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Dans les coulisses du sauvetage des aéronefs : quand chaque seconde compte

Au large de Casablanca, l'exercice Tamaris 2025 révèle l'efficacité du dispositif marocain de recherches et sauvetage. Plongée au cœur d'un système où la coordination entre civils et militaires peut faire la différence entre la vie et la mort. Source : Dossier spécial SAR du Magazine scientifique «L'Espace Marocain» N°115 (2e trimestre 2025), publié par les Forces Royales Air

Le service SAR (Search And Rescue – Recherches et sauvetage) représente un dispositif essentiel visant à sauver des vies humaines par la fourniture de services de recherches et de sauvetage aéronautiques et maritimes. C’est le Centre national du contrôle de la sécurité de la navigation aérienne de Casablanca, qui est la vitrine de ce service : le RCC Casablanca, centre opérationnel qui ne dort jamais.

Le service SAR est bien plus qu'un simple dispositif opérationnel ; il est un devoir régalien de l'État. En effet, c’est une «Obligation de droit international» pour la sauvegarde des vies humaines et la contribution aux recherches et sauvetage d'aéronefs ou navires en détresse. L'obligation de porter secours aux personnes en danger est une norme du droit international coutumier. Par conséquent, la mission SAR est une responsabilité nationale et relève du devoir des États sur le plan du droit international. Mais c’est également un dispositif exigé sur le plan national conformément aux normes et pratiques recommandées de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI). C’est dans cet esprit que le Royaume du Maroc a développé ses capacités nationales pour organiser le service SAR.

Au cœur du RCC Casablanca, là où chaque minute compte

«Le RCC fonctionne 24 heures sur 24, 7 jours sur 7», explique le colonel Fouad Boukhare, chef du Détachement militaire de coordination. Dans une salle tapissée d'écrans, des contrôleurs scrutent en permanence les données radar, prêts à déclencher une machine de guerre humanitaire à la moindre alerte. «Lorsqu'un aéronef est signalé en détresse, la procédure commence par une analyse rigoureuse en salle de contrôle de la circulation aérienne», précise le document des Forces Royales Air. Sur les écrans, des points lumineux tracent leurs trajectoires au-dessus de l'Atlantique et de la Méditerranée. Chaque signal peut potentiellement déclencher une opération de sauvetage. «Les contrôleurs procèdent à la restitution des données radar, afin de déterminer avec précision la dernière position connue de l'appareil», détaille le manuel opérationnel.

Les voix de l'exercice : témoignages depuis le terrain

L'exercice «Tamaris 2025» a marqué un temps fort dans le renforcement du dispositif national de recherches et de sauvetage (SAR) du Maroc. Du 16 au 20 juin 2025, l'exercice Tamaris a mobilisé l'ensemble du dispositif SAR marocain au large de Casablanca. Pour les participants, cette simulation grandeur nature révèle toute la complexité de ces opérations vitales. Cet événement aéromaritime conjoint a été orchestré par les Forces Royales Air (FRA) et la Marine Royale (MR), en étroite synergie avec d'autres entités des Forces Armées Royales (FAR) et des départements civils clés. L'ambition principale de «Tamaris-25» était d'optimiser la coordination entre les multiples intervenants pour une mobilisation efficiente des moyens navals, aériens et terrestres, tout en offrant une précieuse opportunité de formation aux équipages spécialisés dans le sauvetage maritime et aérien.

«En tant que pilote, je suis intégré dans un dispositif coordonné où les échanges radio, les procédures d'approche et d'extraction sont harmonisés avec l'ensemble des unités engagées», témoigne le commandant Youness Dannouni, pilote hélicoptère SAR des Forces Royales Air. «Grâce à cet exercice, la synchronisation des moyens navals, aériens et terrestres dans des situations de crise simulées permet de valider les procédures conjointes».

L'exercice a également attiré l'attention internationale. Le commandant Steven Leeuwns, pilote hélicoptère SAR des Forces aériennes belges, venu observer les manœuvres, ne cache pas son admiration : «Tamaris 2025 est une vitrine du professionnalisme et de la préparation des Forces Armées Royales du Maroc. Nous sommes témoins du haut niveau d'interopérabilité des FAR Maroc ainsi que de l'efficience de la coordination entre les différents intervenants, civils et militaires». Pour M. Mohammed Drissi, chef du secrétariat d'État des Pêches maritimes (MRCC), «l'exercice Tamaris 2025 représente bien plus qu'un simple entraînement : il incarne un engagement concret pour la sauvegarde de la vie humaine en mer, dans un cadre de coopération inter-institutions renforcée.»

Mission SAR vue du cockpit : l'art de sauver des vies

Le commandant Abderrahim Behajjaj, officier sécurité des vols de l'Escadre de manœuvres tactiques, livre un témoignage saisissant depuis son poste de pilotage. «Vue du cockpit, une mission SAR est une démonstration d'efficacité, de sang-froid et de maîtrise opérationnelle. Pour les équipages des Forces Royales Air, elle n'est pas qu'un acte technique : elle incarne une responsabilité humaine et nationale».

Les défis sont multiples. «L'environnement d'intervention est souvent complexe, marqué par des conditions météorologiques défavorables, des contraintes techniques, des délais d'intervention très courts», explique-t-il. Les contraintes opérationnelles sont implacables : urgence vitale, prise de décisions critiques en temps réel, matériel adapté, environnement hostile, coordination continue. Le processus d'intervention suit un protocole rigoureux : «Toute mission SAR débute par une alerte, généralement transmise par le RCC. Dès cet instant, la chaîne opérationnelle est enclenchée, même si les premières informations sont souvent incomplètes, approximatives, voire contradictoires».

Les étapes s'enchaînent : réception de l'alerte, briefing des équipages, préparation de l'hélicoptère, décollage vers la zone de détresse, mise à jour des informations en vol, hélitreuillage (opération qui consiste à déplacer une charge accrochée à un hélicoptère avec un treuil) et récupération des victimes, évacuation vers une infrastructure médicalisée, puis débriefing post-mission...

Scénario réel : la disparition simulée du vol Lisbonne-Casablanca

L'exercice Tamaris 2025 a mis en scène un scénario particulièrement réaliste : «La disparition des écrans radar, au large de Casablanca, d'un aéronef de transport de type moyen-courrier, effectuant un vol régulier en régime IFR (Instrument Flight Rules ou Règles de vol aux instruments) entre Lisbonne et Casablanca». (NDLR : un vol régulier en régime IFR est un vol où le pilote utilise les instruments de l'avion comme référence principale pour la navigation et le pilotage, surtout en l'absence de références visuelles extérieures, comme dans des conditions météorologiques difficiles).

Cette simulation a permis de tester l'ensemble de la chaîne SAR. Le déclenchement suit trois phases d'urgence standardisées. D'abord INCERFA (phase d'incertitude) : «Lorsqu'aucune communication n'a pas été reçue d'un aéronef, dans les trente minutes suivant l'heure à laquelle elle était attendue». Puis ALERFA (phase d'alerte) quand «les tentatives de contact avec l'aéronef ou les informations demandées à d'autres sources appropriées restent sans résultats». Enfin DETRESFA (phase de détresse) lorsque «l'aéronef est probablement en détresse».

«Le RCC Casablanca a immédiatement élaboré un plan d'intervention détaillé», est-il expliqué, en détail, dans le dossier du Magazine scientifique «L'Espace marocain». La coordination s'organise sur plusieurs niveaux : conduite et coordination des moyens aériens par le commandant de bord des Forces Royales Air en qualité d'AOC (Air Operation Coordinator), conduite des opérations maritimes par le Centre de coordination et de sauvetage maritime ( MRCC), et coordination sur zone par le commandant de l'Unité combattante de la Marine Royale en qualité d'OSC (On-Scene Coordinator). Les moyens déployés sont impressionnants : avion Defender BN2T pour les recherches visuelles, hélicoptères Super Puma de la Gendarmerie Royale, Puma des FRA, Panther AS565 de la Marine Royale, unités navales et vedettes du département des Pêches maritimes.

Un dispositif qui sauve des vies

L'exercice s'est déroulé en deux étapes principales. D'abord, les «recherches visuelles combinées» avec réalisation de recherches par l'avion Defender BN2T «suivant une méthode de ratissage en lacet». Puis les «opérations de sauvetage» avec décollages successifs des hélicoptères, coordination des opérations de largage et d'hélitreuillage, récupération des figuratifs par les unités d'assistance, prise en charge des naufragés par le Poste médical avancé installé au port militaire, et évacuation des rescapés vers les urgences de l'hôpital Averroès.

«L'exercice SAR “Tamaris 25” s'est déroulé dans les conditions requises de sécurité aérienne et a permis aux différents participants de s'entraîner aux opérations combinées de recherches et de sauvetage dans une ambiance interdépartementale», se félicite le colonel Boukhare. L'objectif était de «consolider la coopération en matière SAR entre les différents partenaires dans le domaine SAR». Le retour d'expérience est unanime. «En conclusion, l'exercice SAR “Tamaris 25” est un exercice d'entraînement aux procédures combinées, des équipages aériens et navals ainsi que des chaînes de commandement à tous les niveaux», résume le dossier des Forces Royales Air.

Cette démonstration illustre parfaitement la philosophie du service SAR marocain : «Le service de recherches et de sauvetage incarne bien plus qu'un dispositif opérationnel. Il constitue un devoir régalien de l'État, inscrit dans des engagements juridiques internationaux». Une mission où «la souveraineté, la solidarité et la sécurité collective» s'allient pour un objectif fondamental : sauver des vies.

L'organisation SAR

BECSAR : Bureau d'études et de coordination SAR, rattaché à la Direction générale de l'aviation civile, définit la stratégie nationale.

RCC Casablanca : Centre de coordination opérationnel principal, fonctionne 24 h/7 j.

Moyens aériens : C130, Casa CN235, Puma SA330, Bell AB205 stationnés en alerte dans les différentes bases.

Coopération internationale : Accords SAR avec l'Espagne (2000), le Portugal, et les pays du Maghreb. Point focal du système COSPAS/SARSAT.

Les chiffres de l’exercice Tamaris 2025

• Durée : 5 jours (16-20 juin 2025).

• Zone d'exercice : au large de Casablanca.

• Participants : Forces Royales Air, Marine Royale, Gendarmerie Royale, Protection civile, Pêches maritimes.

• Observateurs internationaux : Force aérienne Belge.

• Objectif : Tester la coordination inter-institutionnelle et l'interopérabilité des moyens.

La Direction générale de l'aviation civile (BECSAR), pilote du SAR national

Le Bureau d'études et de coordination SAR (BECSAR), institué au sein de la Direction générale de l'aviation civile en vertu du décret N°2-07-151 du 22 chaoual 1432 (21 septembre 2011), est l'organe central du dispositif SAR marocain.

Composition : représentants des Forces Armées Royales (COIA, FRA, GR, MR), du ministère de l'Intérieur (DGSN-DGPC et DGAI), du ministère en charge du sauvetage maritime (DPM) et du ministère en charge de l'aviation civile.

Missions principales :

• Élaboration de propositions en matière d'organisation du service SAR, conformément aux normes internationales.

• Élaboration et diffusion des documentations nationales et procédures opérationnelles SAR.

• Supervision et encadrement du service SAR.

• Identification des moyens de soutien additionnels mobilisables lors d'une opération.

• Veille au maintien des compétences du personnel SAR (formation, entraînement, qualification).

• Promotion de la coopération régionale et internationale.

• Évaluation des exercices SAR.

Rôle stratégique : le BECSAR définit la stratégie nationale en accord avec les autorités gouvernementales chargées de la Défense nationale, de l'Intérieur, des Pêches maritimes et les autres administrations concernées, conformément aux responsabilités du Maroc sur les plans national, régional et international.

Coordination militaire du SAR à travers le Centre Opérationnel Interarmées (COIA)

Le Centre opérationnel interarmées (COIA) est l'organe central de coordination des moyens militaires lors des opérations SAR d'envergure.

Mission principale : Gestion et coordination des moyens organiques des FAR lors d'un sinistre ou d'une catastrophe nécessitant une coordination interarmées.

Organisation hiérarchique :

• Au niveau central : EMG/FAR/COIA.

• Au niveau régional : les commandants des Places d'armes concernés.

• Au niveau local : les commandants des modules terrestres (en liaison avec les commandants ADP) et les commandants des modules maritimes (en liaison avec les commandants des secteurs maritimes).

Principe de délégation : le COIA délègue au RCC/Casablanca la conduite des opérations SAR de routine, sauf en cas d'accident aérien majeur nécessitant une coordination interarmées.

Coordination régionale : le COIA coordonne toutes les actions à entreprendre au niveau régional, en liaison avec les commandants des Places d'armes et les commandants des Secteurs maritimes concernés.

Contribution des composantes :

• Marine Royale et Gendarmerie Royale : moyens aériens et maritimes organiques.

• Forces Royales Air : moyens aériens spécialisés (C130, Casa CN235, Puma SA330, Bell AB205).

• Direction générale de la Protection civile : extinction des incendies, Poste médical avancé, sauvetage des vies humaines en mer au niveau du littoral.
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