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Lutte contre la corruption : comment le Maroc peut avancer plus vite

La corruption au Maroc reste un phénomène persistant qui coûte au pays plus de 50 milliards de dirhams par an, soit entre 3,5% et 6% de son PIB, malgré les efforts déployés ces deux dernières décennies. C’est le constat alarmant dressé par l’Instance Nationale pour la Probité, de la Prévention et de la Lutte contre la Corruption (INPPLC) dans son rapport annuel 2023, présenté mardi 8 octobre 2024 par son président Mohamed Bachir Rachdi. Ce dernier, tout en déplorant le peu de progrès réalisé par le Maroc dans sa lutte contre ce fléau, insiste sur la nécessité de combler les lacunes de la stratégie nationale contre la corruption (2015-2025), mais aussi et surtout sur l’urgence de faire aboutir le projet de loi sur l’enrichissement illicite.

Mohamed Bachir Rachdi.
Mohamed Bachir Rachdi.
Lors d’une conférence de presse à Rabat dédiée à la présentation de son rapport annuel au titre de l’année 2023, Mohamed Bachir Rachdi, président de l’Instance nationale de la probité, de la prévention et de la lutte contre la corruption (INPPLC), a affirmé que la corruption au Maroc restait «un fait structurel qui accentue le gap» entre la réalité et les engagements des pouvoirs publics. Malgré des «efforts indéniables» depuis 20 ans, le Royaume, qui n’a progressé que d’un seul point dans l’indice de perception de la corruption, stagne à la 38e place mondiale. La corruption coûte au Maroc pas moins de 50 milliards de dirhams chaque année, soit entre 3,5 et 6% de son PIB. Ce constat sévère a été dressé par l’INPPLC dans son rapport annuel 2023. Pourtant, nul ne peut remettre en question la sincérité des actions engagées par les pouvoirs publics. Car depuis le lancement d’une ligne téléphonique dédiée aux dénonciations, la présidence du ministère public a enregistré 243 arrestations en flagrant délit, principalement dans les régions de Marrakech-Safi, Casablanca-Settat et Rabat-Salé-Kénitra. En 2022, les sections des délits financiers ont été saisies de 716 affaires à différents stades de procédure. La Cour des comptes et ses antennes régionales ont traité 91 dossiers impliquant 131 mis en cause, avec des amendes atteignant 1,372 million de dirhams. Mais ces actions restent insuffisantes face à l’ampleur du phénomène, comme le confirment les chiffres de l’Instance nationale de la probité, de la prévention et de la lutte contre la corruption.

Le monde de l’entreprise particulièrement touché

Selon l’enquête menée par l’INPPLC auprès des entreprises, 68% des responsables estiment que la corruption est «répandue ou très répandue» au Maroc. Elle touche particulièrement les domaines de l’obtention d’autorisations, d’agréments, de marchés publics, ainsi que le recrutement, la nomination et la promotion dans le secteur privé. Au total, 23% des entreprises sondées affirment avoir été confrontées à au moins une forme de corruption au cours des 12 derniers mois. «Dans plus de 90% des cas, il s’agit de sollicitations directes ou indirectes de la part des fonctionnaires pour obtenir un service auquel les entreprises ont normalement droit», précise le rapport. Seules 3% des firmes reconnaissent avoir offert des pots-de-vin de leur propre initiative, le plus souvent pour accélérer les procédures ou bénéficier d’une priorité. Mais rares sont celles qui osent dénoncer ces faits par crainte de représailles et par manque de confiance dans l’efficacité du système.

Au-delà de l’impact économique chiffré entre 50 et 78 milliards de dirhams par an, la corruption affaiblit des institutions clés comme la justice et les médias. «Le Maroc enregistre un recul dans les indices d’indépendance de la justice, de liberté de la presse et de qualité des services en ligne qui comptent dans le calcul de son score global en matière d’intégrité», déplore M. Rachdi. Selon le président de l’INPPLC, la lutte anticorruption ne peut aboutir sans «un travail collectif impliquant toutes les autorités, institutions et parties prenantes», y compris le secteur privé. Il appelle à cet égard à l’adoption urgente d’une législation criminalisant l’enrichissement illicite et à renforcer le droit des associations à saisir la justice contre la corruption et les détournements de fonds publics.

La loi sur l’enrichissement illicite se fait attendre

Il faut reconnaître que le gouvernement a soumis à l’Instance des projets de loi sur la déclaration obligatoire de patrimoine, les conflits d’intérêt et la protection des lanceurs d’alerte. Ces textes introduisent plus de digitalisation et de garanties. Mais le texte sur l’enrichissement illicite, considéré comme «structurant» et «indispensable» par l’INPPLC, se fait toujours attendre. «Pour amorcer un vrai changement, le Maroc a besoin d’une stratégie de nouvelle génération, ambitieuse et cohérente, assortie d’objectifs concrets et mesurables année après année», insiste M. Rachdi. L’INPPLC affirme avoir finalisé sa vision et ses recommandations et appelle à une «appropriation collective» de ce combat par toutes les forces vives du pays.

Le rapport de l’Instance pointe du doigt par ailleurs les limites de la précédente stratégie nationale (2015-2025) contre la corruption, dont les objectifs sont loin d’être atteints. Il épingle un contenu «pas assez détaillé et approfondi sur les sujets clés», un «niveau hétérogène de précision des projets» et une «faible interaction des parties concernées» avec les recommandations de l’INPPLC. Pour ne pas répéter les erreurs du passé, la future stratégie devra impérativement «transcender le cadre strict de l’Instance» pour devenir «une étape majeure du renforcement et de la structuration du dispositif national de lutte contre la corruption», plaide M. Rachdi. Un défi de taille qui exige «une synergie entre les acteurs et une cohérence et une efficacité des actions» à l’aune des engagements du Royaume.

Dans ce chantier, l’INPPLC promet de jouer pleinement son rôle de «force de proposition» et de «stimulateur du dynamisme requis». Mais elle prévient que seule une «mobilisation fondée sur la complémentarité, la convergence et l’articulation des rôles de toutes les parties prenantes» permettra au Maroc de «réussir le changement escompté» avec des «impacts tangibles» pour les citoyens et les opérateurs. Un appel solennel et urgent à un véritable sursaut national contre ce fléau tentaculaire et ravageur.
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