Organisé sous l’égide de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le Sommet du Forum international des transports (ITF) de Leipzig constitue, depuis 2008, le principal rendez-vous mondial des ministres des Transports. L’édition 2025 a réuni quelque 1.200 participants venus de 80 pays, dont les 69 membres du Forum international des transports, pour débattre des enjeux globaux liés à la mobilité et promouvoir des politiques de transport sûres, durables et robustes face aux pandémies, crises géopolitiques, cyberattaques ou catastrophes naturelles.
Autour de trois axes –usagers, opérateurs, gouvernance et financement–, les travaux ont permis d’examiner des pistes concrètes pour renforcer la continuité des services de transport, la résilience des infrastructures et la capacité de réponse des systèmes face aux chocs externes.
À Leipzig, les débats ont également porté sur la création d’agences nationales de sécurité routière dans les pays du Sud, l’intégration de la sécurité dans les projets d’infrastructure, la régulation des véhicules importés, et la qualité des données statistiques. Le directeur de la Narsa, Benacer Boulaajoul, a insisté sur l’urgence de mobiliser des financements pour éviter que l’Afrique ne devienne un «dépotoir de véhicules non conformes».
À l’issue du Sommet, l’Azerbaïdjan a été désigné pour assurer la présidence de l’ITF pour la période 2025-2026, succédant ainsi au Chili. Un passage de flambeau qui s’inscrit dans la continuité d’un dialogue global désormais plus inclusif.
La participation marocaine à Leipzig aura démontré, une fois encore, la capacité du Royaume à conjuguer expertise technique, engagement politique et solidarité internationale. La reconnaissance unanime de la Déclaration de Marrakech et du Prix international Mohammed VI, ainsi que les alliances nouées ou renforcées en Allemagne, confirment l’influence grandissante du Maroc dans le domaine du transport mondial.
Porté par la Vision stratégique de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, le Royaume se positionne désormais comme un acteur structurant d’un futur de la mobilité plus sûr, plus équitable et plus résilient.
Le Maroc a pris part à ce grand rendez-vous mondial avec une ambition claire: partager son expérience, renforcer les coopérations internationales et défendre une vision intégrée du transport, fondée sur la résilience, la souveraineté logistique et la solidarité avec les pays du Sud. «Notre participation à ce forum s’inscrit dans notre engagement en tant qu’acteur international de la mobilité. C’est une plateforme qui réunit chaque année tous les ministres des Transports du monde, des décideurs et des spécialistes. Elle nous permet de faire entendre la voix du Maroc, d’exposer nos réalisations et d’échanger sur les solutions aux grands défis du secteur», a déclaré Abdessamad Kayouh à l’issue de la session ministérielle.
Une feuille de route tournée vers 2030
Le ministre a mis en lumière les grandes avancées structurelles du Royaume, portées par la Vision Royale de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, en matière d’infrastructures de transport. Il a notamment rappelé les objectifs de la stratégie «Aéroports 2030», qui vise à doubler la capacité d’accueil nationale, passant de 40 à 80 millions de passagers. «Nous avons engagé une transformation majeure du secteur aérien et ferroviaire. Il y a deux semaines, Sa Majesté a inauguré l’extension de la ligne à grande vitesse reliant Tanger à Marrakech. À cela s’ajoute un nouveau réseau de trains régionaux à cadence élevée qui réduira les temps de trajet de 50% dans les grandes agglomérations d’ici 2030», a précisé M. Kayouh.
Le ministre a également souligné l’un des moments forts du sommet : la mise à l’honneur du Prix international Mohammed VI pour la sécurité routière, lancé à Marrakech en février 2025 lors de la quatrième Conférence ministérielle mondiale sur la sécurité routière.
Attribué conjointement au Fonds des Nations unies pour la sécurité routière (UNRSF) et à l’Organisation mondiale de la santé (OMS), ce prix a été officiellement adossé à une convention signée à Leipzig entre l’ONU, la Narsa et le ministère du Transport.
«Cette Initiative, portée par la Haute Volonté de Sa Majesté le Roi, vise à appuyer les pays en développement, notamment africains, pour la mise en place d’observatoires de sécurité routière et le renforcement de leurs capacités institutionnelles. C’est une contribution marocaine concrète à la protection des vies humaines à l’échelle mondiale», a affirmé le ministre.
Un cap assumé vers la souveraineté logistique
Le ministre a rappelé que la stratégie du Maroc repose également sur le développement d’un transport souverain, en phase avec les mutations du monde. Il a notamment évoqué l’ambitieux chantier du transport maritime, annoncé par Sa Majesté dans son discours de la Marche verte en 2023. «Nous vivons dans un monde en mouvement et en tension. C’est pourquoi le Maroc construit un modèle de transport souverain, en développant tous les modes : maritime, ferroviaire, aérien et logistique. Le plan national de transport maritime est en cours de finalisation. Il sera opérationnalisé dans les mois à venir», a-t-il indiqué. Le ministre a conclu en soulignant la nécessité pour les pays africains d’avoir une voix plus forte au sein des enceintes internationales comme l’ITF, appelant à une plus grande solidarité dans les politiques de mobilité.
Par cette participation remarquée, le Maroc confirme son leadership régional et international sur les enjeux de transport, de sécurité routière et de connectivité durable, en phase avec les Objectifs de développement durable et l’échéance stratégique de la Coupe du monde 2030.
Benacer Boulaajoul : Le Forum international du transport (ITF) est l’un des plus grands événements annuels sur les politiques de mobilité à l’échelle mondiale. Il regroupe près de 60 pays membres de l’OCDE. Le Maroc en est membre depuis 2016. Pour nous, c’est un rendez-vous stratégique. Il permet de s’informer sur les meilleures pratiques, de dialoguer avec un large réseau d’experts et d’acteurs du transport, et surtout, de porter haut la question de la sécurité routière, que le Maroc a fait inscrire durablement à l’agenda de l’ITF.
La Déclaration de Marrakech a été au centre des discussions. Que représente-t-elle pour le Maroc et pour vous ?
La 4e Conférence ministérielle mondiale sur la sécurité routière, tenue à Marrakech en février dernier, a été un moment historique : plus de 100 ministres, 146 pays représentés, et surtout, une déclaration forte adoptée à l’unanimité. Cette Déclaration de Marrakech fixe les grands choix stratégiques à venir, en particulier pour les pays du Sud. Elle ne devait pas être un simple événement ponctuel. Nous avons pris l’engagement de suivre de près sa mise en œuvre, notamment en Afrique. Notre objectif est clair : faire de cette déclaration une résolution officielle adoptée par les Nations Unies dès 2026 à New York.
Quels sont les piliers de cette déclaration ?
Elle repose sur quatre axes essentiels :
• Le financement, sans lequel aucune stratégie ne peut être mise en œuvre. Il faut mobiliser les ressources au niveau national, mais aussi obtenir un appui des institutions internationales.
• La régulation des véhicules, car nombre de pays du Sud sont devenus des dépotoirs à voitures d’occasion non conformes. Des normes strictes doivent encadrer l’importation.
• La qualité des données, qui est fondamentale. Sans statistiques fiables, il est impossible de piloter des politiques publiques sérieuses.
• La gouvernance, avec des structures solides et autonomes. Il est temps que chaque pays se dote d’agences spécialisées en sécurité routière.
Concrètement, comment la Narsa se prépare-t-elle à relever ces défis ?
Nous avons lancé une étude sur notre repositionnement stratégique. Créée en 2020, la Narsa est jeune, mais doit évoluer avec son temps et les mutations réglementaires et institutionnelles. Une seconde étude porte sur l’évaluation de la Stratégie nationale de sécurité routière 2017-2026, et vise à proposer un nouveau plan d’action pour le prochain quinquennat.
En ligne de mire, l’horizon 2030... et la Coupe du monde ?
Absolument. La Coupe du Monde 2030 est un objectif national. Sous l’Impulsion de Sa Majesté le Roi, de grands chantiers sont lancés, notamment dans les infrastructures de transport. Tous auront un impact direct sur la sécurité routière. C’est pourquoi nous travaillons déjà sur des plans d’action avec les villes hôtes, à commencer par Marrakech, notre ville pilote. Nous y intégrons des exigences de signalisation, d’infrastructures aux normes et de technologies pour la gestion du trafic. Notre objectif est simple : zéro incident en 2030 et surtout, être prêts dès 2029.
Et au niveau international, quel rôle le Maroc entend-il jouer ?
Nous voulons maintenir notre position de leader africain sur cette question. Le Maroc joue un rôle de plaidoyer pour la sécurité routière au sein de toutes les grandes instances internationales. Notre crédibilité est reconnue. Nous continuerons à mobiliser notre réseau pour faire avancer la Déclaration de Marrakech vers son adoption à l’ONU. Ce ne sera pas facile, mais avec la volonté politique, la rigueur et l’engagement, nous y parviendrons.
Adil Bahi : Depuis l’Accession de Sa Majesté le Roi Mohammed VI au Trône en 1999, un effort colossal a été déployé pour moderniser l’ensemble des infrastructures de transport : routes, autoroutes, voies ferrées, ports, plateformes logistiques... Cette modernisation nous a dotés d’un réseau structurant conforme aux standards internationaux, capable de faire face à des chocs tels que les inondations, les catastrophes naturelles ou les crises logistiques. Cela garantit la continuité du service – qu’il s’agisse du transport de voyageurs ou de marchandises – et constitue un levier essentiel pour la résilience économique du pays.
Quel rôle joue la Narsa dans ce processus ?
La création de la Narsa marque une réforme structurelle clé. Elle permet d’unifier les efforts en matière de sécurité routière, dans le cadre d’une stratégie nationale visant à réduire de 50% le nombre de tués sur les routes. Aujourd’hui, même si nous n’avons pas encore atteint cet objectif, nous avons stabilisé la courbe des accidents et des décès, malgré une augmentation du trafic et du parc automobile. C’est déjà un acquis important.
Comment le ministère compte-t-il accélérer cette dynamique de réduction de la mortalité routière ?
Il faut redoubler d’efforts sur plusieurs fronts : les infrastructures, bien sûr, mais aussi la sensibilisation et l’éducation routière. L’un des piliers essentiels de notre vision est le développement du transport public, avec en ligne de mire une mobilité sûre, durable et accessible à tous.
Pouvez-vous détailler les grandes lignes de cette vision ?
Le chemin de fer est au cœur de notre stratégie. Le programme de l’ONCF à l’horizon 2030 prévoit l’extension de la ligne à grande vitesse jusqu’à Marrakech, puis Agadir, mais aussi le développement de services RER dans les grandes métropoles. Le rail est un mode de transport propre, sûr et efficace. Aujourd’hui, plus de 90% des trains circulent à partir d’énergies renouvelables.
En parallèle, nous modernisons le transport routier interurbain à travers un programme ambitieux de renouvellement de la flotte d’autocars. Il s’agit d’aider les opérateurs à acquérir des véhicules plus sûrs, plus confortables et plus performants. L’objectif est de rendre ce service plus attractif et complémentaire au réseau ferroviaire.
Comment s’inscrit la participation du Maroc au Sommet de l’ITF dans cette stratégie globale ?
Ce sommet est une plateforme mondiale unique qui réunit plus de 80 pays et l’ensemble des acteurs du transport. Notre présence vise à renforcer les partenariats, à en tisser de nouveaux et à affirmer le positionnement du Maroc comme hub logistique régional et international. C’est aussi l’occasion de partager notre expérience, comme celle du congrès mondial de la sécurité routière à Marrakech, où le Prix international Mohammed VI pour la sécurité routière a été lancé. Nous poursuivons le plaidoyer pour la Déclaration de Marrakech et œuvrons à sa reconnaissance par les Nations Unies.
Quelles sont les priorités du ministère à l’horizon 2030 ?
Cette échéance est stratégique, notamment en raison de l’organisation conjointe de la Coupe du monde avec l’Espagne et le Portugal. Plusieurs projets sont alignés sur cette échéance: l’extension de la LGV jusqu’à Marrakech, la connexion ferroviaire du port de Nador West Med, le doublement de la capacité aéroportuaire pour atteindre 80 millions de passagers par an, et l’expansion de la flotte de la RAM à 200 avions.
Nous avons aussi identifié 12 zones logistiques prioritaires sur 750 hectares, pour fluidifier le transport de marchandises, réduire les coûts logistiques et limiter les émissions. Ce réseau s’inscrit dans notre stratégie nationale de logistique.
Un mot de conclusion...
D’ici 2030, nous voulons un système de transport public sûr, moderne, accessible et durable. Nous nous préparons activement pour que le Maroc soit fin prêt bien avant l’échéance, avec des infrastructures au standard mondial, au service des citoyens et de la prospérité du pays.
Pour sa première édition, ce prix international doté de 500.000 dollars a été attribué en ex aequo à l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et au Fonds des Nations Unies pour la sécurité routière, en reconnaissance des efforts menés pour l’élaboration de stratégies globales de prévention et de réduction des risques routiers. Chacune des deux Institutions s’est ainsi vue décerner une récompense de 250.000 dollars.
Cette distinction, qui sera décernée une fois tous les quatre ans à l’occasion de la tenue de la Conférence ministérielle mondiale pour la sécurité routière, illustre la Haute Sollicitude dont Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu L’assiste, ne cesse d’accorder au bien-être des citoyens et à leur sécurité face aux aléas et risques de la route.
La Déclaration de Marrakech consacre une reconnaissance inédite des défis particuliers auxquels font face les pays africains en matière de sécurité routière. Le texte note que l’Afrique concentre 20% des décès routiers dans le monde alors qu’elle ne représente que 2% du parc automobile mondial. Il appelle à une attention renforcée pour cette région, en insistant sur le soutien au financement, au renforcement des capacités, à la collecte de données fiables et à la régulation des véhicules importés.
Une vision universelle et intégrée de la sécurité routière
Les signataires de la Déclaration affirment que la sécurité routière est un droit fondamental qui doit faire partie intégrante des politiques de développement durable. Ils réitèrent les objectifs du Plan mondial pour la Décennie d’action pour la sécurité routière 2021–2030, qui vise à réduire de moitié les décès et blessures sur les routes à l’horizon 2030, conformément aux Objectifs de développement durable (ODD).
La déclaration rappelle aussi les engagements antérieurs pris dans les Déclarations de Moscou (2009), Brasilia (2015) et Stockholm (2020), tout en soulignant que des progrès insuffisants ont été réalisés jusqu’ici.
La Déclaration de Marrakech appelle à :
• La mise en œuvre de stratégies nationales financées et mesurables.
• La création d’agences nationales de sécurité routière là où elles n’existent pas.
• L’adoption de normes de sécurité pour les infrastructures et les véhicules selon les standards internationaux.
• L’intégration de la sécurité routière dans les politiques urbaines, de mobilité multimodale et d’aménagement du territoire.
Les États sont également invités à introduire des programmes d’éducation à la sécurité routière, notamment dans les écoles, et à adopter des législations strictes sur les facteurs de risque : ceinture de sécurité, casque, conduite sous influence, excès de vitesse, etc.
Une mobilisation globale autour du financement
L’un des points clés de la Déclaration réside dans l’appel à une mobilisation massive des ressources financières. Les pays signataires soulignent que la sécurité routière reste «gravement sous-financée» et encouragent un recours accru aux instruments internationaux comme le Fonds des Nations Unies pour la sécurité routière et la Facilité mondiale de sécurité routière (Global Road Safety Facility). La Déclaration propose également de mieux intégrer la sécurité routière dans les projets de développement financés par les bailleurs internationaux.
Une ambition claire pour l’avenir
Parmi les engagements les plus concrets figurent :
• L’adoption de systèmes de gestion de la sécurité tels que les normes ISO 39001 par les entreprises.
• La collecte d’indicateurs de performance clairs et harmonisés à l’échelle mondiale.
• Le suivi des engagements par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
• Et surtout, l’organisation à mi-parcours d’une réunion régionale en Afrique, portée par le Maroc, pour évaluer la mise en œuvre de la Déclaration.
Le Maroc a également proposé la création d’un comité ad hoc présidé par l’Agence nationale de la sécurité routière, chargé d’harmoniser les politiques africaines en matière de sécurité routière dans la perspective des ODD.
Enfin, la Déclaration de Marrakech appelle l’Assemblée générale des Nations unies à adopter une résolution officialisant le texte, afin d’assurer sa diffusion et sa mise en œuvre à l’échelle mondiale. Portée par une volonté de transformation profonde, la Déclaration de Marrakech s’impose comme un instrument stratégique et politique majeur dans la lutte contre l’insécurité routière. Elle inscrit résolument la sécurité routière au cœur des politiques publiques, de la coopération internationale et de l’agenda du développement durable.
Guerres commerciales, droits de douane et sanctions croisées ne cessent de rebattre les cartes. Les économistes de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) prévoient une érosion d’environ 1% du trafic conteneurisé mondial en 2025, chiffre en trompe-l’œil derrière lequel se cache une relocalisation de grande ampleur. Sous la bannière du «friend-shoring», de grands groupes déplacent déjà leurs chaînes d’assemblage vers l’Afrique du Nord, l’Europe du Sud-Est ou l’Asie centrale, quête d’alliances politiques plus sûres et de cadres réglementaires plus prévisibles.
Les ports s’adaptent à cette géographie mouvante. Hambourg et Busan ont présenté une plateforme d’alerte qui croise météo extrême, niveau de congestion et risques sociaux afin de re-router navires et cargaisons avant qu’un incident local ne se transforme en embouteillage planétaire façon Suez 2021. Rotterdam, de son côté, teste une tour de contrôle logistique pan-européenne, censée synchroniser les plannings de 25 terminaux du nord-ouest de l’Europe.
Côté rail, la Route de la Soie repasse par le Kazakhstan et l’Azerbaïdjan. Les convois intermodaux ont bondi de 35% en deux ans, malgré les tensions régionales. Pour que le train joue réellement son rôle de soupape, les opérateurs réclament un guichet douanier unique et une numérisation totale des manifestes: finis les tampons papier, place aux e-documents horodatés et traçables.
Ukraine : reconstruire pour résister
Le Sommet a livré un chiffrage brutal: 36 milliards de dollars de dégâts depuis 2022 ; quelque 77 milliards de dollars pour redonner souffle aux routes, ponts, voies ferrées et terminaux fluviaux. Trois corridors «solidaires» – Gdansk, Constanța, Klaipėda – ont été confirmés pour maintenir les exportations de céréales et d’acier. La Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) injecte déjà 3 milliards d’euros dans la conversion des rails à l’écartement européen et la modernisation des gares frontière de Medyka et Izaccea. La Banque mondiale mobilise une garantie partielle afin d’attirer les assureurs privés sur les lots routiers à haut risque.
Kyiv ne veut pas d’une simple reconstruction «à l’identique». Les plans prévoient des chaussées intelligentes capables de peser les camions à la volée, des dispositifs d’alimentation électrique pour trains hybrides et la généralisation des hubs intermodaux bas carbone. À l’horizon 2030, l’Ukraine ambitionne de devenir le premier réseau national certifié «anti-fragile» : chaque pont et chaque terminal devront intégrer un protocole de continuité opérationnelle en moins de quatre heures après sinistre.
L’Azerbaïdjan prend la barre
«Chili dehors, Bakou dedans» : la présidence 2025-2026 de l’ITF change de latitude, mais pas de priorités. Objectif affiché par l’Azerbaïdjan : faire du Caucase un hub logistique «zéro carbone et zéro panne». Première pierre: des jumeaux numériques d’infrastructures capables de tester, en temps réel, l’impact d’une crue, d’un cyber-rançongiciel ou d’un pic de trafic sur le pont maritime de Baku – Turkmenbashi. Deuxième pierre : des corridors verts alimentés à 80% par les solaire et éolien caspiens, avec bornes mégawatt pour camions électriques tous les 100 km.
Au-delà des promesses, les bailleurs veulent des garanties. La BAII a dépêché une task-force pour évaluer les risques géopolitiques et la rentabilité des terminaux d’Alat et de Baku Port Extension. Plusieurs armateurs étudient déjà un service roulier Mersin-Alat, qui réduirait de trois jours le transit Turquie-Kazakhstan. Les diplomates, eux, soulignent qu’en cas de succès, le Caucase pourrait siphonner une partie des flux qui transitent aujourd’hui par la Baltique.
Cybersécurité : la nouvelle ligne Maginot
Avec un tiers des attaques OT visant déjà le transport, Leipzig a tiré le signal d’alarme. L’ITF annonce la création d’un Transport Cyber Resilience Board: plateforme d’échange de vulnérabilités, guide d’homologation «secure by design» et centre d’entraînement virtuel aux cybercrises. Les constructeurs, eux, devront adopter un label unique couvrant tout le cycle de vie, de la puce embarquée à la mise au rebut. Sans cette digue, une attaque sur un port asiatique peut, en 72 heures, bloquer un entrepôt européen et faire grimper le prix du conteneur de 300%.
Cap sur Bakou 2026 : ambitions, calendrier et enjeux
Bakou, qui assumera la présidence de l’ITF en 2026, veut passer de la théorie à la démonstration pratique de la résilience. Le rendez-vous caucasien misera sur trois chantiers structurants. Premier axe, la gouvernance «anti-fragile» : création d’un centre de crise transfrontalier capable de basculer un terminal roulier en hub humanitaire ou d’ouvrir un pont aérien cargo en moins de 48 heures, avec procédures standardisées pour l’Azerbaïdjan, la Géorgie et le Kazakhstan. Deuxième axe, les corridors zéro émission : 1.500 km de routes électrifiées entre la Caspienne et la mer Noire, jalonnées de bornes mégawatt alimentées à 80% par solaire et éolien caspiens ; des navettes ferroviaires hydrogène sont également à l’étude pour relier Bakou à Tbilissi. Troisième axe, l’Open Resilience Hub : une base de données régionale – météo extrême, files d’attente douanières, alertes cyber – qui fournira des API ouvertes aux armateurs, transitaires et autorités douanières pour dévier instantanément les flux en cas de crise. Bakou fixe déjà un objectif-test : garantir un maintien d’au moins 70% du débit logistique régional, même lors d’un scénario cumulé «cyberattaque + alerte inondation». Verdict attendu lors du Sommet ITF, programmé du 20 au 22 mai 2026.
Autour de trois axes –usagers, opérateurs, gouvernance et financement–, les travaux ont permis d’examiner des pistes concrètes pour renforcer la continuité des services de transport, la résilience des infrastructures et la capacité de réponse des systèmes face aux chocs externes.
Le Maroc, acteur clé du débat mondial sur la sécurité routière
Le Maroc n’a pas manqué de marquer cette édition. À travers un plaidoyer fort en faveur de l’intégration de la sécurité routière dans toutes les politiques de transport, le ministre Abdessamad Kayouh a multiplié les appels à l’action lors des sessions ministérielles. Il a notamment exhorté l’ITF à renforcer la place des pays africains au sein de ses organes de gouvernance, tout en défendant la nécessité d’une gouvernance globale et solidaire de la mobilité. Le Sommet a également été l’occasion pour le Maroc de porter haut les engagements de la Déclaration de Marrakech, adoptée en février dernier lors de la 4E Conférence ministérielle mondiale sur la sécurité routière. Une réunion de haut niveau intitulée «From Marrakech to Action» a permis d’identifier des actions concrètes pour la mise en œuvre de cette feuille de route ambitieuse, saluée par plusieurs responsables internationaux, dont l’envoyé spécial de l’ONU pour la sécurité routière, Jean Todt. Dans cette perspective, M. Kayouh a réaffirmé la volonté du Maroc de traduire la Déclaration de Marrakech en mesures concrètes, à travers une coopération active avec les institutions africaines. Il a notamment plaidé pour la création d’un mécanisme de suivi propre au continent, appuyé par des réunions régionales régulières visant à évaluer les progrès, harmoniser les politiques et partager les bonnes pratiques. Parmi les priorités d’action, le ministre a cité la mobilisation de financements pour intégrer la sécurité routière dans la planification des infrastructures, l’instauration de normes minimales de sécurité pour les véhicules d’occasion, ainsi que la production de données statistiques fiables, encore insuffisantes, freinant l’élaboration de politiques efficaces.Le Prix international Mohammed VI : un tournant stratégique
En marge du Sommet, le Maroc a procédé à la signature d’un accord de mise en œuvre du Prix international Mohammed VI pour la sécurité routière, entre le ministère du Transport, l’Agence nationale de la sécurité routière (Narsa) et le Fonds des Nations unies pour la sécurité routière. Créée à Marrakech et dotée de 500.000 dollars pour sa première édition, cette distinction, qui a vocation à devenir un levier durable de reconnaissance, d’innovation et d’engagement en faveur de la sécurité routière mondiale, vise à soutenir les initiatives les plus innovantes pour sauver des vies sur les routes, en particulier en Afrique. «Ce prix incarne la vision de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu L’assiste, pour une sécurité routière inscrite dans la durée et orientée vers les pays les plus vulnérables», a souligné Abdessamad Kayouh. Le ministre a par ailleurs rappelé que l’enjeu n’est pas seulement de formuler des recommandations, mais d’en assurer la mise en œuvre effective, grâce à des partenariats solides et un pilotage rigoureux.Un plaidoyer africain fort et structuré
Le Maroc, qui avait assuré la présidence de l’ITF en 2021-2022, a renouvelé son appel pour un renforcement de la représentation des pays africains au sein des instances internationales. «Il est crucial que l’ITF augmente la participation des pays africains, dont les défis et innovations méritent une voix plus forte», a plaidé M. Kayouh devant ses homologues.À Leipzig, les débats ont également porté sur la création d’agences nationales de sécurité routière dans les pays du Sud, l’intégration de la sécurité dans les projets d’infrastructure, la régulation des véhicules importés, et la qualité des données statistiques. Le directeur de la Narsa, Benacer Boulaajoul, a insisté sur l’urgence de mobiliser des financements pour éviter que l’Afrique ne devienne un «dépotoir de véhicules non conformes».
Un système de transport moderne et résilient à l’horizon 2030
Intervenant dans le cadre du Forum, Adil Bahi, directeur général de la stratégie et des ressources au ministère du Transport, a souligné les avancées du Maroc en matière d’infrastructures modernes, capables de résister aux chocs naturels. Il a évoqué la modernisation du réseau ferroviaire, l’extension du corridor à grande vitesse jusqu’à Agadir, le développement des services de transport public urbain, et le plan ambitieux de modernisation des autocars. En parallèle, un programme prioritaire de 12 zones logistiques a été défini pour fluidifier les échanges et réduire les émissions. Côté aérien, l’objectif est de doubler la capacité des aéroports pour atteindre 80 millions de passagers par an, tout en soutenant le développement de Royal Air Maroc. «Il s’agit de faire du Maroc un hub de transport régional et international», a affirmé M. Bahi.Cap sur la Coupe du monde 2030 : zéro incident, priorité nationale
Cette dynamique intervient également à un moment crucial pour le pays. En effet, à l’horizon 2030, le Maroc se prépare à accueillir, aux côtés de l’Espagne et du Portugal, la Coupe du Monde de football. Un événement que les autorités veulent exemplaire en matière de sécurité routière. «Nous visons zéro incident, et nous avons déjà lancé un plan pilote à Marrakech», a déclaré M. Boulaajoul. Ce plan inclut la mise à niveau des infrastructures, l’usage de technologies intelligentes pour la gestion du trafic et le renforcement des dispositifs de signalisation. C’est dans cet esprit également que le Royaume veille au renforcement des chantiers d’infrastructures à la faveur de stratégies ambitieuses basées sur les règles du «système sécurisé», où l’homme et la sécurité sont retenus comme les piliers d’une mobilité sûre et durable.Cap sur l’IA et la gouvernance durable
Les travaux du 18E ITF ont été sanctionnés par plusieurs recommandations. Parmi elles, le recours renforcé à l’intelligence artificielle (IA) pour améliorer les systèmes de transport, la mise en place d’un inventaire technologique, des mécanismes de gestion des risques, et un appel à des investissements massifs dans les compétences humaines.À l’issue du Sommet, l’Azerbaïdjan a été désigné pour assurer la présidence de l’ITF pour la période 2025-2026, succédant ainsi au Chili. Un passage de flambeau qui s’inscrit dans la continuité d’un dialogue global désormais plus inclusif.
Une coopération internationale renforcée
Lors de réunions bilatérales à Leipzig, le ministre Kayouh a échangé avec ses homologues français et bahreïni pour renforcer les partenariats en matière de connectivité aérienne, de transport ferroviaire et de logistique portuaire. «Le Maroc veut continuer à tisser des liens solides, promouvoir la coopération Sud-Sud et porter la voix de l’Afrique dans les grands débats», a-t-il affirmé. Avec la Déclaration de Marrakech, le Prix international Mohammed VI, une stratégie nationale en refonte, et une feuille de route ambitieuse alignée sur les objectifs de développement durable, le Maroc s’impose désormais comme un acteur de référence pour une mobilité sûre, durable et solidaire.La participation marocaine à Leipzig aura démontré, une fois encore, la capacité du Royaume à conjuguer expertise technique, engagement politique et solidarité internationale. La reconnaissance unanime de la Déclaration de Marrakech et du Prix international Mohammed VI, ainsi que les alliances nouées ou renforcées en Allemagne, confirment l’influence grandissante du Maroc dans le domaine du transport mondial.
Porté par la Vision stratégique de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, le Royaume se positionne désormais comme un acteur structurant d’un futur de la mobilité plus sûr, plus équitable et plus résilient.
Renforcement de la coopération maroco-française dans les transports
En marge du 18e Sommet du Forum international du transport à Leipzig, le ministre marocain du Transport et de la logistique, Abdessamad Kayouh, s’est entretenu avec son homologue français, Philippe Tabarot, ministre délégué chargé des Transports. Les discussions ont porté sur le renforcement de la coopération bilatérale dans les domaines du transport aérien, maritime et ferroviaire. Les deux ministres ont salué la qualité des relations entre Rabat et Paris et ont exprimé leur volonté commune de dynamiser les liaisons aériennes dans le cadre de la vision marocaine «Aéroports 2030», qui prévoit le doublement de la capacité d’accueil des aéroports nationaux. Ils ont également convenu d’intensifier leur coordination au sein des instances internationales telles que l’OACI (Organisation de l’aviation civile internationale) et l’OMI (Organisation maritime internationale), et se sont félicités de la relance du partenariat ferroviaire, nourri par les récentes conventions signées lors de la visite du président Emmanuel Macron au Maroc.Abdessamad Kayouh : Le Maroc construit un modèle de transport souverain, résilient et solidaire
Depuis Leipzig, où s’est tenu le 18e Sommet du Forum international des transports (ITF), le ministre du Transport et de la logistique, Abdessamad Kayouh, a affirmé l’engagement du Royaume à bâtir un système de mobilité moderne, durable et au service de la coopération internationale.Le Maroc a pris part à ce grand rendez-vous mondial avec une ambition claire: partager son expérience, renforcer les coopérations internationales et défendre une vision intégrée du transport, fondée sur la résilience, la souveraineté logistique et la solidarité avec les pays du Sud. «Notre participation à ce forum s’inscrit dans notre engagement en tant qu’acteur international de la mobilité. C’est une plateforme qui réunit chaque année tous les ministres des Transports du monde, des décideurs et des spécialistes. Elle nous permet de faire entendre la voix du Maroc, d’exposer nos réalisations et d’échanger sur les solutions aux grands défis du secteur», a déclaré Abdessamad Kayouh à l’issue de la session ministérielle.
Une feuille de route tournée vers 2030
Le ministre a mis en lumière les grandes avancées structurelles du Royaume, portées par la Vision Royale de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, en matière d’infrastructures de transport. Il a notamment rappelé les objectifs de la stratégie «Aéroports 2030», qui vise à doubler la capacité d’accueil nationale, passant de 40 à 80 millions de passagers. «Nous avons engagé une transformation majeure du secteur aérien et ferroviaire. Il y a deux semaines, Sa Majesté a inauguré l’extension de la ligne à grande vitesse reliant Tanger à Marrakech. À cela s’ajoute un nouveau réseau de trains régionaux à cadence élevée qui réduira les temps de trajet de 50% dans les grandes agglomérations d’ici 2030», a précisé M. Kayouh.
Le ministre a également souligné l’un des moments forts du sommet : la mise à l’honneur du Prix international Mohammed VI pour la sécurité routière, lancé à Marrakech en février 2025 lors de la quatrième Conférence ministérielle mondiale sur la sécurité routière.
Attribué conjointement au Fonds des Nations unies pour la sécurité routière (UNRSF) et à l’Organisation mondiale de la santé (OMS), ce prix a été officiellement adossé à une convention signée à Leipzig entre l’ONU, la Narsa et le ministère du Transport.
«Cette Initiative, portée par la Haute Volonté de Sa Majesté le Roi, vise à appuyer les pays en développement, notamment africains, pour la mise en place d’observatoires de sécurité routière et le renforcement de leurs capacités institutionnelles. C’est une contribution marocaine concrète à la protection des vies humaines à l’échelle mondiale», a affirmé le ministre.
Un cap assumé vers la souveraineté logistique
Le ministre a rappelé que la stratégie du Maroc repose également sur le développement d’un transport souverain, en phase avec les mutations du monde. Il a notamment évoqué l’ambitieux chantier du transport maritime, annoncé par Sa Majesté dans son discours de la Marche verte en 2023. «Nous vivons dans un monde en mouvement et en tension. C’est pourquoi le Maroc construit un modèle de transport souverain, en développant tous les modes : maritime, ferroviaire, aérien et logistique. Le plan national de transport maritime est en cours de finalisation. Il sera opérationnalisé dans les mois à venir», a-t-il indiqué. Le ministre a conclu en soulignant la nécessité pour les pays africains d’avoir une voix plus forte au sein des enceintes internationales comme l’ITF, appelant à une plus grande solidarité dans les politiques de mobilité.
Par cette participation remarquée, le Maroc confirme son leadership régional et international sur les enjeux de transport, de sécurité routière et de connectivité durable, en phase avec les Objectifs de développement durable et l’échéance stratégique de la Coupe du monde 2030.
Entretien avec Benacer Boulaajoul, DG de la Narsa : Faire adopter la Déclaration de Marrakech par les Nations unies est notre prochain grand défi
Le Matin : Vous participez cette année au Forum international du transport. Quelle est l’importance de ce rendez-vous pour la Narsa ?Benacer Boulaajoul : Le Forum international du transport (ITF) est l’un des plus grands événements annuels sur les politiques de mobilité à l’échelle mondiale. Il regroupe près de 60 pays membres de l’OCDE. Le Maroc en est membre depuis 2016. Pour nous, c’est un rendez-vous stratégique. Il permet de s’informer sur les meilleures pratiques, de dialoguer avec un large réseau d’experts et d’acteurs du transport, et surtout, de porter haut la question de la sécurité routière, que le Maroc a fait inscrire durablement à l’agenda de l’ITF.
La Déclaration de Marrakech a été au centre des discussions. Que représente-t-elle pour le Maroc et pour vous ?
La 4e Conférence ministérielle mondiale sur la sécurité routière, tenue à Marrakech en février dernier, a été un moment historique : plus de 100 ministres, 146 pays représentés, et surtout, une déclaration forte adoptée à l’unanimité. Cette Déclaration de Marrakech fixe les grands choix stratégiques à venir, en particulier pour les pays du Sud. Elle ne devait pas être un simple événement ponctuel. Nous avons pris l’engagement de suivre de près sa mise en œuvre, notamment en Afrique. Notre objectif est clair : faire de cette déclaration une résolution officielle adoptée par les Nations Unies dès 2026 à New York.
Quels sont les piliers de cette déclaration ?
Elle repose sur quatre axes essentiels :
• Le financement, sans lequel aucune stratégie ne peut être mise en œuvre. Il faut mobiliser les ressources au niveau national, mais aussi obtenir un appui des institutions internationales.
• La régulation des véhicules, car nombre de pays du Sud sont devenus des dépotoirs à voitures d’occasion non conformes. Des normes strictes doivent encadrer l’importation.
• La qualité des données, qui est fondamentale. Sans statistiques fiables, il est impossible de piloter des politiques publiques sérieuses.
• La gouvernance, avec des structures solides et autonomes. Il est temps que chaque pays se dote d’agences spécialisées en sécurité routière.
Concrètement, comment la Narsa se prépare-t-elle à relever ces défis ?
Nous avons lancé une étude sur notre repositionnement stratégique. Créée en 2020, la Narsa est jeune, mais doit évoluer avec son temps et les mutations réglementaires et institutionnelles. Une seconde étude porte sur l’évaluation de la Stratégie nationale de sécurité routière 2017-2026, et vise à proposer un nouveau plan d’action pour le prochain quinquennat.
En ligne de mire, l’horizon 2030... et la Coupe du monde ?
Absolument. La Coupe du Monde 2030 est un objectif national. Sous l’Impulsion de Sa Majesté le Roi, de grands chantiers sont lancés, notamment dans les infrastructures de transport. Tous auront un impact direct sur la sécurité routière. C’est pourquoi nous travaillons déjà sur des plans d’action avec les villes hôtes, à commencer par Marrakech, notre ville pilote. Nous y intégrons des exigences de signalisation, d’infrastructures aux normes et de technologies pour la gestion du trafic. Notre objectif est simple : zéro incident en 2030 et surtout, être prêts dès 2029.
Et au niveau international, quel rôle le Maroc entend-il jouer ?
Nous voulons maintenir notre position de leader africain sur cette question. Le Maroc joue un rôle de plaidoyer pour la sécurité routière au sein de toutes les grandes instances internationales. Notre crédibilité est reconnue. Nous continuerons à mobiliser notre réseau pour faire avancer la Déclaration de Marrakech vers son adoption à l’ONU. Ce ne sera pas facile, mais avec la volonté politique, la rigueur et l’engagement, nous y parviendrons.
Entretien avec Adil Bahi, DG de la Stratégie et des ressources au ministère du Transport : La modernisation des infrastructures et l’essor du transport public sont les piliers de notre résilience
Le Matin : Le Maroc a fait de la résilience des infrastructures un axe stratégique. Quels en sont les acquis majeurs ?Adil Bahi : Depuis l’Accession de Sa Majesté le Roi Mohammed VI au Trône en 1999, un effort colossal a été déployé pour moderniser l’ensemble des infrastructures de transport : routes, autoroutes, voies ferrées, ports, plateformes logistiques... Cette modernisation nous a dotés d’un réseau structurant conforme aux standards internationaux, capable de faire face à des chocs tels que les inondations, les catastrophes naturelles ou les crises logistiques. Cela garantit la continuité du service – qu’il s’agisse du transport de voyageurs ou de marchandises – et constitue un levier essentiel pour la résilience économique du pays.
Quel rôle joue la Narsa dans ce processus ?
La création de la Narsa marque une réforme structurelle clé. Elle permet d’unifier les efforts en matière de sécurité routière, dans le cadre d’une stratégie nationale visant à réduire de 50% le nombre de tués sur les routes. Aujourd’hui, même si nous n’avons pas encore atteint cet objectif, nous avons stabilisé la courbe des accidents et des décès, malgré une augmentation du trafic et du parc automobile. C’est déjà un acquis important.
Comment le ministère compte-t-il accélérer cette dynamique de réduction de la mortalité routière ?
Il faut redoubler d’efforts sur plusieurs fronts : les infrastructures, bien sûr, mais aussi la sensibilisation et l’éducation routière. L’un des piliers essentiels de notre vision est le développement du transport public, avec en ligne de mire une mobilité sûre, durable et accessible à tous.
Pouvez-vous détailler les grandes lignes de cette vision ?
Le chemin de fer est au cœur de notre stratégie. Le programme de l’ONCF à l’horizon 2030 prévoit l’extension de la ligne à grande vitesse jusqu’à Marrakech, puis Agadir, mais aussi le développement de services RER dans les grandes métropoles. Le rail est un mode de transport propre, sûr et efficace. Aujourd’hui, plus de 90% des trains circulent à partir d’énergies renouvelables.
En parallèle, nous modernisons le transport routier interurbain à travers un programme ambitieux de renouvellement de la flotte d’autocars. Il s’agit d’aider les opérateurs à acquérir des véhicules plus sûrs, plus confortables et plus performants. L’objectif est de rendre ce service plus attractif et complémentaire au réseau ferroviaire.
Comment s’inscrit la participation du Maroc au Sommet de l’ITF dans cette stratégie globale ?
Ce sommet est une plateforme mondiale unique qui réunit plus de 80 pays et l’ensemble des acteurs du transport. Notre présence vise à renforcer les partenariats, à en tisser de nouveaux et à affirmer le positionnement du Maroc comme hub logistique régional et international. C’est aussi l’occasion de partager notre expérience, comme celle du congrès mondial de la sécurité routière à Marrakech, où le Prix international Mohammed VI pour la sécurité routière a été lancé. Nous poursuivons le plaidoyer pour la Déclaration de Marrakech et œuvrons à sa reconnaissance par les Nations Unies.
Quelles sont les priorités du ministère à l’horizon 2030 ?
Cette échéance est stratégique, notamment en raison de l’organisation conjointe de la Coupe du monde avec l’Espagne et le Portugal. Plusieurs projets sont alignés sur cette échéance: l’extension de la LGV jusqu’à Marrakech, la connexion ferroviaire du port de Nador West Med, le doublement de la capacité aéroportuaire pour atteindre 80 millions de passagers par an, et l’expansion de la flotte de la RAM à 200 avions.
Nous avons aussi identifié 12 zones logistiques prioritaires sur 750 hectares, pour fluidifier le transport de marchandises, réduire les coûts logistiques et limiter les émissions. Ce réseau s’inscrit dans notre stratégie nationale de logistique.
Un mot de conclusion...
D’ici 2030, nous voulons un système de transport public sûr, moderne, accessible et durable. Nous nous préparons activement pour que le Maroc soit fin prêt bien avant l’échéance, avec des infrastructures au standard mondial, au service des citoyens et de la prospérité du pays.
Le Prix Mohammed VI pour la sécurité routière : récompenser les innovations
Annoncé le 18 février 2025 à Marrakech, le Prix international Mohammed VI pour la sécurité routière est une distinction visant à récompenser les initiatives innovantes en matière de lutte contre l’insécurité routière.Pour sa première édition, ce prix international doté de 500.000 dollars a été attribué en ex aequo à l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et au Fonds des Nations Unies pour la sécurité routière, en reconnaissance des efforts menés pour l’élaboration de stratégies globales de prévention et de réduction des risques routiers. Chacune des deux Institutions s’est ainsi vue décerner une récompense de 250.000 dollars.
Cette distinction, qui sera décernée une fois tous les quatre ans à l’occasion de la tenue de la Conférence ministérielle mondiale pour la sécurité routière, illustre la Haute Sollicitude dont Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu L’assiste, ne cesse d’accorder au bien-être des citoyens et à leur sécurité face aux aléas et risques de la route.
«Une seule route, une seule vie» : Ce que contient la Déclaration de Marrakech sur la sécurité routière
Adoptée à l’issue de la quatrième Conférence ministérielle mondiale sur la sécurité routière, organisée à Marrakech du 18 au 20 février 2025 sous le Haut Patronage de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, la Déclaration de Marrakech marque un tournant dans les efforts de la communauté internationale pour réduire les accidents de la route. Première du genre à se tenir sur le continent africain, cette conférence a réuni plus de 140 pays et mobilisé un éventail d’acteurs publics, privés et issus de la société civile. Voici ce qu’il faut retenir du contenu de cette déclaration ambitieuse.La Déclaration de Marrakech consacre une reconnaissance inédite des défis particuliers auxquels font face les pays africains en matière de sécurité routière. Le texte note que l’Afrique concentre 20% des décès routiers dans le monde alors qu’elle ne représente que 2% du parc automobile mondial. Il appelle à une attention renforcée pour cette région, en insistant sur le soutien au financement, au renforcement des capacités, à la collecte de données fiables et à la régulation des véhicules importés.
Une vision universelle et intégrée de la sécurité routière
Les signataires de la Déclaration affirment que la sécurité routière est un droit fondamental qui doit faire partie intégrante des politiques de développement durable. Ils réitèrent les objectifs du Plan mondial pour la Décennie d’action pour la sécurité routière 2021–2030, qui vise à réduire de moitié les décès et blessures sur les routes à l’horizon 2030, conformément aux Objectifs de développement durable (ODD).
La déclaration rappelle aussi les engagements antérieurs pris dans les Déclarations de Moscou (2009), Brasilia (2015) et Stockholm (2020), tout en soulignant que des progrès insuffisants ont été réalisés jusqu’ici.
La Déclaration de Marrakech appelle à :
• La mise en œuvre de stratégies nationales financées et mesurables.
• La création d’agences nationales de sécurité routière là où elles n’existent pas.
• L’adoption de normes de sécurité pour les infrastructures et les véhicules selon les standards internationaux.
• L’intégration de la sécurité routière dans les politiques urbaines, de mobilité multimodale et d’aménagement du territoire.
Les États sont également invités à introduire des programmes d’éducation à la sécurité routière, notamment dans les écoles, et à adopter des législations strictes sur les facteurs de risque : ceinture de sécurité, casque, conduite sous influence, excès de vitesse, etc.
Une mobilisation globale autour du financement
L’un des points clés de la Déclaration réside dans l’appel à une mobilisation massive des ressources financières. Les pays signataires soulignent que la sécurité routière reste «gravement sous-financée» et encouragent un recours accru aux instruments internationaux comme le Fonds des Nations Unies pour la sécurité routière et la Facilité mondiale de sécurité routière (Global Road Safety Facility). La Déclaration propose également de mieux intégrer la sécurité routière dans les projets de développement financés par les bailleurs internationaux.
Une ambition claire pour l’avenir
Parmi les engagements les plus concrets figurent :
• L’adoption de systèmes de gestion de la sécurité tels que les normes ISO 39001 par les entreprises.
• La collecte d’indicateurs de performance clairs et harmonisés à l’échelle mondiale.
• Le suivi des engagements par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
• Et surtout, l’organisation à mi-parcours d’une réunion régionale en Afrique, portée par le Maroc, pour évaluer la mise en œuvre de la Déclaration.
Le Maroc a également proposé la création d’un comité ad hoc présidé par l’Agence nationale de la sécurité routière, chargé d’harmoniser les politiques africaines en matière de sécurité routière dans la perspective des ODD.
Enfin, la Déclaration de Marrakech appelle l’Assemblée générale des Nations unies à adopter une résolution officialisant le texte, afin d’assurer sa diffusion et sa mise en œuvre à l’échelle mondiale. Portée par une volonté de transformation profonde, la Déclaration de Marrakech s’impose comme un instrument stratégique et politique majeur dans la lutte contre l’insécurité routière. Elle inscrit résolument la sécurité routière au cœur des politiques publiques, de la coopération internationale et de l’agenda du développement durable.
Le transport mondial face aux chocs : le bilan du Forum ITF 2025
À l’occasion du Sommet annuel du Forum international des transports (ITF) 2025, plus de 1.200 ministres, dirigeants d’entreprise et experts se sont réunis à Leipzig, du 21 au 23 mai 2025, pour analyser la résilience des transports sur le thème «Transport Resilience to Global Shocks». Entre plénières, ateliers pointus et rencontres bilatérales, le forum a montré comment le secteur entend absorber pandémies, conflits et dérèglement climatique tout en accélérant sa transition bas carbone.Guerres commerciales, droits de douane et sanctions croisées ne cessent de rebattre les cartes. Les économistes de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) prévoient une érosion d’environ 1% du trafic conteneurisé mondial en 2025, chiffre en trompe-l’œil derrière lequel se cache une relocalisation de grande ampleur. Sous la bannière du «friend-shoring», de grands groupes déplacent déjà leurs chaînes d’assemblage vers l’Afrique du Nord, l’Europe du Sud-Est ou l’Asie centrale, quête d’alliances politiques plus sûres et de cadres réglementaires plus prévisibles.
Les ports s’adaptent à cette géographie mouvante. Hambourg et Busan ont présenté une plateforme d’alerte qui croise météo extrême, niveau de congestion et risques sociaux afin de re-router navires et cargaisons avant qu’un incident local ne se transforme en embouteillage planétaire façon Suez 2021. Rotterdam, de son côté, teste une tour de contrôle logistique pan-européenne, censée synchroniser les plannings de 25 terminaux du nord-ouest de l’Europe.
Côté rail, la Route de la Soie repasse par le Kazakhstan et l’Azerbaïdjan. Les convois intermodaux ont bondi de 35% en deux ans, malgré les tensions régionales. Pour que le train joue réellement son rôle de soupape, les opérateurs réclament un guichet douanier unique et une numérisation totale des manifestes: finis les tampons papier, place aux e-documents horodatés et traçables.
Ukraine : reconstruire pour résister
Le Sommet a livré un chiffrage brutal: 36 milliards de dollars de dégâts depuis 2022 ; quelque 77 milliards de dollars pour redonner souffle aux routes, ponts, voies ferrées et terminaux fluviaux. Trois corridors «solidaires» – Gdansk, Constanța, Klaipėda – ont été confirmés pour maintenir les exportations de céréales et d’acier. La Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) injecte déjà 3 milliards d’euros dans la conversion des rails à l’écartement européen et la modernisation des gares frontière de Medyka et Izaccea. La Banque mondiale mobilise une garantie partielle afin d’attirer les assureurs privés sur les lots routiers à haut risque.
Kyiv ne veut pas d’une simple reconstruction «à l’identique». Les plans prévoient des chaussées intelligentes capables de peser les camions à la volée, des dispositifs d’alimentation électrique pour trains hybrides et la généralisation des hubs intermodaux bas carbone. À l’horizon 2030, l’Ukraine ambitionne de devenir le premier réseau national certifié «anti-fragile» : chaque pont et chaque terminal devront intégrer un protocole de continuité opérationnelle en moins de quatre heures après sinistre.
L’Azerbaïdjan prend la barre
«Chili dehors, Bakou dedans» : la présidence 2025-2026 de l’ITF change de latitude, mais pas de priorités. Objectif affiché par l’Azerbaïdjan : faire du Caucase un hub logistique «zéro carbone et zéro panne». Première pierre: des jumeaux numériques d’infrastructures capables de tester, en temps réel, l’impact d’une crue, d’un cyber-rançongiciel ou d’un pic de trafic sur le pont maritime de Baku – Turkmenbashi. Deuxième pierre : des corridors verts alimentés à 80% par les solaire et éolien caspiens, avec bornes mégawatt pour camions électriques tous les 100 km.
Au-delà des promesses, les bailleurs veulent des garanties. La BAII a dépêché une task-force pour évaluer les risques géopolitiques et la rentabilité des terminaux d’Alat et de Baku Port Extension. Plusieurs armateurs étudient déjà un service roulier Mersin-Alat, qui réduirait de trois jours le transit Turquie-Kazakhstan. Les diplomates, eux, soulignent qu’en cas de succès, le Caucase pourrait siphonner une partie des flux qui transitent aujourd’hui par la Baltique.
Cybersécurité : la nouvelle ligne Maginot
Avec un tiers des attaques OT visant déjà le transport, Leipzig a tiré le signal d’alarme. L’ITF annonce la création d’un Transport Cyber Resilience Board: plateforme d’échange de vulnérabilités, guide d’homologation «secure by design» et centre d’entraînement virtuel aux cybercrises. Les constructeurs, eux, devront adopter un label unique couvrant tout le cycle de vie, de la puce embarquée à la mise au rebut. Sans cette digue, une attaque sur un port asiatique peut, en 72 heures, bloquer un entrepôt européen et faire grimper le prix du conteneur de 300%.
Cap sur Bakou 2026 : ambitions, calendrier et enjeux
Bakou, qui assumera la présidence de l’ITF en 2026, veut passer de la théorie à la démonstration pratique de la résilience. Le rendez-vous caucasien misera sur trois chantiers structurants. Premier axe, la gouvernance «anti-fragile» : création d’un centre de crise transfrontalier capable de basculer un terminal roulier en hub humanitaire ou d’ouvrir un pont aérien cargo en moins de 48 heures, avec procédures standardisées pour l’Azerbaïdjan, la Géorgie et le Kazakhstan. Deuxième axe, les corridors zéro émission : 1.500 km de routes électrifiées entre la Caspienne et la mer Noire, jalonnées de bornes mégawatt alimentées à 80% par solaire et éolien caspiens ; des navettes ferroviaires hydrogène sont également à l’étude pour relier Bakou à Tbilissi. Troisième axe, l’Open Resilience Hub : une base de données régionale – météo extrême, files d’attente douanières, alertes cyber – qui fournira des API ouvertes aux armateurs, transitaires et autorités douanières pour dévier instantanément les flux en cas de crise. Bakou fixe déjà un objectif-test : garantir un maintien d’au moins 70% du débit logistique régional, même lors d’un scénario cumulé «cyberattaque + alerte inondation». Verdict attendu lors du Sommet ITF, programmé du 20 au 22 mai 2026.
