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L’UM6P consacre la Deep Tech africaine : IA, quantique et innovations durables au cœur du sommet de Benguérir

Les 8 et 9 mai 2025, l’Université Mohammed VI Polytechnique de Benguérir a accueilli la deuxième édition du Deep Tech Summit (DTS), un rendez-vous incontournable pour les esprits les plus avant-gardistes de la science et de la technologie. Avec plus de 5.500 participants réunis autour du thème «Redéfinir le progrès : comment l’intelligence artificielle transforme l’innovation Deep Tech», l’événement a offert une réflexion ambitieuse sur les enjeux cruciaux de notre époque. L’intelligence artificielle, l’informatique quantique et l’innovation responsable ont été au cœur des discussions, où des interventions captivantes ont jeté des ponts entre les dernières avancées technologiques et une vision profondément africaine du progrès scientifique. Un sommet où la quête de l’innovation s’est conjuguée avec l’impératif éthique, soulignant l’importance de lier développement scientifique et responsabilité globale.

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Durant deux jours, le campus de l’UM6P à Benguérir a accueilli la seconde édition du Deep Tech Summit, devenu un rendez-vous stratégique pour les acteurs de la recherche, de l’industrie et de l’entrepreneuriat technologique. Avec 186 intervenants de haut niveau, 66 sessions thématiques et une audience internationale venue de 53 pays, l’événement s’est imposé comme un laboratoire d’idées et d’expérimentations sur l’intelligence artificielle, les technologies émergentes et les innovations à fort impact. Le sommet s’est distingué par sa volonté d’inscrire les mutations technologiques dans les réalités géographiques, sociales et environnementales du continent africain, tout en posant les jalons d’une gouvernance éthique et inclusive.

Repenser le progrès depuis l’Afrique

Au cœur de cette deuxième édition du Deep Tech Summit, l’ambition de repenser le progrès technologique à travers les réalités africaines s’est imposée avec éclat. Loin des modèles technologiques imposés de l’extérieur, l’Afrique se forge une voie qui lui est propre, où chaque innovation doit répondre spécifiquement aux défis du continent. L’Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P) s’est ainsi affirmée comme un centre de réflexion d’avant-garde, un lieu où se croisent intelligence artificielle, gouvernance éthique et innovation distribuée pour redéfinir l’avenir du progrès technologique.

L’Afrique, dans son approche de l’innovation, privilégie avant tout l’adaptabilité des solutions aux particularités locales. L’exemple des drones dans le secteur agricole illustre parfaitement cette dynamique. Ces outils technologiques, en permettant d’évaluer la croissance des cultures avec une précision jusque-là inédite, remplacent les méthodes d’observation manuelles qui prévalaient encore récemment. Cette avancée n’est pas qu’une question de modernité, mais de pertinence face aux réalités du terrain. En effet, pour qu’une technologie réussisse à s’implanter durablement en Afrique, elle doit impérativement s’adapter aux spécificités géographiques, économiques et culturelles de chaque région. Ce qui peut être efficace au Kenya ne l’est pas forcément au Maroc ou au Sénégal, c’est ainsi que chaque solution doit être façonnée pour répondre aux besoins locaux.



Cette réflexion sur l’adaptabilité des outils technologiques s’étend au-delà du secteur agricole. L’objectif est de construire des architectures distribuées, où des milliers d’initiatives locales, à la fois indépendantes et interconnectées, génèrent des synergies au service de l’agriculture, de l’énergie et de la santé. Ce modèle ne cherche pas à imposer des solutions globales, mais à créer des écosystèmes d’innovation qui se nourrissent des particularités locales tout en étant reliés entre eux par des plateformes mondiales. Il s’agit de concevoir un progrès où chaque projet est ancré dans ses réalités, mais qui, tout en étant décentralisé, trouve une cohérence dans l’interconnexion des initiatives à l’échelle du continent.

Intelligence artificielle : entre promesses et paradoxes énergétiques

L’intelligence artificielle, bien qu’elle offre des perspectives fascinantes pour transformer le monde, suscite également de profondes interrogations sur ses impacts environnementaux. Lors du Deep Tech Summit, Reshma Singh, chercheuse au Lawrence Berkeley National Laboratory, a dressé un état des lieux des apports significatifs de l’IA dans la maîtrise énergétique, tout en mettant en lumière les paradoxes énergétiques qu’elle génère.

L’IA, en optimisant l’usage de l’énergie, ouvre de nouvelles avenues dans des domaines aussi essentiels que la gestion des bâtiments, la réfrigération ou encore la réduction des émissions de carbone. Des technologies de cartographie thermique des bâtiments par drones permettent une identification précise des zones de déperdition thermique, facilitant ainsi les travaux de rénovation énergétique. Parallèlement, l’optimisation de la climatisation à travers des agents conversationnels, capables de réguler la température en fonction des besoins spécifiques des utilisateurs, réduit la consommation énergétique des systèmes de refroidissement. Enfin, l’intelligence artificielle joue un rôle clé dans la conception de matériaux bas carbone, en exploitant des résidus industriels comme matière première pour créer des produits écologiquement responsables.

Cependant, ces avancées ne doivent pas occulter un aspect fondamental : l’empreinte énergétique de l’IA elle-même. Un paradoxe a été souligné avec insistance par la chercheuse : «Une requête générée par un grand modèle de langage peut consommer jusqu’à dix fois plus d’énergie qu’une recherche classique». Ce chiffre, frappant dans sa simplicité, révèle un défi majeur : l’IA, loin d’être une panacée écologique, pourrait, dans son développement actuel, devenir un facteur d’augmentation de la consommation énergétique à une échelle disproportionnée. C’est pourquoi Reshma Singh appelle avec urgence à l’élaboration de modèles d’intelligence artificielle non seulement performants, mais aussi énergétiquement responsables. L’enjeu est de taille : comment concilier l’essor de l’IA avec les impératifs climatiques mondiaux ? La réponse réside dans le développement d’une IA sobre en énergie, qui soit en parfaite adéquation avec les objectifs climatiques.

Gouvernance éthique : l’urgence d’une régulation mondiale de l’innovation

Par ailleurs, les échanges n’ont pas omis de soulever les enjeux éthiques associés à l’émergence de cette technologie : d’une part, leur potentiel pour renforcer la cybersécurité et, d’autre part, les risques qu’elles comportent pour la confidentialité des données. «L’un des défis éthiques majeurs est de trouver un équilibre entre les bénéfices de ces technologies et la protection des individus». Cette réflexion soulève la question fondamentale de l’encadrement réglementaire des technologies quantiques afin de prévenir toute dérive possible.

Lors de son intervention, le directeur général de la fondation WISE, Stavros Yiannouka, a mis en lumière l’un des défis majeurs du XXIe siècle : l’écart croissant entre le rythme fulgurant de l’innovation technologique et la lenteur de sa régulation. «L’innovation avance plus vite que sa régulation, et c’est là que le risque commence», a-t-il averti, soulignant ainsi l’impérieuse nécessité de repenser les mécanismes de régulation dans un monde où les technologies évoluent à une vitesse inédite.

Dans un contexte marqué par la montée en puissance de l’intelligence artificielle, M. Yiannouka a plaidé en faveur d’une gouvernance éthique, insistant sur l’urgence de construire un cadre qui soit à la fois rigoureux et universel. «L’IA, comme toute technologie disruptive, ne peut et ne doit être régulée que dans le respect de principes éthiques qui transcendent les frontières géographiques et culturelles», a-t-il précisé. Pour lui, cette régulation ne doit pas se limiter à des solutions ad hoc, mais plutôt s’établir dans le cadre d’une approche globale, où les valeurs humaines primordiales, telles que la transparence, la responsabilité et l’équité, guideraient chaque développement technologique.

Cette vision d’une gouvernance éthique ne saurait se concrétiser sans une prise en compte indispensable de la diversité des perspectives mondiales. Dans ce sens, M. Yiannouka a insisté sur l’enjeu de faire participer activement les universités du Sud aux grands consortiums mondiaux qui façonnent l’avenir de la technologie. «Les voix et les savoirs des pays du Sud sont essentiels pour offrir des solutions réellement adaptées aux besoins des populations locales et éviter ainsi une gouvernance technologique homogène, qui risquerait d’accentuer les inégalités», a-t-il affirmé. Il a ainsi rappelé que l’inclusion de ces perspectives variées permettrait de mieux comprendre les défis propres à chaque région et de créer des réponses pertinentes. Dans cette optique, les grandes institutions académiques des pays du Sud doivent être pleinement intégrées aux processus de décision technologiques mondiaux, afin d’assurer une régulation juste et équilibrée, fondée sur des principes éthiques universels, mais aussi adaptés aux réalités locales.

L’informatique quantique : une révolution en marche

Lors d’un panel consacré à l’informatique quantique, Karim Amor, Founder & CEO at Epineon.ai a initié son discours en évoquant les progrès significatifs réalisés dans le domaine de l’informatique quantique. Bien que cette technologie en soit encore à ses prémices, elle promet de bouleverser notre manière de traiter l’information. «La technologie quantique est en train de redéfinir notre capacité à traiter l’information, et elle permet d’explorer des problèmes qui étaient jusque-là impensables pour des ordinateurs classiques», a-t-il souligné. Cette révolution pourrait notamment avoir un impact majeur dans des secteurs tels que la cryptographie et l’intelligence artificielle, ouvrant ainsi de nouvelles perspectives pour la protection des données et le développement d’algorithmes d’IA plus puissants et plus adaptés.

Imprégné de cet esprit, Anouar Benali, Team Lead, High Performance Elctronic Structure Theory, Qubit Pharmaceuticals, a également mis en lumière l’impact potentiel de l’informatique quantique sur des secteurs industriels clés, à l’instar des industries de l’énergie et de la pharmaceutique. Il a souligné que la capacité des ordinateurs quantiques à traiter des volumes d’informations inaccessibles aux systèmes classiques pourrait révolutionner la gestion des ressources énergétiques et accélérer la recherche de traitements médicaux de pointe.

Les défis techniques : vers une mise en œuvre à grande échelle

Les discussions se sont enchaînées ensuite pour exposer les défis techniques majeurs qui freinent encore l’adoption de l’informatique quantique à grande échelle. La question de la stabilité des qubits et de la gestion de leur entrelacement reste un obstacle de taille. «La manipulation des qubits est encore un défi considérable, et il reste de nombreuses étapes avant que nous puissions envisager une adoption généralisée de ces systèmes», a expliqué M. Amor. Cette complexité technique, combinée à des problématiques d’échelle, constitue l’une des grandes frontières à franchir pour assurer la viabilité des systèmes quantiques à long terme.

De son côté, M. Benali a également insisté sur l’importance cruciale de la collaboration entre les chercheurs, les industriels et les gouvernements pour accélérer les découvertes dans ce domaine. À cet égard, il a mis en avant le rôle stratégique des partenariats internationaux, afin de mutualiser les savoirs et les ressources nécessaires à la réalisation de ces avancées.

Une dynamique internationale au service de l’innovation

Au-delà des perspectives scientifiques et technologiques, un des axes essentiels abordés lors du Deep Tech Summit a été celui de la collaboration internationale. Cette dynamique transnationale est désormais perçue comme un facteur clé pour la réussite de l’informatique quantique. Les intervenants ont unanimement souligné que, pour que les avancées dans ce domaine prennent véritablement forme, une coopération étroite entre les nations est non seulement souhaitable mais incontournable.

L’informatique quantique, de par sa complexité et ses implications mondiales, nécessite un échange constant de ressources, de connaissances et d’expertise. À cet égard, plusieurs partenariats internationaux ont été évoqués, notamment avec des pays tels que le Canada, l’Allemagne et divers membres de l’Union européenne. Cette dynamique transnationale permet, d’une part, de renforcer les capacités de recherche à l’échelle globale et, d’autre part, de mieux appréhender les défis globaux soulevés par l’avènement de ces technologies.

Il est apparu clairement que, face à l’ampleur des enjeux, aucune nation seule ne pourra prétendre mener cette révolution technologique. La collaboration internationale permet ainsi de rassembler les ressources humaines, mais aussi les capacités financières et technologiques nécessaires à l’aboutissement des projets en cours et à venir. Cette stratégie est également perçue comme une réponse collective aux défis que représente la mise en œuvre des ordinateurs quantiques dans des applications industrielles.

L’Interdisciplinarité : une nouvelle frontière pour l’innovation

Outre la dimension collaborative entre les nations, une autre idée défendue lors de cette deuxième édition du DTS était que, grâce à une vision intégrée des sciences naturelles et des sciences physiques, des solutions novatrices pourraient émerger pour résoudre des problématiques aussi complexes que celles des technologies de demain. La biologie des coraux, par exemple, pourrait offrir des clés pour comprendre la quantification de certaines propriétés à l’échelle atomique et moléculaire, ce qui aurait des implications considérables pour l’optimisation des technologies liées à la simulation quantique et aux matériaux.

En somme, ce panel a clairement mis en lumière l’impératif de collaboration mondiale et de recherche interdisciplinaire comme facteurs essentiels pour la réussite de l’informatique quantique. Les défis sont nombreux, mais les solutions se dessinent à travers une coopération renforcée entre les nations et une approche unifiée entre les disciplines scientifiques. L’informatique quantique, à travers ces initiatives, pourrait ainsi devenir l’une des pierres angulaires des technologies de demain, en répondant non seulement à des besoins industriels, mais aussi à des enjeux mondiaux urgents.

Le DTS Prize : un hommage à l’innovation Deep Tech en Afrique

Le Deep Tech Summit 2025 a marqué un moment charnière dans le domaine de l’innovation technologique en Afrique, célébrant les réalisations exceptionnelles des acteurs de la Deep Tech sur le continent. Au-delà de la remise du DTS Prize, l’événement a mis en lumière les ambitions croissantes de l’Afrique pour devenir un pôle stratégique dans la révolution technologique mondiale. La remise du DTS Prize s’inscrit dans une dynamique de soutien renforcé aux startups africaines. Chaque lauréat reçoit une dotation de 50.000 dollars ainsi qu’un accès privilégié aux ressources de l’UM6P, telles que des laboratoires de pointe, des infrastructures modernes, des investisseurs de renom et des terrains d’expérimentation.

Le Deep Tech Summit 2025 a également proposé des formats innovants visant à rendre l’innovation concrète, collaborative et inclusive. Ces initiatives ont offert aux participants une plateforme d’interaction active, où entrepreneurs, chercheurs et investisseurs ont eu l’opportunité de partager leurs idées et de concrétiser des projets collectifs. Pitch in the Dark, Reverse Pitch, Real Talk Labs et Deep Tech Factory sont autant de formats qui ont permis d’engager des discussions stimulantes et de favoriser la co-création. Ces espaces ont ainsi été des catalyseurs pour accélérer la transformation des idées en solutions tangibles, adaptées aux défis contemporains.

L’UM6P ancre l’Afrique dans l’innovation technologique de rupture

À l’occasion du Deep Tech Summit, l’Université Mohammed VI Polytechnique a scellé plusieurs accords structurants avec des acteurs académiques et industriels de référence, consolidant sa position en tant que catalyseur de l’innovation technologique sur le continent. Ces partenariats visent à articuler recherche appliquée, co-développement et incubation, autour de secteurs à fort impact. L’accord avec H&S prévoit notamment une antenne dédiée à Benguérir, des projets conjoints en santé, biotechnologies, chimie verte et intelligence artificielle, ainsi que des dispositifs intégrés de transfert technologique et d’accompagnement entrepreneurial.

L’alliance entre Startgate et le Lab Innovation d’Attijariwafa bank connecte les startups aux enjeux stratégiques du secteur financier, via des mécanismes de co-construction, de mentorat et de test de solutions à forte valeur ajoutée. Enfin, la convention avec Africorp étend l’action de l’UM6P aux domaines de l’industrie, de l’agriculture, des mines et de l’éducation, en misant sur le renforcement des compétences et l’émergence de talents techniques.
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