Dans un arrêt sans précédent rendu le 15 avril 2025, la Cour de cassation marocaine a franchi un cap juridique majeur en reconnaissant, pour la première fois, le droit d’un enfant né d’un viol de bénéficier d’une indemnité de la part de son géniteur, en dehors de tout lien de filiation légale.
La requête formulée par la mère devant le tribunal de première instance d’Al Hoceima a été rejetée au motif que l’enfant n’est pas juridiquement affilié à l’auteur du viol, la filiation naturelle n’étant pas établie. La Cour d’appel a confirmé ce jugement, privant ainsi l’enfant de toute prestation alimentaire.
Mais la Cour de cassation, saisie d’un pourvoi par la défense, a estimé que ce raisonnement ne saurait faire obstacle au droit à indemnisation de l’enfant, victime indirecte d’un délit civilement fautif. Elle a cassé l’arrêt d’appel et ordonné le renvoi de l’affaire devant la Cour d’appel de Fès, assorti de la réalisation d’une expertise génétique.
Si l’arrêt ne modifie pas directement le cadre législatif, il infléchit de manière significative la jurisprudence, en invitant les juridictions du fond à une lecture dynamique et protectrice des droits fondamentaux.
Dans le cas d’espèce, la Cour de cassation a écarté le terrain du droit de la famille (où seule une reconnaissance légale fonde la filiation) pour inscrire la demande dans le champ du droit civil commun. Ce faisant, elle permet à l’enfant, en tant que tiers victime d’un acte délictueux, de réclamer une compensation financière proportionnée à ses besoins. Il ne s’agit donc pas de lui reconnaître un père au sens juridique du terme, mais de faire valoir son droit à vivre dans la dignité, aux frais de celui qui a contribué à sa naissance par un acte criminel.
Une affaire aux contours inédits
Tout part d’un fait criminel : le viol d’une jeune femme handicapée ayant conduit à une grossesse non désirée. L’auteur de l’infraction, reconnu coupable et condamné à un an de prison ferme, s’est vu poursuivi en parallèle devant le juge civil pour obtenir une contribution financière à l’entretien de l’enfant né de cette agression.La requête formulée par la mère devant le tribunal de première instance d’Al Hoceima a été rejetée au motif que l’enfant n’est pas juridiquement affilié à l’auteur du viol, la filiation naturelle n’étant pas établie. La Cour d’appel a confirmé ce jugement, privant ainsi l’enfant de toute prestation alimentaire.
Mais la Cour de cassation, saisie d’un pourvoi par la défense, a estimé que ce raisonnement ne saurait faire obstacle au droit à indemnisation de l’enfant, victime indirecte d’un délit civilement fautif. Elle a cassé l’arrêt d’appel et ordonné le renvoi de l’affaire devant la Cour d’appel de Fès, assorti de la réalisation d’une expertise génétique.
Les apports de la Cour de cassation
Dans sa motivation, la haute juridiction précise plusieurs points fondamentaux :- La compétence du juge civil pour requalifier la demande : la Cour rappelle que le juge n’est pas lié par la qualification juridique donnée par les parties et peut redéfinir le cadre juridique d’un litige. En l’occurrence, il s’agissait non d’une action en filiation, mais d’une demande fondée sur la responsabilité délictuelle (article 77 et suivants du Dahir des obligations et contrats).
- La condamnation pénale du géniteur ne fait pas obstacle à l’action civile : la Cour énonce que le fait générateur du dommage – ici, le viol ayant conduit à une naissance – ouvre droit à indemnisation, indépendamment du statut juridique du lien de filiation.
- Le droit de l’enfant à réparation : la Cour insiste sur le fait que le préjudice subi par l’enfant est réel, actuel et certain. Il se manifeste dans les charges de la vie courante – alimentation, logement, santé, éducation – et s’inscrit dans la durée.
- L’enfant ne peut être tenu responsable des circonstances de sa naissance : en vertu du principe de non-discrimination et de l’intérêt supérieur de l’enfant, ce dernier ne saurait être privé de droits patrimoniaux à raison d’une naissance hors mariage.
Si l’arrêt ne modifie pas directement le cadre législatif, il infléchit de manière significative la jurisprudence, en invitant les juridictions du fond à une lecture dynamique et protectrice des droits fondamentaux.
Vers une refonte du traitement juridique des naissances hors mariage ?
Ce revirement intervient dans un contexte où les revendications sociétales autour de la condition des enfants nés hors mariage gagnent en visibilité. Plusieurs associations de défense des droits humains plaident pour un élargissement des mécanismes de protection et de reconnaissance, en particulier lorsque ces enfants sont issus d’actes criminels. La décision de la Cour de cassation pourrait ainsi servir de levier dans le débat sur la révision du Code de la famille. Elle montre qu’au-delà des textes, une interprétation constitutionnelle des droits peut permettre de renforcer les mécanismes d’équité et de justice sociale.Responsabilité délictuelle et filiation hors mariage
Le Dahir des obligations et contrats (DOC) marocain prévoit, à son article 77, que « toute personne est responsable du dommage causé par son fait, par sa négligence ou par son imprudence ». Lorsqu’un acte illicite (tel qu’un viol) provoque un préjudice, l’auteur peut être civilement tenu à réparation, même en l’absence de lien contractuel ou de lien de filiation reconnu.Dans le cas d’espèce, la Cour de cassation a écarté le terrain du droit de la famille (où seule une reconnaissance légale fonde la filiation) pour inscrire la demande dans le champ du droit civil commun. Ce faisant, elle permet à l’enfant, en tant que tiers victime d’un acte délictueux, de réclamer une compensation financière proportionnée à ses besoins. Il ne s’agit donc pas de lui reconnaître un père au sens juridique du terme, mais de faire valoir son droit à vivre dans la dignité, aux frais de celui qui a contribué à sa naissance par un acte criminel.