Dans ce contexte, la participation du Maroc a été marquée par plusieurs aspects significatifs. Tout d'abord, le Maroc a pu consolider ses relations diplomatiques avec les autres États membres de l'UA en participant activement aux discussions et en contribuant à la formulation de positions communes sur diverses questions régionales et continentales. Cette participation renforce la position du Maroc en tant qu'acteur clé sur la scène africaine et lui permet de promouvoir ses intérêts et ses priorités dans un contexte multilatéral.
L'absence de la question du Sahara marocain à l'ordre du jour du Sommet représente une avancée significative dans les relations interafricaines, et peut être interprétée comme une victoire diplomatique pour le Maroc. Cela témoigne d'une maturité politique et d'une volonté collective de se concentrer sur des enjeux plus larges de développement et de coopération, plutôt que de laisser les différends territoriaux entraver la progression de l'UA.

De plus, la présidence du Conseil de paix et de sécurité de l'UA par le Maroc reflète la confiance des autres États membres dans la capacité du Maroc à jouer un rôle de premier plan dans la promotion de la paix et de la sécurité en Afrique. Cette responsabilité confiée au Maroc montre également une reconnaissance des efforts du pays pour favoriser la stabilité et le progrès dans la région. Le Maroc s'investit ainsi activement dans la mise en œuvre des programmes et des initiatives de l'UA, en apportant des idées novatrices et en mobilisant des ressources pour soutenir le développement durable du continent. Cette implication concrète dans les projets de l'UA renforce la crédibilité du Maroc en tant que partenaire fiable et engagé pour l'avancement de l'Afrique.

Par ailleurs, le Maroc favorise la coopération régionale et continentale en participant à des initiatives visant à renforcer la sécurité, à promouvoir la jeunesse africaine et à consolider la paix dans les zones post-conflit. Cette approche collaborative renforce les liens entre les États africains et favorise la solidarité et la compréhension mutuelle. Enfin, le soutien actif du Maroc aux initiatives de réforme de l'UA démontre son engagement à renforcer le rôle de l'organisation sur la scène internationale. En contribuant à améliorer les capacités et l'influence de l'UA, le Maroc œuvre pour renforcer la voix de l'Afrique dans les affaires mondiales, notamment en matière de paix et de sécurité.
S’agissant de la question du Sahara, le Maroc s’est félicité du fait que le Sommet n’a pas abordé le dossier. Pourquoi ?
Le Maroc s'est félicité du fait que la question du Sahara marocain n'a pas été abordée lors du Sommet de l'Union africaine pour plusieurs raisons, comme indiqué dans le texte. Tout d'abord, depuis le retour du Maroc sous la conduite de S.M. le Roi Mohammed VI, que Dieu L’assiste, à l'UA et suite à la décision 693 adoptée lors du Sommet de Nouakchott en 2018, la question du Sahara marocain n'est plus soumise à l'UA. Cette décision a réaffirmé la compétence exclusive des Nations unies sur la question, soulignant ainsi que cette question n'est plus à l'ordre du jour de l'UA.

De plus, les discours de la présidence de l'UA et de la Commission de l'UA n'ont fait aucune référence à la question du Sahara marocain, insistant plutôt sur les problèmes réels du continent. Cette approche vise à éviter de se concentrer sur des conflits artificiels qui pourraient diviser le continent et l'empêcher de progresser. Le Maroc, par le biais de son représentant, a souligné lors du Sommet plusieurs initiatives stratégiques visant à répondre aux défis auxquels l'Afrique est confrontée, telles que l'initiative sur la façade atlantique africaine et celle visant à donner accès aux pays du Sahel à l'océan Atlantique. En mettant l'accent sur ces initiatives positives et en évitant de se focaliser sur des conflits qui relèvent de la compétence exclusive des Nations unies, le Maroc souhaite promouvoir une approche constructive et inclusive pour résoudre les défis auxquels l'Afrique est confrontée.
Pourquoi le Maroc ne voit-il pas d’un bon œil une implication de l’UA dans ce dossier ?

Le Maroc est réticent à voir l'Union africaine s'impliquer dans le dossier du Sahara marocain pour plusieurs raisons fondamentales. Tout d'abord, le Maroc considère que cette question relève de sa souveraineté nationale et de son intégrité territoriale, et il craint que toute intervention extérieure dans ce dossier ne remette en question ces principes fondamentaux et n'entrave les efforts visant à trouver une solution pacifique et mutuellement acceptable.

De plus, le Maroc est préoccupé par le risque de politisation de la question du Sahara marocain au sein de l'UA, étant donné les divergences d'opinions et les intérêts contradictoires entre les États membres de l'organisation. Une implication de l'UA pourrait compromettre les efforts de médiation en cours sous l'égide des Nations unies et compliquer davantage la recherche d'une solution durable au conflit.

Enfin, le Maroc estime que l'UA devrait se concentrer sur des questions plus urgentes et prioritaires pour le développement de l'Afrique, telles que la promotion de la paix, de la sécurité et du développement économique, plutôt que de s'immiscer dans des questions sensibles qui pourraient diviser les États membres et compromettre l'unité de l'organisation.
Lors de ce Sommet, le Maroc a insisté sur la question du financement du deuxième plan décennal de l’Agenda 2063. Quel est l’importance de cet agenda et quels sont les défis que pose sa mise en œuvre ?
L'importance de l'Agenda 2063 de l'Union africaine réside dans sa vision stratégique pour le développement du continent, visant à transformer les défis en opportunités de croissance et de stabilité. Cette vision, soutenue par le Maroc, est ancrée dans l'idée d'une Afrique émergente, intégrée et prospère, comme souligné par Sa Majesté le Roi Mohammed VI. Le Maroc, en tant que nation africaine engagée, insiste sur la nécessité de mobiliser des ressources pour la mise en œuvre du deuxième plan décennal de l'Agenda 2063. Cela implique la création de mécanismes de financement adéquats, tels qu'un Fonds pour le développement similaire au Fonds pour la paix, pour soutenir les initiatives stratégiques de développement.

Les défis de la mise en œuvre de cet agenda sont multiples. Premièrement, il y a un besoin crucial de mobilisation des ressources financières pour concrétiser les objectifs fixés. Deuxièmement, il est impératif de renforcer la coordination entre les différentes entités régionales et continentales, ainsi qu'avec les partenaires internationaux, pour assurer une mise en œuvre cohérente et efficace des programmes. Troisièmement, la complexité des défis actuels en Afrique, qu'ils soient sécuritaires, environnementaux ou économiques, nécessite une approche intégrée et multidimensionnelle pour garantir le succès de l'Agenda 2063.

En résumé, l'agenda 2063 représente une vision ambitieuse pour l'avenir de l'Afrique, mais sa mise en œuvre requiert un engagement continu, une mobilisation de ressources adéquates et une coordination efficace à tous les niveaux pour surmonter les défis et réaliser les aspirations de développement du continent.

L'analyste des relations internationales et géopolitique, Salah Eddine Naser, dresse un bilan positif de la participation du Maroc au 37e Sommet de l’Union africaine

Comment le Maroc a imprimé sa marque lors du 27e sommet de l’Union africaine



La question du Sahara marocain n'a pas figuré à l'ordre du jour du dernier Sommet de l'Union africaine. De l’avis de M. Naser, «cela ne peut que témoigner des efforts déployés par le Royaume ainsi que de la conviction des pays africains qu'il n'appartient pas à l'UA de prendre en charge cette question et qu'il faut la laisser du ressort exclusif des Nations unies». Les commentaires positifs du Maroc à cet égard peuvent être interprétés, selon l’expert en relations internationales, de deux manières. «Premièrement, le Maroc lie la crédibilité de l'organisation panafricaine à son détachement de cette question, plus l'Union se détachera de ce conflit factice, plus le Maroc s'impliquera et ouvrira les portes de la collaboration et du partenariat. Ensuite, et surtout, le Maroc veut identifier ses interlocuteurs. La diplomatie marocaine, pour mener un dialogue sain et constructif, doit avoir un seul interlocuteur pour limiter les itérations inutiles».

À la fin du 20e siècle, et suite à Son accession au Trône de Ses Glorieux Ancêtres, S.M. le Roi Mohammed VI a fait montre d'une grande volonté et d'une ambition sincère de rapprochement et de partenariat avec les pays africains, une approche qui a été couronnée par la réintégration par le Royaume de l'Union africaine (UA) en 2017, rappelle M. Naser, faisant remarquer que l'instrumentalisation de l’ex-OUA dans ce conflit artificiel n'a fait qu'entraver le travail collaboratif du Maroc au sein de cette organisation et empêcher toute perspective de coopération. La position du Maroc était et est toujours claire : cette question relève du strict ressort de l'ONU.

La participation du Maroc au 37e Sommet de l’UA est un «franc succès»

Par ailleurs, M. Naser souligne que le Royaume du Maroc ne peut que se féliciter de sa participation au 37e Sommet de l’UA, laquelle fut «un franc succès». Ceci est étayé, dit-il, par un faisceau de constats : l’ordre du jour du Sommet, biffant la question du Sahara marocain, la nomination de la Mauritanie à la présidence tournante de l’UA, l’entretien du ministre des Affaires étrangères avec ses homologues africains, la contribution concrète du Maroc à l’Agenda 2063, la défense de la cause palestinienne, le leadership du Royaume dans la lutte contre le terrorisme et la gestion des migrations, ainsi que la position privilégiée de la jeunesse africaine dans l’agenda du Royaume.

Primo, indique M. Naser, l’UA a biffé la question du Sahara marocain de son ordre du jour, dans la droite ligne de l’adoption de la résolution 639 en 2018, léguant l’exclusivité du dossier aux Nations unies, seul organe compétent à aborder le sujet. Secundo, le Maroc s’est félicité de la nomination de la Mauritanie à la présidence tournante de l’Union africaine, en la personne du Président mauritanien Mohamed Ould El Ghazouani. Cette nomination est considérée, selon Naser Bourita, comme une consécration méritée d’un acteur de stabilité de la région. Dans le même ordre d'idées, rappelons que durant les travaux du Sommet, M. Bourita s’est entretenu avec ses homologues africains. Entre autres, le ministre mauritanien Mohamed Salem Ould Merzoug, le ministre nigérian, Yusuf Maitama Tuggar, et zambien par intérim, Mulambo Haimbe.

En outre, la délégation marocaine a pu réitérer à Addis Abeba la position du Royaume vis-à-vis du conflit au Moyen-Orient, défendant ainsi la cause palestinienne, un leitmotiv souligné par l’invité d’honneur du Sommet, le Président brésilien Lula. Aussi, le Maroc s’est également félicité de l’avancement de l’Agenda 2063 sous la houlette du Président ivoirien, proposant la création d’un fonds de développement parallèle à celui pour la paix, conduit par le CPS (Conseil de paix et de sécurité), tout en rappelant le triptyque paix, sécurité & développement. Le bouquet du Sommet étant la fontaine offerte à l’Union africaine, un cadeau symbolique réitérant l’engagement du Royaume depuis 2017 envers l’Union africaine et son attachement à sa dimension continentale.
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