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L’UA, une arène où politique et économie sont étroitement liées (Najib Somoue)

L’élection du président et des vice-présidents de la Commission de l’Union africaine, qui s’est tenue les 15 et 16 février, lors du 38e sommet de l’UA, a révélé une bataille diplomatique féroce au sein de l’organisation continentale. Alors que l’Afrique redéfinit son positionnement économique et géopolitique, la confrontation entre le Maroc et l’Algérie a été au centre des enjeux. Invité de l’émission «L’Info en Face» le 13 février, Dr Najib Somoue, économiste et analyste financier, avait anticipé la complexité de cette élection et de ses multiples implications. «L’Union africaine est une arène où politique et économie sont étroitement liées. Chaque élection est un levier pour asseoir une influence, orienter les décisions et modeler l’avenir du continent.» Trois jours après cette analyse, la suite des événements lui donne raison.

Dr Najib Somoue, économiste et analyste financier
Dr Najib Somoue, économiste et analyste financier
Le Maroc espérait décrocher un poste stratégique à la vice-présidence de l’UA, en présentant la candidature de Latifa Akharbach, présidente de la HACA, ancienne diplomate. Le rôle visé aurait permis au Royaume de peser sur beaucoup de décisions politiques et économiques de l’organisation. Face à lui, l’Algérie, bien décidée à reprendre du terrain après plusieurs revers diplomatiques, a mis en avant Selma Malika Haddadi, ambassadeure d’Algérie à Addis-Abeba et sa représentante permanente auprès de l’Union africaine (UA). Comme il fallait s’y attendre, ce duel a pris une dimension existentielle chez le voisin de l’est. C’est ce qui explique l’explosion de joie et la célébration outrancière de la victoire de la candidate algérienne.

«Les Algériens sont conscients que depuis pratiquement 15 ans, ils n’ont jamais pu battre le Maroc au niveau des élections. Donc, s’il n’y a pas de blocage, le Maroc est favori», avait estimé cependant Dr Somoue. L’élection de la vice-présidence n’a pas suivi ce schéma, vu, entre autres, l’absence de 6 pays amis et alliés inconditionnels du Maroc, à savoir le Gabon, le Niger, le Burkina Faso, le Mali, la Guinée, et le Soudan qui n’ont pas pu participer, vu qu’ils sont suspendus, en plus de l’impact du lobbying algérien sur certains États du continent.

Une présidence pro-Maroc

Si la vice-présidence de la Commission de l’Union africaine a échappé au Maroc, le choix du président de l’organisation marque un succès diplomatique pour Rabat. L’élection, qui s’est jouée entre Mahamoud Ali Youssouf (Djibouti), Raila Odinga (Kenya) et Richard James Randriamandrato, ancien ministre des affaires étrangères de Madagascar, a finalement porté le ministre djiboutien des Affaires étrangères à la tête de la Commission. Dès le départ, Dr Najib Somoue avait insisté sur le fait que les trois candidats en lice étaient compatibles avec la vision marocaine et qu’aucun ne représentait une menace pour les intérêts de Rabat au sein de l’Union africaine. «Pour le Maroc, sur le plan politique, les trois candidats sont adaptés un peu à la vision et aux perspectives du positionnement marocain.»



L’élection de Mahamoud Ali Youssouf est perçue comme un choix équilibré, notamment parce que Djibouti entretient des relations solides avec Rabat et reconnaît la souveraineté du Maroc sur le Sahara.

La Zlecaf, enjeu économique majeur

Si la politique a dominé les débats, l’économie est l’autre terrain de bataille au sein de l’Union africaine. Dr Somoue avait insisté sur l’importance des orientations économiques décidées par l’UA. «La décision la plus importante depuis la création de l’UA, c’est l’adoption du projet de la Zlecaf, la Zone de libre-échange continentale africaine. C’est une décision extrêmement intelligente, qui va servir naturellement le continent africain.» Mais l’analyste souligne un problème fondamental : les écarts de développement entre pays africains risquent de transformer la Zlecaf en une structure où seuls quelques États tireront réellement profit du libre-échange. «Les grands bénéficiaires seront le Maroc, l’Égypte et l’Afrique du Sud. Légèrement l’Éthiopie et le Rwanda. Les autres vont surtout importer comme toujours.» Dans ce cadre, contrôler la gestion financière de l’UA aurait été un levier stratégique.
Toutefois, malgré l’échec à la vice-présidence, le Maroc reste une puissance incontournable au sein de l’UA. D’abord, la victoire djiboutienne à la présidence assure que l’organisation ne sera pas orientée contre les intérêts marocains. Ensuite, une nouvelle élection est prévue dans un mois, laissant la possibilité à Rabat de renforcer son lobbying et de rebattre les cartes. En effet, sur le long terme, la puissance économique marocaine reste un atout majeur, assure l’invité de «L’Info en Face». Grâce à ses investissements massifs en Afrique, notamment dans les infrastructures, la finance et l’industrie, Rabat continue de consolider son rôle de leader économique. «Le Maroc essaie de confirmer son offre de co-développement, sa vision de développement avec les autres pays africains», estime Dr Somoue. Même si l’Algérie a marqué un point politique, le Maroc conserve une position dominante sur le plan économique et institutionnel.
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