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Emploi : le gouvernement réajuste ses plans

Alors qu’il entame le dernier tiers de son mandat, le gouvernement veut se ressaisir de la question de l’emploi. Il faut dire que sur registre, le bilan laisse à désirer. Avec un taux d’activité de 43,5% et une dépendance démographique croissante, l’Exécutif se doit de revoir sa politique. Et c’est ce qu’il compte faire à travers un plan ambitieux doté de 15 milliards de DH. Le plan, qui vise à créer 1,45 million d’emplois d’ici 2030 et à ramener le taux de chômage à 9%, mise sur le soutien aux TPME, l’insertion des jeunes, l’extension des terres agricoles et l’emploi féminin. Détails.

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Le Maroc fait face à une équation complexe sur le front de l’emploi. Avec un taux d’activité limité à 43,5% et une dépendance démographique en hausse, chaque actif devait subvenir aux besoins de 2,1 personnes en 2013, contre 2,6 en 2023 ; la pression sur le marché du travail s’intensifie. La crise de la Covid-19 a laissé des cicatrices profondes, amplifiées par des années de sécheresse qui ont frappé de plein fouet l’agriculture, privant des milliers de travailleurs de leur principal moyen de subsistance. Pour tenter d’inverser la tendance, le gouvernement s’est fixé un cap ambitieux : créer 1,45 million d’emplois d’ici 2030 et ramener le taux de chômage à 9%. C’est ce que révèle en tout cas une circulaire, adressée par le Chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, aux membres du gouvernement, le mercredi 26 février 2025. Mais derrière ces objectifs affichés, les défis restent de taille. Entre la fragilité du marché de l’emploi, le manque d’adéquation entre formation et besoins économiques et des secteurs en crise, la mise en œuvre de cette stratégie s’annonce compliquée.

Un financement conséquent

Le plan d’action est adossé à une enveloppe budgétaire de 15 milliards de dirhams prévue dans la loi de Finances 2025. Cette enveloppe sera ventilée comme suit : 12 milliards de dirhams seront alloués aux incitations à l’investissement, 1 milliard de dirhams servira à maintenir les emplois en milieu rural et 2 milliards de dirhams seront consacrés à l’amélioration de l’efficacité des programmes de promotion de l’emploi. Si l’investissement est priorisé, la question de l’impact réel sur les populations les plus vulnérables demeure.

Des initiatives pour dynamiser l’emploi

Afin de stimuler l’emploi et endiguer la montée du chômage, le gouvernement a identifié huit initiatives majeures. Parmi celles-ci, le soutien aux très petites, petites et moyennes entreprises (TPME) occupe une place centrale. Un système d’incitations financières sera déployé pour encourager l’investissement des entreprises dont le chiffre d’affaires est compris entre 1 et 50 millions de dirhams. Ce soutien se traduira par l’application des dispositions du nouveau Mécanisme de soutien aux investissements, qui vise à faciliter le financement et à assurer un meilleur accompagnement des entreprises. En outre, des mesures seront mises en œuvre pour simplifier les procédures administratives et améliorer l’accès aux marchés publics, notamment en instaurant des conditions plus favorables aux TPME dans l’attribution des contrats publics et en renforçant leur capacité à exporter.
Parallèlement, les politiques actives d’emploi seront renforcées pour élargir leur impact, notamment en intégrant les jeunes sans diplôme dans des dispositifs de formation et d’accompagnement. L’objectif fixé est de générer 422.500 postes d’ici 2025 à travers plusieurs programmes. Une réforme clé consiste à raccourcir la durée des contrats d’insertion professionnelle de 24 à 12 mois, afin d’accélérer l’intégration des bénéficiaires dans le marché du travail. Les dispositifs existants, tels que les programmes «Idmaj», «Tahfiz» et «Taehil», seront ajustés pour garantir une meilleure adaptation aux besoins des entreprises et améliorer l’employabilité des jeunes. L’apprentissage en entreprise sera également généralisé et la formation en alternance deviendra un levier clé pour l’acquisition de compétences pratiques.

Dans le secteur agricole, fortement touché par la sécheresse et la perte d’emplois, un plan d’action spécifique sera mis en place pour limiter les effets de cette crise. L’une des mesures phares consiste à étendre les surfaces cultivées en céréales à 4 millions d’hectares, afin d’augmenter la production et de stabiliser l’emploi rural. Par ailleurs, une plateforme numérique sera développée pour mieux coordonner l’offre et la demande de main-d’œuvre agricole, facilitant ainsi l’embauche des travailleurs saisonniers et réduisant les inefficacités du marché du travail dans les zones rurales.

Encourager l’emploi des femmes et réduire le décrochage scolaire

Alors que le taux d’activité des femmes reste parmi les plus bas de la région, avec un taux qui ne dépasse pas 24,7%, leur accès au marché du travail demeure un défi majeur. Pour tenter d’y remédier, le gouvernement mise sur un ensemble de mesures destinées à lever les freins qui empêchent encore trop de Marocaines de travailler. Le transport et la garde d’enfants sont au cœur des préoccupations : en améliorant l’offre de transports adaptés et en renforçant les infrastructures de crèches et d’accueil pour les jeunes enfants, l’exécutif espère favoriser l’insertion professionnelle d’environ 700.000 femmes.
Par ailleurs, le gouvernement mise également sur la lutte contre le décrochage scolaire. Chaque année, des milliers de jeunes quittent l’école sans diplôme ni formation, réduisant ainsi leurs perspectives sur le marché du travail. En 2024, ils étaient 295.000 à abandonner leur parcours scolaire. Le gouvernement vise à ramener ce chiffre à 200.000 d’ici 2026 en misant sur des sessions de rattrapage intensif et en renforçant le dispositif des écoles de la seconde chance. L’objectif affiché est d’accueillir 80.000 jeunes d’ici 2030. Mais ces mesures suffiront-elles à enrayer un phénomène profondément ancré, souvent lié aux conditions socio-économiques des familles et aux inégalités d’accès à une éducation de qualité ?
Pour assurer la mise en œuvre de cette stratégie, le gouvernement a annoncé un dispositif de gouvernance articulé autour de trois niveaux : un comité ministériel présidé par le Chef du gouvernement, une commission de pilotage chargée de veiller à l’exécution des mesures et une unité de collecte de données sur l’emploi. Si cette feuille de route traduit une ambition forte pour le gouvernement et un chantier important pour une jeunesse en quête d’opportunités et un marché du travail en mutation, la réussite de ces mesures dépendra de la capacité du gouvernement à lever les obstacles structurels et à assurer un suivi efficace, compte tenu notamment de la multiplication des acteurs impliqués.
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