Par Karima El Otmani
Le Royaume, tout en y décrochant une reconnaissance internationale à ses aspirations à l’indépendance, aura par la même émergé en tant qu’acteur stratégique de la paix et de la diplomatie internationale. Cet événement historique a en effet ouvert la voie à l’indépendance du Royaume, tout en consolidant sa position géopolitique stratégique dans le monde. À travers l’intervention décisive de Feu S.M. Mohammed V, qui désigna l’éminent juge et savant Sidi Mohammed Bendriss Alaoui, le Cadi Bendriss, à la tête du comité d’organisation, et grâce au soutien des États-Unis, la conférence d’Anfa incarna un tournant pour le Maroc, mais aussi pour l’ordre mondial d’après-guerre.
La conférence d’Anfa s’est tenue dans le contexte d’une guerre mondiale à son paroxysme. Une réunion de concertation des Alliés portée par des personnalités telles que le Président américain Franklin D. Roosevelt, le Premier ministre britannique Winston Churchill et les généraux français Charles de Gaulle et Henri Giraud. Au-delà des questions stratégiques militaires, cet événement a eu un impact majeur sur la diplomatie marocaine et a servi de tremplin pour l’indépendance du Royaume. Le choix de Casablanca pour cette rencontre n’était pas anodin. Stratégiquement situé entre l’Europe, l’Afrique et les Amériques, le Maroc offrait une plateforme idéale pour coordonner les efforts des Alliés contre les pays de l’Axe, notamment après le débarquement des forces alliées en Afrique du Nord, lors de l’opération Torch en novembre 1942.
Le Sultan Feu Mohammed V a saisi l’opportunité de cette rencontre pour exprimer les aspirations du peuple marocain à l’indépendance. Le 22 janvier 1943, lors de sa rencontre avec le Président Roosevelt, il plaida en faveur de la libération du Maroc du joug colonial, tout en proposant que le Royaume adhère à la Charte Atlantique, un document fondamental dans l’édification de l’ordre mondial post-guerre. Cette initiative de Feu S.M. Mohammed V a aussi marqué un moment clé dans les relations entre le Maroc et les États-Unis. Roosevelt, en apportant son soutien à la cause nationale du Maroc, a non seulement renforcé la légitimé des revendications d’indépendance, mais a aussi ouvert la voie à une relation stratégique durable entre le Maroc et l’une des grandes puissances mondiales de l’époque. Pour l’expert en géostratégie et sécurité, Cherkaoui Roudani, l’importance historique de la Conférence de Casablanca émane du fait qu’elle a renforcé l’unité des Alliés et marqué une étape cruciale dans le façonnement de la géopolitique mondiale. Dans une déclaration à la MAP, il souligne que le choix du Maroc pour abriter cette rencontre s’explique par sa position géographique stratégique, à la croisée de l’Europe, de l’Afrique et des Amériques. «Le Maroc s’est révélé être une plateforme clé pour les efforts militaires alliés, notamment après le succès de l’opération Torch, qui avait ouvert un front en Afrique du Nord et permis de sécuriser des ports vitaux pour la logistique des Alliés», a-t-il dit.
Les décisions prises dans le sillage de la Conférence d’Anfa, notamment l’opération Husky (débarquement en Sicile), ont été, selon M. Roudani, des étapes décisives dans la défaite de l’Axe et la libération de l’Europe occidentale. Sur le plan diplomatique, poursuit-il, la conférence d’Anfa a indéniablement renforcé le rôle du Sultan Feu Mohammed V en tant que leader visionnaire capable de faire entendre la voix du Maroc à l’échelle internationale. «En plaidant pour l’indépendance du Royaume, il a non seulement exprimé les aspirations du peuple marocain, mais a également établi les bases d’une relation foisonnante avec les États-Unis et les autres puissances mondiales», relève l’expert.
À partir de ce moment historique, le Maroc se positionne comme un acteur géopolitique clé dans les stratégies alliées durant la guerre, mais aussi comme un partenaire incontournable dans le monde de l’après-guerre. Le soutien de Roosevelt a jeté les bases d’une coopération à long terme avec les États-Unis, renforçant ainsi la stature internationale du Royaume. Une aura internationale du Maroc majestueusement entretenue par les Souverains Alaouites jusqu’au règne de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, dont le leadership éclairé a permis au Royaume de jouir d’une place de choix dans les fora internationaux, à la mesure de son rôle historique dans la préservation de la paix et du dialogue entre les peuples et les civilisations.