Menu
Search
Vendredi 18 Avril 2025
S'abonner
close
Vendredi 18 Avril 2025
Menu
Search

Démolitions et expropriations à Rabat : les partis de l’opposition se mobilisent

La sortie médiatique, vendredi dernier, de la maire de Rabat, Fatiha El Moudni, au sujet du nouveau plan d’aménagement de la capitale, n’a pas dissipé les craintes des habitants des quartiers concernés par les opérations de démolition-expulsion. Ces derniers, appuyés par des partis d’opposition, dénoncent toujours un manque de transparence et des irrégularités. Alors que le PPS et le PJD montent au créneau pour exiger des clarifications, la Fédération de la gauche démocratique, elle, accuse carrément la mairie vouloir «débarrasser» la capitale des classes populaires. Défense des intérêts des populations ou récupération politique du dossier? difficile de répondre, tellement la ligne de démarcation entre les deux est ténue.

Le PPS a promis de défendre les intérêts des populations au sein du Parlement.
Le PPS a promis de défendre les intérêts des populations au sein du Parlement.
Décidément, la conférence de presse tenue vendredi dernier par la maire de Rabat, Fatiha El Moudni, pour lever les ambiguïtés et dissiper les malentendus autour du nouveau plan d’aménagement de la capitale n’a pas suffi à apaiser les esprits. Loin de calmer les tensions, les explications de Mme El Moudni ont suscité de nombreuses réactions, aussi bien de la part des habitants concernés par les démolitions-expulsions que des partis de l’opposition. Alors que ces derniers s’érigent en défenseurs des intérêts et des droits des populations, la majorité au conseil de la commune dénonce une récupération politique de ce dossier à des fins électorales.

Le PPS mobilisé au Parlement

Dans ce cadre, le Parti du progrès et du socialisme (PPS) n’a pas tardé ainsi à afficher son soutien aux habitants affectés, affirmant sa volonté de rester mobilisé par le biais de son groupe parlementaire pour faire entendre leur voix. Lors d’une rencontre organisée lundi par la commission des affaires urbaines et territoriales du parti, le secrétaire général, Nabil Benabdallah, a réaffirmé que le PPS userait de tous les outils parlementaires à sa disposition pour exiger une transparence totale sur ce dossier sensible.



«De nombreuses familles vivent aujourd’hui dans la détresse», a-t-il souligné, tout en reconnaissant que certaines ont bénéficié d’un dédommagement satisfaisant. M. Benabdallah a toutefois insisté sur la nécessité d’un traitement équitable pour éviter toute injustice. «Nous ne cherchons pas à envenimer la situation ni à exploiter cette affaire à des fins politiques, mais à comprendre et proposer des solutions», a-t-il ajouté, réfutant toute arrière-pensée politicienne. Selon lui, la modernisation urbaine de Rabat ne saurait se faire au détriment des habitants, et l’État doit assurer un recensement rigoureux des personnes concernées afin d’éviter toute injustice sociale.

Le PJD fustige un manque de transparence

De son côté, le Parti de la justice et du développement (PJD) a vivement critiqué la gestion de la communication autour nouveau plan d’aménagement de la capitale. Abdessamad Abou Zahir, secrétaire régional du parti à Rabat, a dénoncé une conférence de presse (celle animée par la maire vendredi dernier, NDLR) tenue dans un cadre restreint, avec un accès limité aux représentants de la société civile et aux acteurs concernés. «Une telle opacité ne favorise pas une relation de confiance avec les citoyens», a-t-il affirmé dans une déclaration accordée au site du parti hier (lundi). Le PJD a également regretté l’absence de documents officiels venant étayer les déclarations de la maire. «Il est impératif que la maire de Rabat assume ses responsabilités et publie l’ensemble des données relatives à ce projet», a martelé M. Abou Zahir, insistant sur l’attente persistante des citoyens quant aux clarifications sur les décisions de démolition et les solutions de relogement envisagées.

Dans un communiqué publié samedi au lendemain de la conférence, le PJD a dénoncé des «violations juridiques et des atteintes aux droits des habitants», affirmant que certaines démolitions ont été menées sans notification administrative écrite ni cadre légal clair. «Le secrétariat régional du PJD à Rabat exprime son soutien aux droits légitimes des habitants des quartiers concernés par les démolitions, qu’ils soient propriétaires, locataires ou artisans. Le parti tient à préciser que ses conseillers communaux n’ont procédé à aucun vote en faveur des décisions de démolition, contrairement à ce qui a été propagé», souligne le communiqué. Selon le PJD, ces opérations bafouent l’article 35 de la Constitution, qui garantit la protection de la propriété privée.

Le FGD charge la maire

Pour sa part, la Fédération de la gauche démocratique (FGD) a eu la dent plus dure. Dimanche, Omar Hiyani, conseiller communal du parti, a dénoncé dans un post Facebook une «mise en scène maladroite», faisant allusion à la conférence de presse de la maire. Selon lui, cet exercice de communication n’a été qu’une tentative de diversion visant à occulter les véritables enjeux du plan d’aménagement. «Le Conseil communal a donné à voir une pièce de théâtre mal orchestrée, qui ne change rien au fond du problème», a-t-il écrit. Il a pointé du doigt l’absence d’un décret d’expropriation justifiant ces démolitions et critiqué la vente à l’amiable des terrains, une procédure qui, selon lui, ne protège en rien les locataires.

Le conseiller de gauche a également accusé la mairie de mener une stratégie d’«embourgeoisement», visant à déplacer les classes populaires hors du centre de Rabat au profit de projets immobiliers de prestige. Il cite en exemple les habitants de Douar El Graa, qui réclament leur relogement sur place depuis des années, en vain. «Le projet en cours vise à transformer Rabat en une vitrine aseptisée, en chassant ses habitants historiques», a-t-il conclu.

La maire peine à convaincre une opposition frondeuse

Fatiha El Moudni, maire de Rabat, avait souligné lors d’une conférence de presse organisée vendredi dernier que toutes les procédures avaient été menées dans le respect de la légalité. Elle a nié toute expropriation abusive, affirmant que les transactions immobilières s’étaient faites de manière contractuelle et volontaire. Elle a également rejeté les accusations de manque de transparence, rappelant que l’enquête publique s’était déroulée sur une période de 60 jours et que les concertations avaient été menées avec les acteurs concernés. «Rabat se prépare à accueillir des événements de grande envergure, et le Conseil municipal poursuivra les projets qui répondent aux attentes des citoyens», avait-t-elle déclaré.

Mais les réactions des différentes formations politiques de l’opposition et d’une partie des habitants montrent que le débat autour du plan d’aménagement de Rabat est loin d’être clos. Entre critiques sur le manque de transparence, inquiétudes quant au sort des habitants et dénonciation de méthodes jugées expéditives, l’affaire continue de faire des vagues. Si la majorité communale maintient sa ligne, la pression exercée par l’opposition et la société civile pourrait bien l’obliger à revoir sa communication et, peut-être, certaines de ses décisions.
Lisez nos e-Papers