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Mardi 17 Juin 2025
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Les politiques sont en déphasage avec les préoccupations des jeunes (Lamya Benmalek)

Invitée de l’émission «L’Info en Face» sur Matin TV, Lamya Benmalek, juriste et actrice associative, analyse les attentes d’une génération en quête de dignité et de reconnaissance face à un système politique en déphasage avec son temps. Brossant le portrait d’une jeunesse marocaine à la fois lucide et désabusée, entre espoirs et déceptions, elle met en lumière une fracture structurelle entre les élites politiques et une nouvelle génération qui peine à se reconnaître dans les discours des partis.

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La jeunesse marocaine, véritable incarnation de l’avenir du pays, se trouve aujourd’hui à la croisée des chemins. Entre aspirations légitimes et frustrations récurrentes, cette génération, pleine d’ambition et bourrée de talents, entretient une relation complexe avec un système politique perçu comme verrouillé, peu à l’écoute et indigne de confiance. Invitée de l’émission «L’Info en Face» sur Matin TV, Lamya Benmalek, juriste et actrice associative, dépeint sans détour les défis d’une jeunesse désillusionnée face à la nécessité de construire le dialogue avec la classe politique et les pouvoirs publics.

Une jeunesse plurielle, un rêve de dignité

Pour l’invitée de «L’Info en Face», la première erreur à éviter est de considérer cette jeunesse comme une entité homogène. Elle insiste sur sa richesse et la diversité de ses choix et de ses attentes. «Je n’aurais pas la prétention de dire précisément à quoi rêve cette jeunesse qui est si diverse, confie-t-elle, mais une chose est sûre : elle aspire avant tout à une vie de dignité, à davantage de justice sociale. Ce sont là ses principales revendications.»

Cette diversité des aspirations reflète une réalité plurielle, où cohabitent des parcours, des expériences et des visions du futur très variés, ce qui complique la tâche des responsables politiques, souvent tentés d’uniformiser ce segment de la population. Selon elle, alors que les politiques publiques sont pensées et conçues dans une logique de moyen terme, voire plus, les jeunes veulent des réponses immédiates à leurs préoccupations. Les échéances comme celle de 2030, régulièrement mises en avant dans les discours officiels, notamment à l’occasion de grands événements internationaux tels que la Coupe du monde, paraissent parfois comme déconnectées de leurs besoins urgents. «On souhaiterait qu’on nous parle plutôt de 2025 et 2026. Au-delà, c’est encore trop loin», souligne Lamya Benmalek, traduisant ainsi un sentiment d’urgence palpable chez cette génération qui vit au rythme des défis quotidiens : emploi, logement, accès aux droits fondamentaux.

Si la juriste reconnaît l’importance que représente l’organisation d’un tel événement sur le plan des infrastructures et de la visibilité internationale du pays, elle exprime néanmoins une réserve marquée quant à son impact concret sur la vie des jeunes marocains. «Je me demande ce qui va vraiment changer pour eux d’ici là !», s’interroge-t-elle, soulignant le décalage entre les grandes promesses affichées et la réalité vécue par la jeunesse.

2030 : une échéance instrumentalisée à des fins de communication politique ?

Poursuivant son intervention, Lamya Benmalek déplore l’utilisation de l’échéance 2030 comme un instrument de markéting politique plutôt que comme le projet d’une Nation. «Certains cherchent à se positionner à travers ce grand rendez-vous et d’en tirer un bénéfice politique», affirme-t-elle, appelant les forces politiques à s’intéresser aux véritables enjeux de développement, au cœur desquels se trouvent les jeunes. Et de relever que la jeunesse marocaine, souvent désabusée, fait peu de cas de ces stratégies de communication trop souvent déconnectées de leurs préoccupations.

Bien que faisant partie de l’univers politique, Lamya Benmalek porte un regard sans complaisance sur la fracture croissante entre la jeunesse marocaine et les institutions partisanes. «On a un peu l’impression que cette sphère politique se sert de la jeunesse pour arriver à ses fins, précise-t-elle, soulignant que ce discours opportuniste ne passe plus.



Malgré la volonté affichée par certains partis de parler aux jeunes à travers des canaux modernes comme les réseaux sociaux, le fossé ne cesse de se creuser. «Communiquer sur les réseaux sociaux est devenu une nécessité et c’est bien, mais l’impact reste marginal. La parole des partis ne trouve pas encore d’écho. Le mal est structurel, il y a eu trop de décrochage entre la jeunesse et les partis», assène-t-elle. L’invitée de «L’Info en Face» en veut pour exemple la récente tension entre le gouvernement et les étudiants en médecine. Pour elle, cette crise a été révélatrice d’un véritable problème de dialogue politique. Et cela ne fait qu’exacerber la défiance envers l’acteur politique et les preneurs de décisions.

Pourtant Lamya Benmalek estime que la jeunesse marocaine continue de faire la part des choses et ne rejette pas la politique par principe. Elle la rejette telle qu’elle est pratiquée et vécue par certains acteurs. D’où son appel à une réflexion profonde sur une réforme du lien entre institutions et citoyens. Cette réforme doit, selon elle, être fondée sur une écoute réelle des attentes des jeunes.

Réforme de la Moudawana : des attentes trahies ?

Lamya Benmalek tient à exprimer sa profonde déception quant à l’évolution de la réforme de la Moudawana. Si les premières étapes étaient encourageantes, la dynamique semble aujourd’hui s’essouffler : «Ils ont amorcé un travail méthodique, sérieux. Mais actuellement, on assiste à un certain ralentissement, depuis l’avis du Conseil supérieur des oulémas.» Ce fléchissement, Mme Benmalek l’attribue à une frilosité politique généralisée face au dogmes religieux et même sociaux. «Certains partis ont été très conformistes, comme s’ils attendaient que d’autres prennent des risques à leur place. Seul le PPS a osé des propositions fortes, dès le départ», affirme-t-elle. De ce fait, l’invitée ne s’étonne pas que certaines évidences continuent d’être remises en question en 2025. «Que la reconnaissance de la filiation par ADN fasse encore débat aujourd’hui, c’est incompréhensible. Je m’attendais à des blocages ailleurs, mais pas sur ce point», indique-t-elle.
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