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Le Maroc orchestre la révolution mondiale des statistiques du commerce international

Du 6 au 9 mai 2025, Marrakech accueille la réunion décisive de l'équipe spéciale sur les statistiques du commerce international, co-présidée par le Maroc. Cet événement majeur, organisé par l'Office des changes, en collaboration avec les Nations unies, rassemble des experts de plus de 30 pays pour finaliser de nouveaux manuels méthodologiques. Ces références mondiales, fruit d'un travail rigoureux entamé en 2021, visent à renforcer la fiabilité et la comparabilité des statistiques commerciales. Un moment historique pour le Royaume qui confirme son leadership international dans ce domaine stratégique, où se joue l'avenir des politiques économiques mondiales.

C'est dans la ville ocre, là même où fut signée en 1995 la création de l'Organisation mondiale du commerce, que le Maroc réaffirme aujourd'hui son rôle de premier plan dans l'architecture économique mondiale. En accueillant la réunion finale de l'équipe spéciale des Nations unies sur les statistiques du commerce international du 6 au 9 mai 2025, le Royaume ne se contente pas d'organiser un événement technique. Il orchestre la conclusion d'un processus mondial de transformation profonde des méthodes d'évaluation des échanges commerciaux internationaux.
Lors de la séance d'ouverture présidée par Nadia Fettah Alaoui, ministre de l'Économie et des finances, l'ambition était claire : adopter de nouveaux standards qui serviront de référence mondiale pour les années à venir. «La disponibilité de données statistiques actualisées, détaillées et surtout établies dans le respect total des normes internationales et s'inspirant des bonnes pratiques en la matière, est un atout et un outil déterminants tant pour les décideurs publics que pour les opérateurs économiques», a affirmé la ministre devant un parterre d'experts venus des quatre coins du monde. L'enjeu est de taille : dans une économie mondiale en constante mutation, où les chaînes de valeur se redéfinissent et où les échanges se complexifient, disposer de statistiques fiables n'est plus un luxe, mais une nécessité stratégique.

Une quête mondiale de données fiables dans un contexte économique incertain

La réunion de Marrakech intervient à un moment critique pour l'économie mondiale. Comme l'a souligné Barbara D'Andrea, représentante de l'Organisation mondiale du commerce, les tensions commerciales actuelles bouleversent les prévisions économiques. «Nous projetons que le volume du commerce mondial de marchandises diminuera de 0,2% en 2025. Cette nouvelle estimation est près de trois points de pourcentage inférieure à ce qu'elle aurait été sans les récents changements de politique et marque un renversement significatif par rapport au début de l'année», a-t-elle révélé lors de son allocution d'ouverture.

Face à ces incertitudes, la nécessité de disposer de statistiques précises et harmonisées devient cruciale. Markie Muryawan, chef de la Section Commerce & Industrie à la Division des statistiques des Nations unies, a insisté sur l'importance de maintenir une transparence dans le système commercial international : «Sans standards mondiaux sur les statistiques commerciales, il serait impossible pour les pays de développer des politiques industrielles et commerciales nationales, de s'engager dans des négociations commerciales multilatérales et bilatérales».

Cette vision est partagée par le directeur de l'Office des changes marocain, Driss Benchikh, qui a rappelé que «les statistiques produites et publiées par l'Office des changes, conformément aux normes internationales en vigueur, s'inscrivent dans le respect des principes fondamentaux d'établissement des statistiques, notamment en matière de qualité, de transparence, de comparabilité et d'indépendance».

Le Maroc, co-président et acteur clé du renouveau statistique mondial

L'implication du Royaume dans ce processus international ne date pas d'hier. Le choix du Maroc comme co-président de l'Équipe spéciale sur les statistiques du commerce des Nations unies (TT-ITS) est l'aboutissement d'une coopération ancienne et fructueuse. «Le Maroc a contribué activement à la version du MSITS en 2010 et a coprésidé la TT-ITS, depuis son institution en 2021», a précisé Driss Benchikh.

Ce leadership s'inscrit dans une stratégie nationale ambitieuse de modernisation du système statistique marocain. La ministre Fettah l'a clairement exprimé : «Pour le Maroc, engagé depuis plusieurs années dans une dynamique de transformation économique profonde, le développement et la fiabilisation de notre système statistique, en particulier dans le domaine du commerce extérieur, constituent une priorité stratégique. Nous croyons fermement que la production de données de qualité, harmonisées, comparables et accessibles, est un préalable à toute politique publique efficace».

Les chiffres témoignent de cette ouverture commerciale croissante du Royaume. En un quart de siècle, le total des échanges de biens est passé de 201,3 milliards de dirhams en 2000 à 1.217,6 milliards de dirhams en 2024. Quant aux échanges de services, ils ont presque quintuplé entre 2004 et 2024, passant de 90,1 milliards de dirhams à 421,6 milliards de dirhams. Cette évolution remarquable justifie l'attention particulière portée par le Maroc à la qualité des statistiques qui mesurent ces flux commerciaux.

Des manuels pour répondre aux défis d'un monde en mutation

Le cœur des travaux de cette réunion porte sur la finalisation des nouveaux manuels méthodologiques élaborés par l'équipe spéciale depuis 2021. Ces documents – le Manuel des statistiques du commerce international de marchandises (IMTS) et le Manuel des statistiques du commerce international des services (MSITS) – constitueront la référence mondiale pour l'établissement des statistiques commerciales. Leur mise à jour répond à des défis bien identifiés, comme l'a rappelé Barbara D'Andrea : «Le futur du commerce est dans les services, le numérique, et l'écologie – et il doit être inclusif». Pourtant, par rapport aux marchandises, «le commerce des services reste mal capturé.

De son côté, Markie Muryawan a mis en lumière les nouveaux défis méthodologiques auxquels sont confrontés les statisticiens : «Les statistiques signifient mesurer la société, et le commerce devient de plus en plus complexe. La mondialisation, la numérisation... sont des sujets actuellement abordés dans les manuels, mais il y en a d'autres, comme l'intégration avec les statistiques des entreprises, l'impact du commerce sur la durabilité environnementale, le bien-être, l'inclusivité sociétale, etc.»

Les manuels dont la révision touche à sa fin s'intéressent également à la Classification Type pour le commerce international (CTCI) et au manuel sur les principaux indicateurs des statistiques économiques et commerciales. «La mise à jour touchera également le manuel sur les principaux indicateurs des statistiques économiques et commerciales et sera l'occasion de mener la réflexion sur le plan de révision de la Classification Type pour le commerce international», a précisé Driss Benchikh.

L'Office des changes marocain, un modèle de modernisation statistique

Ainsi, l'organisation de cette rencontre internationale par le Maroc n'est pas le fruit du hasard. Elle témoigne de la maturité et de l'excellence de l'Office des changes en matière de production statistique. «Je saisis cette occasion pour souligner le degré de maturité de l'Office des changes en tant que producteur national unique des statistiques des échanges extérieurs, de la balance des paiements et de la position extérieure globale du Maroc», a déclaré la ministre Fettah lors de son allocution.

Cette institution s'est engagée dans une stratégie ambitieuse pour le quinquennat 2025-2029. Comme l'a détaillé son directeur, cette stratégie s'articule autour de quatre axes majeurs : «Renforcer la coopération avec les institutions nationales et internationales, moderniser le système de collecte des données, améliorer les processus de compilation des statistiques des échanges extérieurs, et élargir la politique Open Data de l'Office des changes».

La transformation digitale est au cœur de cette modernisation. «L'Office des changes poursuit la digitalisation intégrale de ses processus métiers, instaure une gouvernance rigoureuse de la donnée et renforce la sécurité de ses systèmes d'information en s'alignant sur les normes internationales les plus exigeantes», a précisé Driss Benchikh.

Un rayonnement marocain qui s'étend au continent africain

L'expertise marocaine en matière de statistiques commerciales bénéficie également à d'autres pays, notamment en Afrique. «Dans le cadre du renforcement de la coopération avec les pays africains, des réunions se sont tenues entre l'Office des changes et l'Institut des statistiques de l'Union africaine (STATAFRIC)», a souligné le directeur de l'Office. Cette coopération s'est traduite par un accès aux données du commerce extérieur du Maroc via un canal EDI pour l'Union africaine, à l'instar de ce qui se fait avec les institutions internationales. Par ailleurs, à la demande du FMI, l'Office des changes fournit depuis 2016 une assistance technique dans le domaine des statistiques de la Balance des paiements et de la Position extérieure globale au profit de plusieurs pays africains. «Plusieurs pays africains ont bénéficié de cette assistance», a précisé Driss Benchikh, citant notamment le Niger, le Mali, le Togo, le Tchad, le Gabon et la Mauritanie. Une délégation de la République de Guinée a également émis le vœu de s'inspirer du système marocain pour renforcer ses capacités en matière d'élaboration des statistiques des échanges extérieurs.

Vers une nouvelle ère des statistiques commerciales

L'adoption des manuels prévue à l'issue de cette rencontre de Marrakech marquera une étape décisive dans l'évolution des méthodes statistiques internationales. Ces documents, fruit d'un travail collaboratif intense depuis 2021, serviront de référence mondiale pour les années à venir. «Nous avons réalisé des progrès remarquables avec le bon processus, les bons experts et un esprit de coopération», a souligné Markie Muryawan. Il a ajouté être «optimiste qu'à la fin de cette semaine, nous aurons une bonne discussion et délibération pour garantir que nos projets de texte MSITS et IMTS seront prêts pour la consultation mondiale dans les mois à venir».
Pour l'OMC, l'enjeu est également de taille face aux défis du commerce mondial. Barbara D'Andrea a rappelé que «nous devons adopter l'innovation à la fois dans ce que nous mesurons et dans la façon dont nous le mesurons. Les mégadonnées, l'IA et l'apprentissage automatique, ainsi que les outils de reporting numériques présentent de réelles opportunités pour combler les lacunes d'information et améliorer la rapidité et la précision.»
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