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9e Forum sur la coopération sino-africaine : les enjeux pour le Maroc et l'Afrique

Le Maroc est appelé à jouer un rôle déterminant lors de la neuvième édition du Forum sur la coopération sino-africaine (FOCAC), qui se tiendra à Pékin du 4 au 6 septembre 2024. Cet événement stratégique, réunissant dirigeants africains et chinois, offre au Royaume une occasion précieuse de renforcer ses relations économiques avec la Chine et d'affirmer son rôle central dans la dynamique de coopération entre les deux continents. Grâce à cette participation, le Maroc vise à consolider son statut de partenaire clé en Afrique tout en abordant les défis économiques et commerciaux inhérents à sa relation avec Pékin. Talal Cherkaoui, professeur des sciences économiques, sociales et politiques à l’Université Mohammed V de Rabat, fait le point sur les enjeux de cet événement pour le Maroc.

Ph. AFP
Ph. AFP
C'est un signe qui ne trompe pas. La visite préparatoire effectuée en juillet dernier par l'envoyé spécial du gouvernement chinois au Maroc traduit à n'en pas douter une reconnaissance claire de la place du Royaume dans la coopération sino-africaine. L’émissaire chinois avait en effet affirmé que la Chine comptait sur le Maroc pour une participation active de Rabat à la neuvième édition du Forum sur la coopération sino-africaine (FOCAC), qui se tiendra à Pékin du 4 au 6 septembre courant. Mettant en avant l'importance cruciale du partenariat entre les deux pays, le haut responsable chinois n'a pas caché le souhait de son pays de mettre à profit le leadership continental du Royaume pour la réussite de ce grand rendez-vous. De son côté, le Maroc voit dans ce forum une occasion unique de renforcer son rôle en tant qu'acteur régional majeur et en tant qu'interlocuteur privilégié de Pékin qui cherche à renforcer son partenariat avec les pays africains.

En effet, pour le Royaume, le FOCAC représente bien plus qu'un simple événement diplomatique. C’est une opportunité stratégique pour approfondir les liens économiques avec la Chine. «Nous assistons depuis quelques années à une progression significative des échanges commerciaux entre le Maroc et la Chine, avec un volume atteignant 7,4 milliards de dollars en 2023. Toutefois, notre objectif est de diversifier ces relations en augmentant les investissements chinois au Maroc et en nous positionnant comme une porte d’entrée vers le marché africain», explique Dr Talal Cherkaoui, professeur des sciences économiques, sociales et politiques à l'Université Mohammed V de Rabat et ancien économiste à Bank Al-Maghrib.



Le Forum constituerait également une occasion propice pour le Maroc d’aborder le déséquilibre commercial avec la Chine, dont le déficit a dépassé environ 70 milliards de dirhams en 2023. Dans un contexte où la Chine est le premier partenaire commercial du continent africain, avec des échanges surpassant les 263,3 milliards de dollars, le Maroc devra naviguer habilement entre les ambitions chinoises en matière de développement et d'influence à travers divers investissements et projets d'infrastructure. La participation active du Maroc et son rôle de leadership en Afrique lors du Forum sino-africain seront ainsi essentiels pour maximiser les avantages de cette coopération, tout en veillant à une transparence et une réciprocité conformes aux attentes croissantes des citoyens et des investisseurs.

Toutefois, il est à noter que le Forum pourrait être influencé par des manœuvres de l’Algérie, qui pourrait tenter d'imposer la présence du polisario, comme ce fut le cas lors du sommet de la Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l'Afrique (TICAD). M. Cherkaoui exprime toutefois des doutes quant à la réussite de telles tentatives, soulignant que la Chine, ainsi que d'autres puissances telles que la Russie, l'Inde et les États-Unis, ont déjà exprimé leur refus d'accueillir les représentant de l'entité fantoche lors d'événements d'envergure.

Talal Cherkaoui.

Le Matin : Le Maroc participe à la neuvième édition du Forum sur la coopération sino-africaine qui se déroulera du 4 au 6 septembre prochain. Quelle est l'importance de cet événement pour le Maroc et quels sont les grands enjeux y afférents ?

Talal Cherkaoui : La participation du Maroc à la neuvième édition du FOCAC, qui se tiendra à Pékin du 4 au 6 septembre 2024, représente une opportunité stratégique majeure pour le Royaume. En effet, alors que le commerce sino-marocain a progressé de manière significative, avec un volume d'échanges atteignant 7,4 milliards de dollars en 2023, le Maroc aspire à renforcer davantage ses relations économiques avec la Chine, tout en équilibrant son déficit commercial avec ce partenaire. Le Royaume souhaite non seulement augmenter les investissements chinois, mais aussi se positionner comme un hub régional pour les investisseurs chinois, notamment en tirant parti des accords de libre-échange qui ouvrent l'accès à un marché de 2,4 milliards de consommateurs. Cette démarche s'inscrit dans une volonté de capitaliser sur le dynamisme des relations bilatérales et d'exploiter les opportunités offertes par la Zone de libre-échange continentale africaine.

Les enjeux pour le Maroc au FOCAC sont multiples. D'une part, le Forum offre une plateforme pour renforcer son rôle de porte d'entrée en Afrique et, d'autre part, il permet d’aborder les préoccupations liées à l'équilibre commercial avec la Chine, dont le déficit dépasse environ les 70 milliards de dirhams en 2023. En parallèle, le Maroc doit naviguer dans un contexte où la Chine, en tant que premier partenaire commercial du continent africain avec un volume d'échanges supérieur à 263,3 milliards de dollars, poursuit des objectifs ambitieux de développement et d'influence à travers des investissements et des projets d'infrastructure. La participation active du Maroc, saluée par Pékin, et sa contribution au leadership africain durant le Forum seront cruciales pour maximiser les bénéfices de cette coopération, tout en garantissant une transparence et une réciprocité qui répondent aux attentes croissantes des citoyens et des investisseurs.

En visite au Maroc dans le cadre des préparatifs pour la tenue de ce Forum, l’envoyé du gouvernement chinois a souligné que Pékin comptait sur la participation active du Royaume à ce Forum et son leadership en Afrique pour la réussite de cet important événement. Qu’est-ce que le Maroc pourrait apporter à travers sa participation, selon vous ?

La participation active du Maroc au Forum sur la coopération sino-africaine pourrait apporter une contribution significative, notamment grâce à son rôle de leader en Afrique et son engagement en faveur de la paix, de la stabilité, et du développement multidimensionnel du continent. Sous la conduite éclairée de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, le Maroc a développé une coopération solide avec de nombreux pays africains, à travers des initiatives telles que la promotion de la durabilité, la sécurité alimentaire et l'adaptation au changement climatique. Cette expérience et cette vision pourraient enrichir les discussions au Forum et inspirer de nouvelles collaborations entre la Chine, le Maroc et les autres pays africains, en favorisant une approche Sud-Sud «triplement gagnante» qui soutienne le développement global de l'Afrique.

En outre, la position stratégique du Maroc et son partenariat renforcé avec la Chine, notamment dans le cadre de l'initiative «la Ceinture et la Route», témoignent de la capacité du Royaume à jouer un rôle clé dans l'élaboration et la mise en œuvre de projets structurants à l'échelle continentale. Le succès de ces initiatives dépendra de la capacité des pays africains à s'approprier ces projets et à les adapter à leurs besoins spécifiques, tout en profitant de l'expertise marocaine en matière de développement durable et de coopération régionale. Le Maroc, en tant que pionnier de ces approches, pourrait donc non seulement contribuer au succès du Forum, mais aussi influencer positivement l'orientation des futures relations sino-africaines, en mettant l'accent sur la durabilité et l'inclusion.

Nous assistons ces derniers mois à une hausse spectaculaire des projets chinois au Maroc, notamment dans l’industrie automobile. Comment expliquez-vous cet intérêt ? quels atouts offre le Maroc ?

Les relations sino-marocaines connaissent une intensification notable, particulièrement dans le secteur industriel, illustrée par l'implantation récente d'une usine de batteries pour voitures électriques au Maroc. Ce dynamisme s'explique par plusieurs atouts que le Royaume offre, renforçant ainsi son attractivité aux yeux des investisseurs chinois. D'une part, l'engagement du Maroc dans l'Initiative «Belt and Road» a consolidé son rôle de hub stratégique entre l'Afrique et l'Europe, offrant un accès privilégié à deux marchés majeurs. De plus, les investissements chinois, dépassant les 56 millions de dollars en 2022, se concentrent dans des secteurs clés tels que l'industrie et l'énergie, témoignant de la confiance en la stabilité et la croissance économique du Maroc.

D'autre part, les avantages que le Maroc offre sont multiples et significatifs. Le pays bénéficie d'une localisation géographique avantageuse, d'infrastructures compétitives et de politiques incitatives attractives, telles que des zones franches et des accords de libre-échange étendus. Ces éléments, combinés à une politique de diversification économique agressive visant l'industrialisation et l'innovation, créent un environnement favorable qui attire les investissements chinois. En particulier, l'industrie automobile bénéficie de cette dynamique, où des sociétés telles que Citic Dicastal et Sentury Tire ont réalisé des investissements significatifs, renforçant le Maroc comme un acteur clé dans l'industrie des batteries pour véhicules électriques en Afrique.

Faut-il s’attendre lors du Forum sur la coopération sino-africaine à des manœuvres algériennes à l’image de celle menée lors de la dernière TICAD ?

Il est fort probable que l'Algérie, lors du prochain Forum sur la coopération sino-africaine, réitère les manœuvres qu'elle a entreprises lors du dernier sommet de la TICAD, cherchant à imposer la présence du polisario malgré l'opposition des principales puissances internationales, y compris la Chine. Cette démarche semble être devenue une constante de la diplomatie algérienne, qui tente de contourner l'isolement croissant du Polisario en Afrique en essayant de lui obtenir un siège dans ces forums de coopération. Cependant, tout comme ce fut le cas lors du sommet de la TICAD, il est fort probable que la tentative algérienne soit vouée à l'échec. La Chine, tout comme d'autres puissances telles que la Russie, l'Inde et les États-Unis, a déjà exprimé son refus d'accueillir le polisario, un refus qui s'étend également à ce Forum sino-africain.

Ce schéma d'échec répété souligne non seulement l'inefficacité de la stratégie algérienne, mais également la frustration croissante d'Alger face à l'exclusion systématique du polisario de ces sommets internationaux. En dépit de l'entêtement algérien, la position des grandes puissances, qui voient dans le Polisario une entité non représentative et source de division, reste ferme. En conséquence, on peut raisonnablement s'attendre à ce que les efforts de l'Algérie pour infiltrer ce sommet soient une nouvelle fois infructueux, renforçant ainsi l'isolement du polisario sur la scène internationale.

Pourquoi la Chine s’intéresse-t-elle tant au développement de l’Afrique ? Comment faire selon vous pour que l’Afrique tire le meilleur parti de ce partenariat ?

L'intérêt marqué de la Chine pour le développement de l'Afrique s'explique par plusieurs facteurs stratégiques, économiques et diplomatiques. Depuis les années 2000, Pékin a consolidé sa présence sur le continent africain en investissant massivement dans des infrastructures, telles que des routes, des chemins de fer et des ports. Avec des investissements atteignant plusieurs milliards de dollars chaque année, la Chine est devenue le principal partenaire commercial de l'Afrique, avec des échanges commerciaux qui ont atteint 167,8 milliards de dollars au premier semestre de 2024. L'Afrique représente également une région clé pour la sécurisation des approvisionnements chinois en ressources naturelles, d'où l'implication de la Chine dans des projets variés allant de l'exploitation minière à la construction de centrales hydroélectriques. De plus, l'Afrique joue un rôle central dans l'initiative des «Nouvelles Routes de la Soie», visant à renforcer la connectivité commerciale de la Chine avec le monde entier.

Pour que l'Afrique tire pleinement parti de ce partenariat, il est crucial que ses dirigeants négocient des conditions de coopération plus avantageuses, qui ne se limitent pas à des prêts massifs susceptibles de devenir un fardeau pour les pays bénéficiaires. Au lieu de cela, les pays africains devraient se concentrer sur des projets qui favorisent la diversification économique, la modernisation des structures industrielles et le transfert de technologies. Les investissements chinois, de plus en plus diversifiés, couvrent désormais des secteurs tels que la transformation, la fabrication, l'économie numérique et le développement vert. Cependant, il est essentiel que ces projets s'alignent sur les priorités de développement du continent, notamment celles de l'Agenda 2063 de l'Union africaine. En outre, pour assurer une coopération mutuellement bénéfique, il est crucial de renforcer la transparence et la gouvernance autour des projets financés par la Chine, afin d'éviter l'endettement excessif et les impacts environnementaux et sociaux négatifs.
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