À un an et demi de l'échéance électorale de 2026, la fébrilité s'empare déjà des états-majors des formations politiques de la majorité. Au sein même de la coalition gouvernementale, les divergences s'exacerbent et se font jour, sur fond de compétition pour rafler la mise lors du prochain scrutin législatif.
Depuis le début de l'année, les trois principales partis au commande, en l'occurrence le Rassemblement national des indépendants (RNI), le Parti authenticité et modernité (PAM) et l'Istiqlal, multiplient déclarations et sorties médiatiques pour afficher, parfois sans réserve, leurs ambitions de décrocher la première place et, par conséquent, de diriger le prochain gouvernement. Une posture qui détonne avec l'impératif de cohésion et de solidarité qui devrait prévaloir au sein d'une équipe gouvernementale en exercice.Au-delà de la communication politique, le jeu des petites phrases assassines entre dirigeants (mais aussi des figures de proue) de la majorité prend une tournure préoccupante en révélant une rivalité qui contraste avec l’esprit d’équipe qui doit marquer l’action des trois formations. Tour à tour, le RNI, le PAM et l'Istiqlal s'échangent des piques à travers des déclarations de leurs dirigeants ou membres, jetant le trouble sur la cohésion de l’alliance gouvernementale et sa capacité à terminer son mandat dans de bonnes conditions. Il faut reconnaitre que, jusqu’à la fin de l’année 2024, la majorité n’a jamais connu de fissure, malgré les rares sorties incendiaires de certains hommes politiques appartenant au PAM (cas de Hicham Mohajiri) ou à l’Istiqlal (Naam Miara ou Mohamed Modiane).
Face à cette fébrilité qui pourrait à tout moment compromettre la coalition gouvernementale, une réunion de la présidence de la majorité, composée des patrons des trois partis, est très attendue pour mettre les points sur les i et recadrer les troupes qui ont du mal à contenir leur fougue. L'enjeu est de taille : il s'agit de préserver l'unité et l'efficacité de l'action gouvernementale face à la montée des calculs électoralistes à l'approche de l'échéance de 2026.
Passe d'armes entre le RNI et le PAM sur la politique de l'habitat
La politique de l'habitat et de l'urbanisme cristallise une des formes des tensions ayant émergé entre deux poids lourds de la majorité. Tout est parti des critiques acerbes formulées par Mohamed Aujjar, membre du bureau politique du RNI, à l'encontre de la gestion de ce secteur par le PAM. M. Aujjar n'a pas mâché ses mots pour fustiger les «lenteurs» et les «blocages» des Agences urbaines dans l'octroi des autorisations de construire.
Des attaques qui ont fait bondir la direction du PAM, dont la ministre de l'Aménagement du territoire et de l'habitat, Fatima Ezzahra El Mansouri, est coordinatrice de la direction collégiale. Dans un communiqué, le bureau politique du parti du tracteur exprime, de manière indirecte, sa «grande déception» face au «silence» de la direction du RNI devant les propos de M. Aujjar visant un département géré par le PAM. «Au regard des développements politiques et organisationnels émergents, ainsi que d'un certain nombre de changements et transformations sociaux et culturels qui nécessitent une coordination conjointe et une consultation permanente entre les partenaires de la direction collégiale de la majorité, le bureau politique appelle à l’application de la Charte de la majorité, en particulier en termes de respect de la tenue des réunions du Conseil de la présidence pour discuter et interagir immédiatement avec les développements». Et ce n’est pas tout.
Lors d'une rencontre organisée par l'association Fkih Titouani, Mohammed Mehdi Bensaïd, ministre de la Jeunesse, de la culture et de la communication issu du PAM, a attaqué frontalement le patron du RNI et chef de la majorité, Aziz Akhannouch, déclarant : «Nous restons des gens polis, mais si vous nous provoquez, vous nous trouverez sur votre chemin». Une mise en garde sans détour qui illustre l'escalade verbale inédite entre ces deux partis de la coalition gouvernementale.
Des attaques qui ont fait bondir la direction du PAM, dont la ministre de l'Aménagement du territoire et de l'habitat, Fatima Ezzahra El Mansouri, est coordinatrice de la direction collégiale. Dans un communiqué, le bureau politique du parti du tracteur exprime, de manière indirecte, sa «grande déception» face au «silence» de la direction du RNI devant les propos de M. Aujjar visant un département géré par le PAM. «Au regard des développements politiques et organisationnels émergents, ainsi que d'un certain nombre de changements et transformations sociaux et culturels qui nécessitent une coordination conjointe et une consultation permanente entre les partenaires de la direction collégiale de la majorité, le bureau politique appelle à l’application de la Charte de la majorité, en particulier en termes de respect de la tenue des réunions du Conseil de la présidence pour discuter et interagir immédiatement avec les développements». Et ce n’est pas tout.
Lors d'une rencontre organisée par l'association Fkih Titouani, Mohammed Mehdi Bensaïd, ministre de la Jeunesse, de la culture et de la communication issu du PAM, a attaqué frontalement le patron du RNI et chef de la majorité, Aziz Akhannouch, déclarant : «Nous restons des gens polis, mais si vous nous provoquez, vous nous trouverez sur votre chemin». Une mise en garde sans détour qui illustre l'escalade verbale inédite entre ces deux partis de la coalition gouvernementale.
L'Istiqlal monte au créneau sur la question du chômage
Le Parti de l'Istiqlal, pourtant réputé pondéré, a contribué à alourdir le climat au sein de la majorité. Son secrétaire général, Nizar Baraka, a mis les pieds dans le plat en évoquant des «taux de chômage inquiétants» lors d'un meeting célébrant le 81e anniversaire du Manifeste de l'Indépendance. Selon des observateurs, ces propos ont beaucoup déplu aux deux autres composantes de la majorité, le RNI et le PAM.
M. Baraka a notamment pointé du doigt une hausse vertigineuse du chômage des jeunes (39,5%) et des femmes (29,6%), l'érosion de la classe moyenne ou encore la faiblesse de la croissance et la précarité des emplois créés. Les propos de M. Baraka ont d’autant fait mal qu’elles ont mis le doigt sur des dossiers qui ne font pas forcément la fierté du gouvernement Akhannouch.
Cette charge de l'Istiqlal, sans être une attaque frontale contre ses partenaires, sonne néanmoins comme un désaveu de la politique économique et sociale menée par la Coalition aux commandes. Elle illustre surtout, selon des observateurs, la volonté du parti de se démarquer en vue des prochaines élections en endossant un rôle d'aiguillon au sein de la majorité. D’ailleurs, lors de ses derniers meetings à l’occasion des congrès locaux, l’istiqlal a déclaré qu’il en serait certainement le vainqueur.
M. Baraka a notamment pointé du doigt une hausse vertigineuse du chômage des jeunes (39,5%) et des femmes (29,6%), l'érosion de la classe moyenne ou encore la faiblesse de la croissance et la précarité des emplois créés. Les propos de M. Baraka ont d’autant fait mal qu’elles ont mis le doigt sur des dossiers qui ne font pas forcément la fierté du gouvernement Akhannouch.
Cette charge de l'Istiqlal, sans être une attaque frontale contre ses partenaires, sonne néanmoins comme un désaveu de la politique économique et sociale menée par la Coalition aux commandes. Elle illustre surtout, selon des observateurs, la volonté du parti de se démarquer en vue des prochaines élections en endossant un rôle d'aiguillon au sein de la majorité. D’ailleurs, lors de ses derniers meetings à l’occasion des congrès locaux, l’istiqlal a déclaré qu’il en serait certainement le vainqueur.
Le RNI joue l'apaisement et prône l'unité
Face à ces agitations qui traversent la majorité, la direction du RNI s'efforce de calmer le jeu. Lors d’une conférence de presse récente à l’issue du Conseil du gouvernement, Mustapha Baïtas, porte-parole du gouvernement et membre du bureau politique du RNI, a tenté de minimiser l’importance de ces tensions : «Le travail gouvernemental reste cohérent et harmonieux. Les propos de certains ministres reflètent des opinions individuelles, non les positions officielles des partis». M. Baïtas a tenu ainsi à rassurer sur la solidité du bloc gouvernemental, affirmant que la coalition travaille «sous la conduite de S.M. le Roi et la supervision directe du Chef du gouvernement, dans un esprit de coopération et de cohésion». Il a réaffirmé la détermination de l'Exécutif à «accélérer la cadence pour concrétiser les engagements du programme gouvernemental et les orientations Royales».
Tout en minorant les frictions internes, le porte-parole du RNI admet en filigrane l'impératif de recadrage des troupes. C'est tout l'enjeu de la réunion au sommet de la présidence de la majorité qui doit se tenir prochainement afin de faire baisser d'un cran les tensions. Et surtout pour barrer la voie aux adversaires politiques qui peuvent faire de ces mésententes leurs choux gras. En tous cas, le Parti du progrès et du socialisme (PPS) critique déjà la majorité pour son manque de concentration sur les priorités nationales en raison de ses problèmes internes.
Tout en minorant les frictions internes, le porte-parole du RNI admet en filigrane l'impératif de recadrage des troupes. C'est tout l'enjeu de la réunion au sommet de la présidence de la majorité qui doit se tenir prochainement afin de faire baisser d'un cran les tensions. Et surtout pour barrer la voie aux adversaires politiques qui peuvent faire de ces mésententes leurs choux gras. En tous cas, le Parti du progrès et du socialisme (PPS) critique déjà la majorité pour son manque de concentration sur les priorités nationales en raison de ses problèmes internes.
Course effrénée pour décrocher le «gouvernement du Mondial»
La prochaine réunion de la présidence de la majorité s’annonce agitée. Car, au-delà de la nécessaire concorde imposée par l'exercice du pouvoir, l'enjeu est de faire en sorte que les élections de 2026 ne soient pas un facteur de division. Mais ce ne sera pas tâche aisée puisque dirigeants et cadres du RNI, du PAM et de l'Istiqlal ne cachent plus leurs prétentions de remporter le scrutin de 2026 et de former le prochain gouvernement qu’on appelle déjà le «gouvernement du Mondial», et qui attise de ce fait toutes les convoitises. Et pour cause, il aura pour principale mission de gérer le dossier de l'organisation par le Maroc de la Coupe du monde 2030. Une échéance planétaire porteuse d'opportunités en termes de retombées socioéconomiques et d’image et dont tout parti veut tirer les bénéfices. Dans cette course effrénée au leadership, il est difficile de savoir raison garder. Le jeu malsain de la surenchère peut venir à bout de la solidarité gouvernementale.