Dès l’entame du débat, Driss Azami a fustigé le bilan du gouvernement, dénonçant le retard accusé dans la mise en œuvre des promesses électorales. Selon lui, en trois ans et demi, seuls deux des dix engagements majeurs de l’exécutif ont connu un début de concrétisation : le chantier de la protection sociale, encore loin d’être achevé, et la généralisation de l’enseignement préscolaire, dont la couverture dépasse les 80%, mais reste en deçà de l’objectif initial. Pour le reste, le constat est sans appel, martèle M. Azami : le 1 million d’emploi promis n’a pas été créé, la croissance reste sous la barre des 4%, et le taux d’activité des femmes stagne dangereusement à 19%, rendant illusoire l’objectif gouvernemental d’atteindre 30%.
Le slogan de «l’État social», omniprésent dans le discours officiel, est également mis à mal par une succession de crises sectorielles selon M. Azami. Le domaine de la santé a été marqué par des grèves à répétition et une crise dans les Facultés de médecine, nécessitant un remaniement ministériel en urgence. L’éducation, elle, a connu la plus longue grève des enseignants de l’histoire récente, s’étendant sur cinq mois avant une intervention tardive de l’Exécutif.
Sur le volet de l’emploi, il s’est appuyé sur les chiffres du Haut-Commissariat au Plan, soulignant la création de 364.000 emplois rémunérés entre 2021 et 2024. Toutefois, ce chiffre est à relativiser, car compensé par la disparition d’emplois non rémunérés, accentuant la précarité du marché du travail. Quant à l’objectif d’un million d’emplois, Mezzour reste prudent, conditionnant sa réalisation à une amélioration des facteurs économiques et climatiques. Il réfute par ailleurs toute responsabilité gouvernementale dans la destruction d’emplois, évoquant l’impact de la sécheresse et des turbulences économiques mondiales.
Mais pour l’ancien ministre chargé du Budget, les mesures gouvernementales restent inadaptées. Il critique notamment l’exonération de TVA et la suspension des droits de douane sur l’importation de viande, jugeant que ces décisions ont profité aux importateurs et commerçants sans bénéfice réel pour le consommateur. «L’histoire économique nous enseigne que toute baisse de taxes bénéficie aux intermédiaires, rarement au citoyen», a-t-il asséné.
Autre point de friction : la chute brutale du cheptel national, passé de 27,8 millions de têtes en 2022 à seulement 15 millions selon le Haut-Commissariat au Plan. Une hémorragie sans précédent, symptomatique, selon M. Azami, d’une mauvaise gestion gouvernementale. Il dénonce à cet égard un manque de vision stratégique et critique les «cadeaux fiscaux» accordés aux importateurs plutôt qu’un investissement dans la reconstitution du cheptel. M. Mezzour, lui, défend la politique gouvernementale, estimant que sans ces exonérations, le prix de la viande aurait atteint des sommets inabordables pour les ménages. «Aujourd’hui, la viande importée en carcasse arrive à 70 dirhams le kilo. Si nous avions maintenu les droits de douane à 200% et la TVA, elle serait montée à 200 dirhams», a-t-il expliqué. Toutefois, il concède que la mesure n’a pas eu l’effet escompté par les citoyens. Le ministre a également évoqué les autres mesures déjà lancées pour soutenir les éleveurs et reconstituer le cheptel.
Ryad Mezzour a balayé ces accusations, affirmant que le Conseil de la concurrence avait relevé une entente sur le marché et avait pris les mesures disciplinaires nécessaires, réfutant tout lien direct entre ces soupçons et l’inflation. «Si l’on suit cette logique, alors les pays où les conflits d’intérêts sont moindres devraient connaître une inflation plus faible, ce qui n’est pas le cas», a-t-il argumenté, défendant la gestion gouvernementale de l’inflation dans un contexte mondial difficile. «Je pense que le Maroc n’a pas été un mauvais élève en matière de contrôle de l’inflation, du moins durant cette période d’inflation mondiale, malgré les soupçons de conflit d’intérêt», souligne-t-il.
M. Mezzour, de son côté, a renvoyé la balle au PJD, accusant l’ancien gouvernement dirigé par son parti d’avoir réalisé seulement 50% des barrages prévus, compromettant ainsi la constitution de réserves stratégiques. Il reconnaît cependant que la solution ne résidait pas uniquement dans les barrages, car il fallait développer les stations de dessalement, à l’image de celle de Casablanca, dont la capacité initiale devait atteindre 200 millions de mètres cubes par an. Mais le retard accumulé dans sa mise en œuvre (qui devait se faire en 2016) a privé le Royaume d’un atout stratégique pour sa sécurité hydrique.
En définitive, ce duel télévisé a exposé les lignes de fracture entre une opposition offensive et un gouvernement qui peine à rassurer. À moins de deux années des prochaines élections générales, l’Exécutif se doit de mettre les bouchées doubles pour répondre aux attentes pressantes des citoyens. Faute de quoi, il aura un bilan maigre à mettre en avant, ce qui ne risque pas de le favoriser face au verdict des urnes.
M. Mezzour a balayé d’un revers de la main les accusations du parti islamiste, qui affirme que le consortium composé de Afriquia Gaz – qui appartient au Chef de gouvernement – Acciona et Green of Africa aurait profité d’un dispositif de soutien financier dans le cadre de la Charte de l’investissement. M. Mezzour a affirmé que la commission en charge du dossier avait décidé que ce projet ne bénéficierait d’aucune aide financière. Il a également défendu l’intégrité du processus d’attribution, assurant que toutes les procédures s’étaient déroulées dans des conditions rigoureusement transparentes. «Le gouvernement ne voit aucune irrégularité dans l’attribution de ce marché», a-t-il déclaré, ajoutant que si un manquement venait à être constaté, il serait mis en lumière et des mesures appropriées seraient prises en conséquence. Il a par ailleurs rappelé que le Maroc est un pays démocratique, où l’opposition a le droit de critiquer, tout en soulignant l’existence d’institutions chargées d’enquêter sur ce type d’affaires. «J’ai confiance en ces institutions», a-t-il insisté.
Concernant l’accusation selon laquelle Aziz Akhannouch aurait remporté le marché grâce à un prix compétitif de 4,5 dirhams le mètre cube dessalé, en raison de sa connaissance préalable d’une exonération fiscale prévue de 20% sur l’impôt sur la société, Ryad Mezzour a démenti en bloc, affirmant que ce projet ne bénéficierait pas d’un tel abattement.
Driss Azami Idrissi a pour sa part réitéré les soupçons de conflit d’intérêts entourant l’attribution du projet. Selon lui, Aziz Akhannouch cumule plusieurs casquettes : co-entrepreneur dans le projet, mais aussi président du conseil d’administration de l’Office national de l’électricité et de l’eau potable (ONEE), l’entité initiatrice du projet et seule habilitée à demander une procédure négociée. Or ce type de procédure, exceptionnelle par nature, ne peut être activé qu’en présence de motifs spécifiques. Le Chef du gouvernement préside également la Commission nationale du partenariat public-privé, qui statue sur ces mêmes procédures, ainsi que la Commission de la Charte de l’investissement, chargée d’apporter un soutien aux projets stratégiques. Une concentration de pouvoirs qui, selon l’opposition, brouille la frontière entre intérêts publics et privés, alimentant ainsi les suspicions.
Si la réponse du gouvernement vise à clore la controverse, elle ne semble pas avoir convaincu l’opposition, qui maintient ses accusations. Le débat autour de ce projet stratégique pourrait ainsi se poursuivre dans l’arène politique et institutionnelle, sous l’œil attentif de l’opinion publique.
Le slogan de «l’État social», omniprésent dans le discours officiel, est également mis à mal par une succession de crises sectorielles selon M. Azami. Le domaine de la santé a été marqué par des grèves à répétition et une crise dans les Facultés de médecine, nécessitant un remaniement ministériel en urgence. L’éducation, elle, a connu la plus longue grève des enseignants de l’histoire récente, s’étendant sur cinq mois avant une intervention tardive de l’Exécutif.
Le gouvernement sur la défensive
Face à ces attaques, Ryad Mezzour a tenté de déconstruire les critiques de l’opposition, affirmant que les dix engagements étaient en cours d’exécution et qu’il était prématuré d’en dresser un bilan définitif. Concernant l’éducation, il a admis des dysfonctionnements, mais a mis en avant des initiatives telles que le programme Teaching at the Right Level (TARL), dont les premiers résultats seraient encourageants.Sur le volet de l’emploi, il s’est appuyé sur les chiffres du Haut-Commissariat au Plan, soulignant la création de 364.000 emplois rémunérés entre 2021 et 2024. Toutefois, ce chiffre est à relativiser, car compensé par la disparition d’emplois non rémunérés, accentuant la précarité du marché du travail. Quant à l’objectif d’un million d’emplois, Mezzour reste prudent, conditionnant sa réalisation à une amélioration des facteurs économiques et climatiques. Il réfute par ailleurs toute responsabilité gouvernementale dans la destruction d’emplois, évoquant l’impact de la sécheresse et des turbulences économiques mondiales.
Viande rouge : le pourquoi du comment
Le débat s’est ensuite focalisé sur la flambée des prix de la viande rouge, un sujet de crispation majeure. Ryad Mezzour a tenté de rassurer en affirmant que le gouvernement disposait de tous les leviers pour éviter une manipulation des prix. «En aucun cas, 18 importateurs ne peuvent prendre en otage 37 millions de Marocains», a-t-il martelé, répondant aux inquiétudes de M. Azami sur une concentration du marché.Mais pour l’ancien ministre chargé du Budget, les mesures gouvernementales restent inadaptées. Il critique notamment l’exonération de TVA et la suspension des droits de douane sur l’importation de viande, jugeant que ces décisions ont profité aux importateurs et commerçants sans bénéfice réel pour le consommateur. «L’histoire économique nous enseigne que toute baisse de taxes bénéficie aux intermédiaires, rarement au citoyen», a-t-il asséné.
Autre point de friction : la chute brutale du cheptel national, passé de 27,8 millions de têtes en 2022 à seulement 15 millions selon le Haut-Commissariat au Plan. Une hémorragie sans précédent, symptomatique, selon M. Azami, d’une mauvaise gestion gouvernementale. Il dénonce à cet égard un manque de vision stratégique et critique les «cadeaux fiscaux» accordés aux importateurs plutôt qu’un investissement dans la reconstitution du cheptel. M. Mezzour, lui, défend la politique gouvernementale, estimant que sans ces exonérations, le prix de la viande aurait atteint des sommets inabordables pour les ménages. «Aujourd’hui, la viande importée en carcasse arrive à 70 dirhams le kilo. Si nous avions maintenu les droits de douane à 200% et la TVA, elle serait montée à 200 dirhams», a-t-il expliqué. Toutefois, il concède que la mesure n’a pas eu l’effet escompté par les citoyens. Le ministre a également évoqué les autres mesures déjà lancées pour soutenir les éleveurs et reconstituer le cheptel.
Inflation et soupçons de conflit d’intérêts
L’affrontement s’est poursuivi sur la question de l’inflation. Driss Azami a pointé du doigt les soupçons de conflit d’intérêts dans le secteur des hydrocarbures, qu’il considère comme un facteur clé de la flambée des prix à la consommation. Il rappelle que le Conseil de la concurrence a confirmé l’existence d’un accord implicite entre cinq grandes entreprises, dont celle liée au Chef du gouvernement, et cite l’article 33 de la loi organique sur les membres du gouvernement, insistant sur l’incompatibilité entre leurs fonctions et toute activité économique susceptible de générer un conflit d’intérêts.Ryad Mezzour a balayé ces accusations, affirmant que le Conseil de la concurrence avait relevé une entente sur le marché et avait pris les mesures disciplinaires nécessaires, réfutant tout lien direct entre ces soupçons et l’inflation. «Si l’on suit cette logique, alors les pays où les conflits d’intérêts sont moindres devraient connaître une inflation plus faible, ce qui n’est pas le cas», a-t-il argumenté, défendant la gestion gouvernementale de l’inflation dans un contexte mondial difficile. «Je pense que le Maroc n’a pas été un mauvais élève en matière de contrôle de l’inflation, du moins durant cette période d’inflation mondiale, malgré les soupçons de conflit d’intérêt», souligne-t-il.
Gestion de l’eau : un dossier explosif
Enfin, l’échange a été particulièrement virulent autour de la crise de l’eau. M. Azami a dénoncé une mauvaise rationalisation des ressources hydriques destinés à l’agriculture, rappelant que le Chef du gouvernement, alors ministre de l’Agriculture, n’avait pas réussi à déployer le programme de goutte-à-goutte, pourtant crucial, avec un taux de réalisation plafonnant à 9%, alors que l’agriculture absorbe 87% des ressources en eau. Il a également évoqué la demande d’une mission exploratoire au Parlement pour enquêter sur ces dysfonctionnements.M. Mezzour, de son côté, a renvoyé la balle au PJD, accusant l’ancien gouvernement dirigé par son parti d’avoir réalisé seulement 50% des barrages prévus, compromettant ainsi la constitution de réserves stratégiques. Il reconnaît cependant que la solution ne résidait pas uniquement dans les barrages, car il fallait développer les stations de dessalement, à l’image de celle de Casablanca, dont la capacité initiale devait atteindre 200 millions de mètres cubes par an. Mais le retard accumulé dans sa mise en œuvre (qui devait se faire en 2016) a privé le Royaume d’un atout stratégique pour sa sécurité hydrique.
En définitive, ce duel télévisé a exposé les lignes de fracture entre une opposition offensive et un gouvernement qui peine à rassurer. À moins de deux années des prochaines élections générales, l’Exécutif se doit de mettre les bouchées doubles pour répondre aux attentes pressantes des citoyens. Faute de quoi, il aura un bilan maigre à mettre en avant, ce qui ne risque pas de le favoriser face au verdict des urnes.
Soupçon de conflit d’intérêts autour de la station de dessalement de Casablanca : Mezzour défend le gouvernement, Azami n’en démord pas
Il aura fallu trois mois pour qu’une réponse quasi officielle du gouvernement vienne répondre aux accusations relatives aux irrégularités qui auraient entaché l’attribution du projet de station de dessalement de Casablanca. Pour rappel, le Parti de la justice et du développement (PJD), formation de l’opposition, avait réclamé lors d’une conférence de presse tenue au mois de décembre dernier, la démission du Chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, pour «conflit d’intérêts». C’est finalement par la voix du ministre de l’Industrie et du commerce que l’Exécutif a apporté sa version cette semaine, lors de la même émission «Le Debrief».M. Mezzour a balayé d’un revers de la main les accusations du parti islamiste, qui affirme que le consortium composé de Afriquia Gaz – qui appartient au Chef de gouvernement – Acciona et Green of Africa aurait profité d’un dispositif de soutien financier dans le cadre de la Charte de l’investissement. M. Mezzour a affirmé que la commission en charge du dossier avait décidé que ce projet ne bénéficierait d’aucune aide financière. Il a également défendu l’intégrité du processus d’attribution, assurant que toutes les procédures s’étaient déroulées dans des conditions rigoureusement transparentes. «Le gouvernement ne voit aucune irrégularité dans l’attribution de ce marché», a-t-il déclaré, ajoutant que si un manquement venait à être constaté, il serait mis en lumière et des mesures appropriées seraient prises en conséquence. Il a par ailleurs rappelé que le Maroc est un pays démocratique, où l’opposition a le droit de critiquer, tout en soulignant l’existence d’institutions chargées d’enquêter sur ce type d’affaires. «J’ai confiance en ces institutions», a-t-il insisté.
Concernant l’accusation selon laquelle Aziz Akhannouch aurait remporté le marché grâce à un prix compétitif de 4,5 dirhams le mètre cube dessalé, en raison de sa connaissance préalable d’une exonération fiscale prévue de 20% sur l’impôt sur la société, Ryad Mezzour a démenti en bloc, affirmant que ce projet ne bénéficierait pas d’un tel abattement.
Driss Azami Idrissi a pour sa part réitéré les soupçons de conflit d’intérêts entourant l’attribution du projet. Selon lui, Aziz Akhannouch cumule plusieurs casquettes : co-entrepreneur dans le projet, mais aussi président du conseil d’administration de l’Office national de l’électricité et de l’eau potable (ONEE), l’entité initiatrice du projet et seule habilitée à demander une procédure négociée. Or ce type de procédure, exceptionnelle par nature, ne peut être activé qu’en présence de motifs spécifiques. Le Chef du gouvernement préside également la Commission nationale du partenariat public-privé, qui statue sur ces mêmes procédures, ainsi que la Commission de la Charte de l’investissement, chargée d’apporter un soutien aux projets stratégiques. Une concentration de pouvoirs qui, selon l’opposition, brouille la frontière entre intérêts publics et privés, alimentant ainsi les suspicions.
Si la réponse du gouvernement vise à clore la controverse, elle ne semble pas avoir convaincu l’opposition, qui maintient ses accusations. Le débat autour de ce projet stratégique pourrait ainsi se poursuivre dans l’arène politique et institutionnelle, sous l’œil attentif de l’opinion publique.