L'inde ambitionne de doubler ses échanges commerciaux avec le Maroc

Au lendemain du crash d'avion qui a endeuillé l'Inde, la rencontre avec Arun Kumar Chatterjee, secrétaire (CPV & OIA) du ministère des Affaires étrangères indien, s'est tenue dans une atmosphère empreinte de gravité. Cette étape institutionnelle s'inscrivait dans le cadre du programme de «visite de familiarisation» organisé par le département des Affaires étrangères indien du 12 au 18 juin, accueillant une trentaine de journalistes africains, dont deux représentants marocains incluant un journaliste du «Matin». Malgré ce contexte douloureux et les températures caniculaires de Delhi en pleine période de chaleur, le haut diplomate a tenu à maintenir ce rendez-vous stratégique, soulignant l'importance de cette initiative de diplomatie publique visant à faire découvrir aux médias africains «la riche culture indienne et les développements qui façonnent le pays au 21e siècle».

«Chers amis, c'est un très grand plaisir de vous accueillir tous», a déclaré M. Chatterjee en ouverture, témoignant d'une hospitalité maintenue malgré les circonstances. Avec une note d'humour bienvenue pour détendre l'atmosphère, il a évoqué les conditions météorologiques : «Je sais que la température extérieure est très, très élevée, c'est vraiment le pic de l'été en Inde en ce moment. Mais nos prévisionnistes météorologiques nous assurent qu'il y aura de la pluie ce week-end.»

Le Maroc, partenaire commercial stratégique

Répondant aux questions de la délégation, notamment des journalistes marocains, M. Chatterjee a détaillé les ambitions indiennes concernant le Royaume chérifien. Le secrétaire confirme que «l'Inde entretient des relations solides avec le Royaume du Maroc et qu'il existe un immense potentiel inexploité entre les deux pays», précisant que «les deux parties travaillent activement pour exploiter pleinement ces opportunités».

L'objectif affiché par New Delhi est ambitieux : doubler le commerce bilatéral avec le Maroc dans les années à venir. M. Chatterjee a révélé que «le volume du commerce actuel s'élève à environ 2,5 milliards de dollars», constituant une base solide pour cette expansion. Cette croissance s'appuie sur des secteurs déjà bien établis, l'Inde important actuellement «de grandes quantités de phosphates et d'engrais du Maroc».

Le diplomate indien a détaillé les secteurs prioritaires pour cette diversification : «Nous espérons étendre et renforcer notre coopération dans plusieurs autres domaines tels que les technologies de l'information, les produits pharmaceutiques, l'automobile, les lignes de transmission d'énergie, les produits chimiques, l'alimentation et le secteur touristique et hôtelier».

Position nuancée sur le dossier du Sahara

Concernant l'épineuse question du Sahara, M. Chatterjee a exposé la position officielle indienne avec prudence et équilibre. «L'Inde soutient une solution mutuellement acceptable sur la question du Sahara, conformément aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité des Nations unies», a-t-il déclaré, réaffirmant la ligne diplomatique traditionnelle de New Delhi.

Le secrétaire a également confirmé le soutien indien aux mécanismes onusiens : «L'Inde soutient également l'Envoyé personnel du Secrétaire général des Nations unies pour le Sahara et ses efforts pour faire avancer le processus». Il a exprimé l'espoir que «ces efforts aboutiront à la reprise du dialogue entre toutes les parties concernées et à la résolution finale de la question». M. Chatterjee a tenu à souligner la constance de cette position : «Il n'y a eu aucun changement dans cette position», marquant ainsi la continuité diplomatique indienne sur ce dossier sensible, tout en réaffirmant «l'engagement de l'Inde à renforcer ses relations avec le Maroc dans les années à venir».

L'Inde, quatrième partenaire commercial de l'Afrique

Au-delà du cas marocain, le haut diplomate a dressé un panorama complet de l'engagement indien sur le continent africain. «L'Inde est aujourd'hui le quatrième partenaire commercial de l'Afrique, avec des volumes d'échanges approchant les 100 milliards de dollars américains», a-t-il annoncé avec fierté.

Les investissements indiens témoignent de cet engagement durable : «Les investissements indiens ont atteint environ 75 milliards de dollars américains, couvrant des secteurs tels que les technologies de l'information, les produits pharmaceutiques, les industries automobiles, l'exploitation minière et la banque». M. Chatterjee a souligné l'ancienneté de ces liens : «Le partenariat de l'Inde avec l'Afrique remonte à des millénaires, avec des liens historiques profonds, des échanges culturels et des contacts interpersonnels. Des liens anciens à notre lutte partagée contre le colonialisme, nos liens sont forts».

Une diaspora de 3,5 millions comme pont vivant

Le diplomate a mis en avant le rôle crucial de la diaspora indienne : «Aujourd'hui, nous avons une forte diaspora indienne d'environ 3,5 millions de personnes en Afrique, qui sert de pont vivant entre l'Inde et tous vos pays et contribue à la société et à la communauté». Cette présence humaine s'accompagne d'un déploiement diplomatique sans précédent. «L'Inde a considérablement étendu sa présence diplomatique à travers l'Afrique, en établissant 17 nouvelles ambassades et hautes commissions, portant la force totale de notre présence à 46 pays sur le continent», a précisé M. Chatterjee.

Les «10 principes directeurs» de Narendra Modi

L'approche indienne se distingue par sa philosophie particulière. «L'approche de l'Inde pour s'engager avec l'Afrique est façonnée par les “10 principes directeurs” du Premier ministre M. Narendra Modi, qui donnent la priorité aux propres objectifs et à l'agenda de développement de l'Afrique», a expliqué le secrétaire. Cette vision se traduit par une méthode spécifique : «Contrairement aux modèles d'exploitation, l'Inde met l'accent sur une coopération inclusive, basée sur les besoins, qui autonomise les communautés locales, renforce les capacités et promeut le développement durable.»

Formation et coopération au développement

Les chiffres témoignent de cet engagement éducatif et formatif, avance le responsable diplomatique. «Au cours de la dernière décennie, plus de 37.000 amis d'Afrique ont bénéficié du soutien du Conseil indien pour les relations culturelles», a révélé M. Chatterjee. L'aide au développement représente un volet majeur : «Au cours des 10 dernières années seulement, l'Inde a fourni plus de 700 millions de dollars américains en assistance sous forme de subventions», avec «plus de 200 projets de développement dans des domaines comme le transport, l'énergie, l'agriculture et la gestion de l'eau».

Innovation technologique et inclusion financière

Le diplomate a particulièrement insisté sur les innovations technologiques indiennes. «L'Inde est prête à partager ses solutions numériques comme l'India Stack. Plusieurs nations africaines exploitent déjà des outils tels que les systèmes de paiement numérique basés sur l'UPI (Unified Payment Interface)». Avec enthousiasme, M. Chatterjee a décrit cette révolution : «L'UPI a révolutionné les transactions numériques et l'inclusion financière. Vous seriez surpris de constater que l'on n'a pas besoin de porter un portefeuille, un téléphone portable fonctionne pour tous les paiements».

Vision d'avenir et coopération Sud-Sud

Guidée par sa philosophie de «Vasudhaiva Kutumbakam» – «le monde est une famille» –, l'Inde développe une approche multilatérale. «L'Inde continue de plaider pour une représentation africaine plus forte dans les institutions et forums mondiaux», a souligné M. Chatterjee. Cette vision s'inscrit dans la coopération Sud-Sud : «L'Inde encourage les pays africains à participer à des initiatives internationales clés, qui incluent l'Alliance solaire internationale, l'Alliance mondiale des biocarburants, la Coalition pour les infrastructures résilientes aux catastrophes et l'Alliance internationale des grands félins».