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L’exception d’inconstitutionnalité, nouvel outil de la primauté de la Loi fondamentale

Le projet de loi organique fixant «les conditions et les modalités d'application de l’exception d'inconstitutionnalité soulevée au cours d'un procès», adopté lors du dernier Conseil des ministres présidé par Sa Majesté le Roi Mohammed VI, consacre une avancée majeure pour l’État de droit. En opérationnalisant l’article 133 de la Constitution, elle introduit pour la première fois dans le système juridique marocain la possibilité pour un justiciable de contester la constitutionnalité d’une loi appliquée à son cas. Ce mécanisme, connu sous le nom d’«exception d’inconstitutionnalité», confère au citoyen un rôle actif dans la défense des droits et libertés garantis par la Loi fondamentale. Pour le professeur Ahmed Bouz, cette réforme marque «un tournant démocratique», en plaçant la justice constitutionnelle au service du citoyen et de la transparence institutionnelle.

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Adoptée lors du dernier Conseil des ministres présidé par Sa Majesté le Roi Mohammed VI, la réforme du cadre organique de la Cour constitutionnelle marque un tournant majeur dans la consolidation de l’État de droit. En donnant corps à l’article 133 de la Constitution, elle permet désormais à tout justiciable de contester la constitutionnalité d’une loi appliquée à son cas lorsqu’il estime qu’elle porte atteinte à ses droits ou à ses libertés. Pour le professeur Ahmed Bouz, spécialiste du droit constitutionnel, «ce projet instaure un mécanisme permettant à chaque citoyen, confronté à une disposition législative qu’il juge attentatoire à ses droits, de la contester dans le cadre concret d’un litige en cours».

Un nouveau visage pour la justice constitutionnelle

Cette innovation, appelée exception d’inconstitutionnalité, opère un changement de paradigme : elle transforme la justice constitutionnelle en une instance ouverte sur le citoyen. Le professeur Ahmed Bouz explique que «l’objectif essentiel du projet est de traduire dans la réalité les dispositions de l’article 133 de la Constitution» ; autrement dit, faire passer le droit abstrait en procédure concrète. Pour lui, cette réforme «permet aux citoyens de devenir des acteurs du contrôle de la conformité des lois à la Constitution, et non plus de simples destinataires».

Le texte précise minutieusement la démarche à suivre. L’exception est d’abord soulevée devant la juridiction du fond, qui vérifie si la demande respecte les conditions légales. Si elle la juge recevable, elle transmet le dossier à la Cour de cassation, chargée d’un premier examen préalable pour écarter les recours dilatoires – ces manœuvres destinées à retarder inutilement le procès. La Cour constitutionnelle, enfin, tranche sur la conformité de la loi. Ahmed Bouz souligne que «ce dispositif en trois étapes allie rigueur, cohérence et efficacité, tout en préservant le fonctionnement normal de la justice».

Un dispositif ajusté à la lumière de la décision du 21 février 2023

Il rappelle toutefois qu’un premier projet de loi organique avait suscité des réserves. «La Cour constitutionnelle avait relevé, dans sa décision du 21 février 2023, un vice de procédure lié au rôle du juge du fond dans le contrôle préalable de la recevabilité de la requête», indique-t-il. En effet, la Cour avait insisté sur le fait que cette prérogative devait lui revenir exclusivement pour préserver l’unité du contrôle constitutionnel. C’est en réponse à ces remarques que le texte a été revu, conjuguant désormais rapidité et efficacité, tout en consolidant la compétence exclusive de la Cour constitutionnelle dans l’appréciation de la constitutionnalité des lois.

Clarification du rôle du Ministère public et équilibre institutionnel

La réforme clarifie également le rôle du Ministère public, appelé à intervenir comme garant du respect de l’ordre juridique. «Les nouvelles dispositions précisent la possibilité pour le parquet de prendre part à la procédure de l’exception d’inconstitutionnalité en veillant à la protection de la légalité», note Ahmed Bouz, qui salue aussi les délais précis imposés pour la notification des décisions aux parties : un progrès certain pour la transparence et la sécurité juridique.

Sur le plan institutionnel, le texte limite désormais le droit de contester l’élection des membres de la Cour constitutionnelle aux seuls candidats et membres concernés. Pour notre interlocuteur, «il ne s’agit nullement d’une restriction des prérogatives parlementaires, mais d’une rationalisation destinée à prévenir toute instrumentalisation politique». Toutefois, il avertit : «le défi réside dans le maintien d’un équilibre : que cette rationalisation ne devienne pas un moyen de restreindre le contrôle démocratique sur le fonctionnement des institutions».

Un équilibre entre protection des droits et efficacité judiciaire

Ainsi conçue, la réforme vise à concilier deux exigences fondamentales : la protection effective des droits constitutionnels et la stabilité du système judiciaire. «L’enjeu est de garantir la primauté de la Constitution sans compromettre la continuité et l’efficacité des juridictions de droit commun», insiste M. Bouz. C’est pourquoi les délais ont été strictement encadrés et les mécanismes de contrôle gradués, afin d’éviter que l’exception d’inconstitutionnalité ne se transforme en instrument de blocage.

Vers un constitutionnalisme participatif

Au-delà des aspects techniques, le professeur y voit une évolution démocratique profonde. «Ce dispositif introduit une forme de constitutionnalisme participatif», affirme-t-il, «en donnant au citoyen un rôle direct dans la protection de la légalité constitutionnelle». L’exception d’inconstitutionnalité devient ainsi le symbole d’un nouveau rapport entre le citoyen et la loi, où chacun peut contribuer à la défense de la primauté de la Constitution.

En somme, conclut Ahmed Bouz, cette réforme érige la Cour constitutionnelle en véritable garant des droits fondamentaux et consolide la confiance du citoyen dans la justice. «Les textes sont importants, mais c’est leur mise en œuvre qui révélera toute leur portée», confie-t-il, avant de souligner que cette évolution traduit une maturité juridique : celle d’un Maroc où la Constitution cesse d’être un texte figé pour devenir un instrument vivant au service des libertés et de la démocratie.
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