Menu
Search
Mercredi 21 Mai 2025
S'abonner
close
Mercredi 21 Mai 2025
Menu
Search

Protection des migrants : le CNDH et la DGSN lancent une formation au profit des officiers de police

La protection des droits des migrants au Maroc franchit une nouvelle étape avec le lancement d'une session de formation organisée conjointement par le Conseil national des droits de l'Homme (CNDH) et la Direction générale de la Sûreté nationale (DGSN). Cette initiative, première du genre dans le cadre de leur partenariat signé en septembre 2022, vise à renforcer les compétences de 20 officiers de police en matière de droits des migrants. Cette formation, qui s'inscrit dans le cadre de la mise en œuvre des recommandations du comité de l'ONU pour la protection des travailleurs migrants, marque une étape importante dans la modernisation des pratiques sécuritaires au Maroc. Intervenant à cette occasion, Amina Bouayach, présidente du CNDH, a souligné que les engagements internationaux du Royaume procèdent d'une «implication souveraine et volontaire» dans le système international de protection des droits humains.

L'engagement du Maroc en faveur des droits des migrants ne date pas d'hier. Au carrefour de l'Afrique et de l'Europe, le Royaume – passant d'un pays de transit à une terre d'accueil pour de nombreux migrants, notamment subsahariens – a progressivement transformé son approche migratoire. Cette évolution s'est concrétisée par l'adoption d'une Stratégie nationale d'immigration et d'asile, fruit d'une vision Royale humaniste et pragmatique.

Dans cet esprit, ce lundi 24 février 2025 à Rabat, la présidente du CNDH, Amina Bouayach, et le préfet de police Ahmed Ait Taleb, ont donné le coup d’envoi d’une formation des formateurs d'une semaine destinée à 20 officiers intéressés par le sujet de la migration et de l’arsenal juridique national et international y afférent (venus des différentes régions). «Les engagements internationaux du Royaume en matière de protection des droits des migrants et de leurs familles procèdent de l'implication souveraine et volontaire du Maroc dans le système international», a déclaré Mme Bouayach dans son allocution d'ouverture. Cette formation marque ainsi un tournant dans la gestion du phénomène migratoire au Maroc, alliant sécurité nationale et protection des droits humains dans une approche équilibrée qui pourrait servir de modèle dans la région.

La migration au Maroc : une approche humaniste face à des défis complexes

Le Maroc, pays traditionnellement d'émigration, est devenu ces dernières décennies une terre de transit puis d'accueil pour de nombreux migrants. Cette nouvelle réalité a imposé une adaptation constante des politiques publiques et des pratiques sur le terrain. Amina Bouayach a souligné lors de son intervention l'importance de clarifier les concepts liés à la migration. «Les concepts font état de traits mêlant des difficultés et aboutissant à une situation complexe. Un de ces concepts fait qu'on parle de migrant, de réfugié, des migrant irrégulier, des sans-papiers... il faut agir pour que ces concepts qui entravent notre action soient précisés», a-t-elle expliqué. Cette précision terminologique est bien plus qu’une simple question sémantique, c’est une nécessité opérationnelle pour «protéger ces migrants et respecter les recommandations internationales en la matière».

La présidente du CNDH a d'ailleurs lancé un appel aux médias pour qu'ils participent à «installer les définitions humanitaires des droits de l'Homme» dans le débat public. Elle a notamment évoqué le cas particulier de la migration vers le préside occupé de Sebta, questionnant la qualification de «migration clandestine» pour des mouvements qui étaient «annoncés et organisés».

Le préfet de police, Ahmed Ait Taleb a pour sa part reconnu que le Maroc «n’est plus seulement un pays de transition mais d'accueil des migrants, venant notamment des pays subsahariens et d'autres régions». Cette nouvelle réalité «fait peser sur nous un nouveau fardeau et appelle à renforcer les efforts pour y faire face», a-t-il ajouté.

Cette transformation du paysage migratoire marocain s'inscrit dans un contexte régional complexe. Les crises politiques, économiques et climatiques dans diverses régions d'Afrique poussent de nombreuses personnes sur les routes migratoires, alors que l'Europe renforce ses frontières allant jusqu’à les rendre hermétiques. Le Maroc se retrouve ainsi au cœur de dynamiques migratoires intenses qu'il doit gérer avec humanité tout en préservant sa sécurité nationale.

Dans ce contexte, la Stratégie nationale d'immigration et d'asile, lancée en 2013, constitue selon Mme Bouayach «un cadre de convergence entre les différentes parties prenantes». Elle a cependant souligné «la nécessité de soutenir la révision de la loi 02-03 relative à l'entrée et au séjour des étrangers au Maroc, la ratification du projet de loi sur l'asile et la prise en compte des nouvelles évolutions en matière de droits de l'Homme liées à la gestion de la migration et de l'asile». Cette adaptation continue du cadre législatif témoigne de la volonté du Maroc de maintenir un équilibre entre ses obligations internationales et les réalités du terrain, tout en privilégiant une approche humaniste qui respecte la dignité et les droits des migrants.

Un partenariat novateur entre le CNDH et la DGSN pour former les forces de l'ordre

La session de formation inaugurée à Rabat s'inscrit dans le cadre d'un partenariat institutionnel entre le CNDH et la DGSN signé le 14 septembre 2022. Cette collaboration qui vise à renforcer le respect des droits de l'Homme dans l'exercice de la fonction policière, avec un focus particulier sur les questions migratoires, participe donc de la volonté du Royaume de mener une politique migratoire cohérente, réaliste et à visage humain.

«C'est la première session, mais il y en aura d'autres, c’est la traduction concrète de notre engagement commun pour l'encadrement et la formation ainsi que le renforcement des compétences du corps de police dans différentes attributions», a expliqué Ahmed Ait Taleb. L'objectif est d'assurer que les interventions policières se déroulent «avec professionnalisme» et «dans le respect des droits et des libertés essentielles».

Amina Bouayach a salué, pour sa part, cette initiative en soulignant qu'elle «constitue une opportunité pour les participants d'échanger autour des défis liés à la protection des migrants et d'explorer les meilleures pratiques conformément aux standards nationaux et internationaux». Elle a également loué «la volonté du directeur de la DGSN» et des agents impliqués dans «la perspective de développer des approches qui respectent les droits de l'Homme à travers les formations, le renforcement des compétences et le recours aux meilleures pratiques».

Cette collaboration entre une institution nationale des droits de l'Homme et les forces de sécurité se présente donc comme «une action pionnière dans la région» selon Mme Bouayach. Cette dernière a rappelé d’ailleurs les actions déjà menées dans d'autres domaines comme «la prévention de la torture et l'interaction positive de la part de la DGSN, la Gendarmerie Royale, l'administration pénitentiaire...» Cette synergie institutionnelle a, selon elle, «traduit le choix du Maroc pour le renforcement des droits de l'Homme».

Abderrafie Hamdi, directeur de la protection des droits de l'Homme et du monitoring au CNDH, a de son côté précisé que cette «formation des formateurs» s'articule autour de «trois socles» : les droits des migrants dans l'arsenal onusien et sur le plan africain et régional, la migration au Maroc, et la protection des migrants, demandeurs d'asile et réfugiés. Le programme comprend «huit sous-thèmes et huit intervenants» qui «maîtrisent le sujet liant entre pratique et théorie».

Cette approche pédagogique mêlant théorie et pratique vise à s’assurer que les connaissances acquises puissent être réellement mises en œuvre sur le terrain, dans les situations complexes auxquelles font face les officiers de police.

Entre sécurité nationale et protection des droits : un équilibre délicat

L'un des défis majeurs abordés lors de cette formation est l'équilibre entre les impératifs de sécurité nationale et la protection des droits des migrants. Ahmed Ait Taleb a clairement exposé cette dualité en soulignant que «malgré les engagements pour actualiser les lois et les aligner sur les conventions sur cette question, l'expertise pratique pour faire face à la migration irrégulière, les efforts de la police concernent et sont centrés sur les crimes organisés et des bandes qui sont spécialisées dans la traite de l'être humain et la migration clandestine plus que d'agir pour faire refouler les migrants».

Cette orientation stratégique marque une évolution significative dans l'approche sécuritaire marocaine. Plutôt que de se focaliser sur les migrants eux-mêmes, souvent victimes de réseaux criminels, les forces de l'ordre marocaines concentrent leurs efforts sur «les crimes organisés et la traite de l'être humain et les groupes de la migration clandestine en gérant les cas liés aux infractions individuelles pour l'organisation de l'entrée au territoire national sans contrevenir aux lois en vigueur».

Vers une modernisation des pratiques migratoires au Maroc : défis et perspectives

Cette formation s'inscrit ainsi dans une démarche plus large de modernisation des pratiques migratoires au Maroc. En effet, Amina Bouayach a rappelé les avancées réalisées tout en soulignant les défis qui demeurent, notamment en matière législative. «La Stratégie nationale d'immigration et d'asile constitue un cadre de convergence entre les différentes parties prenantes», a-t-elle indiqué, tout en insistant sur «la nécessité de soutenir la révision de la loi 02-03 relative à l'entrée et au séjour des étrangers au Maroc, la ratification du projet de loi sur l'asile et la prise en compte des nouvelles évolutions en matière de droits de l'Homme liées à la gestion de la migration et de l'asile».

Cette actualisation du cadre législatif est d'autant plus nécessaire que le Maroc a pris des engagements internationaux importants en matière de protection des droits des migrants. M. Ait Taleb a rappelé, dans ce sens, que cette session de formation «vient en application d'une recommandation du comité de la traite chargé de la protection des travailleurs migrants et leurs membres, la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille».

La formation elle-même s'inscrit dans cette dynamique de modernisation en prévoyant d'aborder plusieurs thématiques clés, dont «les conventions internationales et l'interaction du Royaume avec les mécanismes internationaux», «la migration au Maroc et la protection des étrangers» ainsi que «la stratégie nationale en matière de migration et d'asile».

Le préfet Ait Taleb a également évoqué l'importance de «partager les contraintes qui existent sur le terrain pour arriver à des formes de traitement qui respectent le droit et l'exercice des efforts pour le respect du droit et assurer la sécurité et faire face aux dangers et les problèmes sécuritaires liés à la migration tout en respectant l'approche humanitaire». Cette approche pragmatique, qui reconnaît les difficultés du terrain tout en cherchant des solutions respectueuses des droits humains, témoigne de la maturité de la réflexion marocaine sur les questions migratoires.

Amina Bouayach a conclu sur une note optimiste en affirmant que «le succès de cette session ouvre un nouvel espace pour son renforcement. Nous avons acquis des compétences pour le respect de la dignité de l'être humain dans toutes les situations de la migration, comme cela a été le cas en ce qui concerne la prévention contre la torture. Des problématiques qui concernent les deux institutions et qui agissent pour le respect et pour la primauté de la loi et du droit».

Cette vision partagée entre le CNDH et la DGSN illustre la volonté du Maroc de poursuivre sa politique migratoire humaniste tout en faisant face aux défis sécuritaires qu'elle implique. La formation des forces de l'ordre aux droits des migrants apparaît ainsi comme un maillon essentiel de cette stratégie équilibrée, fruit d’un choix irréversible fait au plus haut sommet de l’État.
Lisez nos e-Papers