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L'historien Bernard Lugan invité du «Book Club Le Matin»

Pour le deuxième rendez-vous de sa troisième saison, «Book Club Le Matin» a reçu un fin connaisseur de l'histoire du Maroc. Bernard Lugan, qui n’est pas à présenter, a proposé à l’assistance, qui a afflué en nombre ce lundi 2 octobre à l’hôtel Onomo à Casablanca, un échange nourri autour de son livre «Histoire du Maroc : des origines à nos jours». L’auteur, qui ne cache pas son admiration pour «l’étendue et la profondeur de ce Royaume millénaire», estime qu’il est unique dans son environnement maghrébin en ce sens qu’il a existé en permanence depuis la dynastie des Idrissides. Pour M. Lugan, l'approche de l’immédiateté, que d’aucuns ont tendance à appliquer s’agissant de l’analyse de l’histoire du Maroc, «est une approche castratrice, car elle le dépouille de toute sa profondeur. Au moment de la colonisation, le Maroc était dans une phase de décadence comme tous les vieux États. Mais sa puissance va bien au-delà», souligne-t-il.

Pour la rencontre littéraire et culturelle «Book Club Le Matin», le public est venu en nombre rencontrer l'historien Bernard Lugan et échanger autour de son livre «Histoire du Maroc : des origines à nos jours». Réédité aux éditions Ellipses, cet ouvrage de 407 pages répond, comme l'a souligné le président-directeur général du Groupe Le Matin, Mohamed Haitami, à une démarche pédagogique de vulgarisation de l'histoire du Maroc. En effet, l’opus de Bernard Lugan «est aussi un livre vivant qui suit le mouvement du Maroc en général et pas uniquement son mouvement historique», comme l’a rappelé à juste titre le conférencier et chroniqueur Rachid Achahi ayant modéré cette rencontre.

«Histoire du Maroc : des origines à nos jours», un ouvrage qui s’adresse à trois publics

Selon l’auteur, ce livre est destiné à trois types de publics. «Je ne prétends pas (à travers ce livre) enseigner l’histoire du Maroc aux Marocains qui connaissent bien leur histoire. Mais je m’adresse aux jeunes Marocains de la diaspora en Europe, qui perdent le contact avec leur pays et s'imaginent mêlés à ce qu'on appelle “le monde beur”. À ceux-là je dis : vous êtes les héritiers d'un vieux Royaume. Puis il y a le deuxième public que je vise et qui existe au Maroc même. Il s’agit d’un certain public qui a été acculturé par une certaine école française. Et le troisième public que je vise, ce sont les Français lambda, qui ont tendance à associer le Maroc aux autres peuples du Maghreb. Et à ceux-là aussi je dis non, le peuple marocain est bien différent des autres», explique M. Lugan.

Le Maroc, une étendue dans l’espace et dans le temps

Ce qui est fascinant dans l'histoire du Maroc, estime M. Lugan, «c'est que presque depuis l'époque du Royaume de Maurétanie et de la Maurétanie tinjitane, depuis l'époque du Royaume Idrisside I et II, le Maroc se développe dans sa propre zone géographique. Il est dans son bassin, dans son écrin». Cette permanence du Maroc, poursuit-il, «est tout à fait intéressante, car nous voyons que ce Royaume, qui existait déjà, évolue en un État qui, du fait même de son existence millénaire, va connaître les hauts et les bas typiques de tous les vieux États».

Et M. Lugan, qui se présente lui-même comme «un historien de longue durée», de relever que «l'approche de l’immédiateté est une approche castratrice, parce qu'elle donne une explication immédiate à un sens immédiat, mais le dépouille de toute sa profondeur. Et c'est là, si l'on veut, le problème de la politique de certains États européens qui n'ont pas compris que le Maroc qu'ils voient démembré au moment de la colonisation l'était par ce qu'il était, à l'époque, dans une phase de décadence, comme tous les vieux États. Mais la puissance du Maroc allait bien au-delà».

Dans ses lettres, rappelle M. Lugan, le Résident général Hubert Lyautey, indiquait que les frontières du Maroc englobaient le Tidikelt, le Gourara et bien d'autres régions. Une permanence fondamentale à mettre en évidence. «N'oublions pas que dans les années 1895-1898, lorsque la France commençait à conquérir la vallée du Niger, les prières du vendredi à Tombouctou étaient dites au nom du Sultan du Maroc. Tout au long de cet axe allant de Tanger aux vallées du Niger et du Sénégal, les prières étaient dites au nom du Sultan du Maroc, l'unité d'échange monétaire était l'unité marocaine et les unités de poids et de mesure étaient des unités marocaines».

L'histoire du Maroc écrite autour de ses dynasties

Quant à l'écriture de l'histoire marocaine, M. Lugan souligne que l'application de la trame traditionnelle retenue par l'école européenne, avec ses quatre périodes (antique, médiévale, moderne et contemporaine), n'est pas adaptée à l'histoire du Maroc. «Pour écrire l'histoire du Maroc, il faut faire des coupures autour de ses dynasties», affirme-t-il. Ces dynasties commencent avec les Idrissides, puis les Almoravides, les Almohades, les Mérinides et les Wattasides, les Saadiens, pour arriver aux Alaouites, qui forment l'État moderne à partir de 1636.

Le Maroc gagne le pari du modernisme

Au Maroc, écrit M. Lugan, «le pari du modernisme a été gagné parce que les assises nationales sont millénaires et que rien n’a été abandonné de ce qui constitue l’âme de la nation. Durant tout le XXe siècle, le pays a également eu le privilège d’être gouverné dans la continuité que seul le système monarchique permet. Le Roi Mohammed V a ainsi régné de 1927 à 1961 et Son fils Hassan II de 1961 à 1999. Depuis cette dernière date, Mohammed VI, qui a succédé à son père Hassan II, assure cette permanence politique et institutionnelle qui permet d’engager des actions, des évolutions, et même des révolutions dans le long terme, sans le traumatisme de la rapidité et le diktat de l’immédiateté, ce qui permet au Maroc de préparer l’avenir».
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