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Jeudi 19 Juin 2025
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Le secrétariat général du gouvernement travaille pour un système plus innovant et plus numérique

Dans le cadre de la 30e édition du Salon international de l’édition et du livre (SIEL) de Rabat, le secrétariat général du gouvernement (SGG) a organisé un atelier-débat révélateur des transformations profondes que connaît le système juridique marocain. Sous le slogan «Vers une gouvernance juridique innovante et un avenir numérique prometteur», cette rencontre a permis d’explorer les défis et les perspectives d’un secteur en pleine mutation. Des experts de haut niveau ont débattu de la nécessité d’améliorer la qualité des textes juridiques, de renforcer leur efficacité et d’intégrer les évolutions numériques.

Le stand du secrétariat général du gouvernement au Salon du livre était plein à craquer samedi dernier. Chercheurs, étudiants et acteurs institutionnels s’y pressaient pour assister à un atelier-débat sur «le rôle de la gouvernance juridique dans l’amélioration de la qualité et de l’efficacité du droit». À la tribune, sous l’œil attentif de la modératrice Bouchra Boumaïz, conseillère juridique des administrations au SGG, quatre experts s’apprêtaient à partager leurs visions d’un système juridique en pleine transformation. Les projecteurs étaient braqués sur les intervenants et chacun ressentait l’importance du moment : au cœur de la plus cette manifestation culturelle du pays, le SIEL, le droit allait être mis à l’honneur, non comme un ensemble de textes poussiéreux, mais comme un levier de modernisation de la société marocaine.

Une vision stratégique pour moderniser le système juridique marocain

«Le slogan choisi par notre institution pour cette édition du SIEL n’est pas un simple exercice de style», a d’emblée affirmé Abdelkhalek Dahmani, conseiller juridique des administrations au SGG. «Il véhicule une vision stratégique profonde de l’avenir de notre système juridique national». Et de préciser que cette vision repose sur l’intégration de la numérisation dans les démarches juridiques et administratives, «de manière à garantir aux citoyens et aux investisseurs un accès facile et équitable aux droits et aux services».

Cette déclaration illustre parfaitement le tournant stratégique que connaît aujourd’hui le secrétariat général du gouvernement. Loin d’être une simple administration chargée de la rédaction des textes, le SGG se positionne désormais comme un «partenaire-clé dans les réformes en cours et dans la construction d’un système juridique cohérent et performant», selon les termes de M. Dahmani.

Pour concrétiser cette ambition, le SGG a engagé des réformes structurelles majeures, notamment à travers «la création d’une Direction de la numérisation et des systèmes d’information, ainsi que l’établissement d’un Centre consacré au développement des compétences, à la veille juridique et à la coopération», a-t-il précisé. Ces innovations organisationnelles s’inscrivent dans une dynamique plus large visant «la mise à jour, la consolidation et la codification des textes juridiques».

La gouvernance juridique : un levier fondamental pour l’amélioration de la législation

Mais qu’entend-on exactement par «gouvernance juridique» ? Plus qu’un simple concept à la mode, il s’agit d’un «levier fondamental pour le développement du système législatif et la garantie de son efficacité», a expliqué M. Dahmani. Cette notion englobe de nombreux aspects, notamment «la qualité de la rédaction juridique, la maîtrise des procédures d’élaboration des textes, l’évaluation de leurs impacts, le respect de la cohérence et de l’harmonie des textes, des principes constitutionnels et des règles générales de droit».

En approfondissant ce concept, le conseiller juridique a identifié trois piliers qui structurent le rôle de la gouvernance juridique. Le premier concerne «l’amélioration de la qualité des textes juridiques et leur accessibilité». Comme il l’a judicieusement rappelé, «un texte juridique n’est pas une fin en soi, mais un outil d’organisation des rapports sociaux et de garantie des droits». D’où l’importance d’une rédaction claire et précise, qui «renforce la sécurité juridique, réduit les risques d’interprétations divergentes et consolide la confiance dans la loi».

Le deuxième pilier porte sur «le renforcement de l’intégration et de l’efficience du système normatif». Il s’agit d’éviter la prolifération de textes redondants ou contradictoires, en veillant à leur cohérence et leur complémentarité. Enfin, le troisième pilier concerne «l’efficacité et l’impact réel» des textes juridiques, ce qui implique un suivi rigoureux de leur mise en œuvre et une évaluation de leur pertinence face à l’évolution des secteurs concernés.

L’étude d’impact : un outil pour améliorer la qualité des textes juridiques

Dans cette quête d’efficacité, de nouveaux outils se révèlent particulièrement pertinents. Le professeur Allal Fali, de la Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales d’Agdal à Rabat, a ainsi plaidé pour «dépasser l’approche traditionnelle dans l’élaboration des lois en se concentrant sur l’amélioration des textes plutôt que leur simple rédaction». Il a notamment proposé «l’adoption d’une méthodologie d’étude d’impact comme mécanisme pour garantir la qualité des textes juridiques avant ratification».

Cette technique, inspirée de l’école anglo-saxonne, repose sur «une évaluation des impacts économiques, sociaux, administratifs et psychologiques des projets de loi, en tenant compte de l’équilibre entre efficacité juridique et résilience législative», a-t-il expliqué. Plus concrètement, le professeur Fali a «souligné la nécessité d’accompagner systématiquement les projets ou propositions de loi de notes de présentation structurées, afin de nourrir et de renforcer l’analyse d’impact». Cette approche s’inscrit parfaitement dans la vision plus large portée par le SGG, qui met l’accent sur la qualité des textes plutôt que sur leur quantité. Elle répond également aux défis posés par les mutations numériques et sociales, qui exigent des textes juridiques plus adaptables et plus résilients.

Les défis de la norme juridique

Mais la gouvernance juridique ne se limite pas à des questions techniques de rédaction ou d’évaluation. Elle soulève également des questions de fond sur la finalité même du droit dans la société. C’est ce qu’a mis en lumière le professeur Abderrahmane Echarkaoui, de la Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales de Souissi, en abordant «la question de l’avenir du droit entre gouvernance juridique et contraintes économiques». «La gouvernance juridique nécessite actuellement le développement d’un système législatif équilibré en vue de protéger les droits individuels et la vie privée, sans oublier les transformations accélérées au niveau mondial, notamment dans les domaines de l’intelligence artificielle et de la cyberdéfense», a-t-il souligné. Une façon de rappeler que le droit doit toujours garder sa vocation protectrice, même face aux impératifs économiques et technologiques.

Le professeur Echarkaoui a également «abordé la question de la moralisation du droit, soulignant la prédominance croissante de la logique économique au détriment des considérations éthiques». Il a par ailleurs «soulevé la problématique de la conciliation entre impératifs économiques et vocation sociale de la norme juridique». Cette réflexion de fond sur la finalité du droit est encore plus importante dans le contexte actuel des grandes réformes engagées par le Maroc. Comme l’a rappelé M. Dahmani, le pays est engagé dans «un vaste processus de réformes en vue de construire un État moderne...».

Vers un avenir juridique intégré et numérique

Face à ces multiples défis, le SGG a clairement affiché son ambition de construire «un avenir juridique intégré et performant, en phase avec les chantiers structurants. Cette ambition se traduit notamment par une priorité accordée au «toilettage juridique», avec déjà «30 textes consolidés à ce jour», selon M. Dahmani. L’accent est également mis sur la digitalisation, qui permet «un accès fluide et transparent aux textes juridiques et une meilleure application». Cette orientation numérique n’est pas un simple effet de mode, mais une nécessité pour répondre aux attentes des citoyens et des investisseurs. Enfin, le SGG accorde une attention particulière à la valorisation de la traduction juridique, avec «la publication progressive des textes en amazigh» (avec un objectif fixé à 2034) et «la publication de textes en français, langue la plus utilisée par les investisseurs et chercheurs».

Comme l’a conclu M. Dahmani, l’objectif final est de «garantir l’harmonisation des textes, promouvoir la justice et faire du Maroc un modèle en matière d’équité, de légalité et de gouvernance juridique». La participation du SGG au SIEL témoigne ainsi de sa volonté d’ouvrir le débat public sur ces questions cruciales et d’interagir avec l’ensemble des acteurs concernés. Car c’est bien en favorisant cette interaction entre les institutions, les universitaires et la société civile que le Maroc pourra construire un système juridique à la hauteur de ses ambitions.
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