Cent soixante-neuf vies brisées en 2023. Derrière ce chiffre communiqué par la Commission nationale de coordination des mesures de lutte et de prévention de la traite des êtres humains (CNCLT) se cachent des drames humains d’une intensité insoutenable.
Les enfants demeurent particulièrement vulnérables : 45 filles et 28 garçons mineurs figurent parmi les victimes, contre 52 femmes et 44 hommes adultes. Ces statistiques révèlent une réalité brutale : la traite au Maroc ne connaît ni genre, ni âge, et se manifeste dans toutes les formes d’exploitation humaine. Face à cette réalité glaçante, le Maroc vient de franchir un cap historique avec la publication, le 8 septembre 2025, d’un nouveau Code de procédure pénale qui place résolument la protection des victimes au cœur de son dispositif de lutte contre ce fléau.
Le dispositif va bien au-delà de la simple identification. Le Code introduit une mesure révolutionnaire directement inspirée de la Convention du Conseil de l’Europe de 2005 : «un délai de réflexion et de rétablissement pouvant atteindre trente jours» accordé aux victimes. Cette période cruciale leur permet de retrouver leur équilibre psychologique avant de décider librement de leur coopération avec les autorités judiciaires ou de leur retour volontaire dans leur pays d’origine.
Les autorités judiciaires disposent désormais du pouvoir d’émettre des «ordonnances d’interdiction de contact ou d’approche des victimes», créant ainsi un périmètre de sécurité juridique autour des personnes vulnérables. Le texte garantit également «la mise à disposition de lieux d’hébergement temporaires sûrs garantissant protection, confidentialité et dignité», avec fourniture des besoins essentiels en nourriture, vêtements et soins de santé.
L’arsenal comprend également l’interception des communications électroniques et téléphoniques, l’enregistrement audiovisuel des interrogatoires et un cadre clair pour «la collecte, la conservation et l’analyse des preuves électroniques». Ces outils s’avèrent essentiels face à des réseaux qui ont exploité 171 personnes en 2023, avec une tendance à la hausse observée depuis 2017 des dossiers traités (17 en 2017, 80 en 2018, 151 en 2019, 131 en 2020).
La simplification des procédures de traitement des commissions rogatoires internationales et le développement du cadre d’extradition témoignent de cette volonté d’inscrire la lutte dans une dimension résolument transnationale. Le dispositif de protection ne se limite pas aux victimes directes. Il s’étend «aux témoins, experts et dénonciateurs» qui contribuent à révéler les infractions. Le CPP offre des mécanismes incluant la protection physique en cas de menace réelle, la possibilité de témoigner sans révéler son identité complète, le témoignage à distance par techniques de communication visuelle, et «la criminalisation explicite de toute forme de menace ou de représailles».
Cette réforme historique représente bien plus qu’une simple mise à jour législative. Elle incarne, selon les termes du communiqué, «l’engagement ferme du Royaume à protéger la dignité humaine et à combattre toutes les formes d’exploitation». En plaçant la protection des victimes au cœur de son dispositif, en dotant les enquêteurs d’outils modernes et en s’alignant sur les standards internationaux les plus exigeants, le Maroc démontre sa détermination à éradiquer ce fléau qui touche majoritairement ses propres citoyens – 92% des victimes étant de nationalité marocaine.
Une radiographie préoccupante de la traite au Maroc
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 171 mis en cause et 169 victimes ont été recensés en 2023 (les chiffres de 2024 sont prêts selon nos informations et pourront être publiés incessamment). Parmi les victimes, 76% ont subi une exploitation sexuelle (128 cas), 15% ont été réduites à des pratiques assimilées à l’esclavage (25 cas), 4% forcées au travail (8 cas), 4% impliquées dans des activités criminelles ou armées (7 cas), et 1% victimes de mendicité forcée (2 cas). Les femmes représentent 53% des victimes identifiées, contre 47% d’hommes. La traite touche principalement des Marocains (92%), mais également des étrangers (8%), confirmant la dimension transnationale du phénomène.Les enfants demeurent particulièrement vulnérables : 45 filles et 28 garçons mineurs figurent parmi les victimes, contre 52 femmes et 44 hommes adultes. Ces statistiques révèlent une réalité brutale : la traite au Maroc ne connaît ni genre, ni âge, et se manifeste dans toutes les formes d’exploitation humaine. Face à cette réalité glaçante, le Maroc vient de franchir un cap historique avec la publication, le 8 septembre 2025, d’un nouveau Code de procédure pénale qui place résolument la protection des victimes au cœur de son dispositif de lutte contre ce fléau.
Un bouclier juridique inédit pour les plus vulnérables
L’innovation majeure du nouveau Code de procédure pénale (CPP) réside dans «l’instauration d’un système intégré de protection des victimes de la traite des êtres humains, des témoins, des experts et des dénonciateurs», comme le souligne un document officiel de la CNCLT rendu public samedi dernier. Cette approche holistique, consacrée par l’article 82-5-1 du CPP, impose désormais «l’obligation d’identification immédiate des victimes à tous les stades de l’enquête préliminaire, de l’instruction préparatoire et du jugement».Le dispositif va bien au-delà de la simple identification. Le Code introduit une mesure révolutionnaire directement inspirée de la Convention du Conseil de l’Europe de 2005 : «un délai de réflexion et de rétablissement pouvant atteindre trente jours» accordé aux victimes. Cette période cruciale leur permet de retrouver leur équilibre psychologique avant de décider librement de leur coopération avec les autorités judiciaires ou de leur retour volontaire dans leur pays d’origine.
Les autorités judiciaires disposent désormais du pouvoir d’émettre des «ordonnances d’interdiction de contact ou d’approche des victimes», créant ainsi un périmètre de sécurité juridique autour des personnes vulnérables. Le texte garantit également «la mise à disposition de lieux d’hébergement temporaires sûrs garantissant protection, confidentialité et dignité», avec fourniture des besoins essentiels en nourriture, vêtements et soins de santé.
Les femmes et les enfants au centre des préoccupations
Les statistiques sont également éloquentes : 53% des victimes identifiées en 2023 étaient des femmes, et 15% des victimes recensées concernaient des pratiques assimilées à l’esclavage ou la mendicité forcée, touchant souvent les plus jeunes. Face à cette réalité, le nouveau CPP consacre «la compétence des cellules de prise en charge des femmes et des enfants au sein des tribunaux» comme mécanisme institutionnel central. Ces cellules deviennent le pivot de la coordination entre les différents intervenants, assurant «un suivi global et spécialisé des situations des victimes». Le Code prévoit des dispositions spécifiques incluant le placement dans des institutions spécialisées pour enfants et des procédures d’accompagnement évitant la confrontation directe avec les accusés, sauf nécessité absolue.La traite élevée au rang d’infraction de priorité absolue
L’article 108 du nouveau CPP redéfinit «le concept d’infractions graves et de dangerosité criminelle», plaçant la traite des êtres humains parmi les infractions de priorité absolue du système pénal marocain. Cette classification n’est pas symbolique : elle déclenche l’activation de règles procédurales robustes conférant «des prérogatives importantes tant à la police judiciaire qu’au Ministère public et aux juges d’instruction». Le Bureau central d’investigations judiciaires (BCIJ) voit ses compétences considérablement élargies pour «enquêter sur les réseaux complexes et les infractions transnationales». Cette centralisation apparaît d’autant plus cruciale que 8% des victimes identifiées en 2023 étaient de nationalité étrangère, témoignant de la dimension transnationale du phénomène.Un arsenal technologique à la pointe
Pour traquer des réseaux toujours plus sophistiqués, le CPP introduit des techniques d’investigation dignes du XXIe siècle. Les opérations d’infiltration, placées sous «supervision et contrôle stricts du ministère public», permettent de pénétrer au cœur des organisations criminelles. Innovation remarquable : le Code autorise les officiers étrangers à mener des opérations d’infiltration au Maroc sous supervision marocaine, et réciproquement.L’arsenal comprend également l’interception des communications électroniques et téléphoniques, l’enregistrement audiovisuel des interrogatoires et un cadre clair pour «la collecte, la conservation et l’analyse des preuves électroniques». Ces outils s’avèrent essentiels face à des réseaux qui ont exploité 171 personnes en 2023, avec une tendance à la hausse observée depuis 2017 des dossiers traités (17 en 2017, 80 en 2018, 151 en 2019, 131 en 2020).
Assécher les sources de financement
Conscient que l’argent constitue le nerf de la guerre criminelle, le nouveau CPP renforce «les mécanismes d’enquête financière parallèle». La coordination entre les autorités judiciaires, l’Autorité nationale du renseignement financier (ANRF) et les institutions bancaires permet de «suivre les flux financiers des réseaux criminels et de détecter les opérations de blanchiment d’argent». Cette approche vise à «démanteler la structure économique de ces réseaux et les priver de leurs sources de financement», frappant ainsi les organisations criminelles là où elles sont le plus vulnérables : leur portefeuille.Une mise en conformité parfaite avec les standards internationaux
Un communiqué officiel de la CNCLT souligne que le nouveau Code traduit «une conformité parfaite avec les instruments internationaux et régionaux pertinents», notamment le Protocole de Palerme de 2000 et la Convention du Conseil de l’Europe de 2005. Le Maroc répond ainsi aux Principes directeurs des Nations unies concernant les droits de l’Homme et la traite des êtres humains, «consolidant ainsi la position du Royaume dans le système international de lutte contre ce phénomène».La simplification des procédures de traitement des commissions rogatoires internationales et le développement du cadre d’extradition témoignent de cette volonté d’inscrire la lutte dans une dimension résolument transnationale. Le dispositif de protection ne se limite pas aux victimes directes. Il s’étend «aux témoins, experts et dénonciateurs» qui contribuent à révéler les infractions. Le CPP offre des mécanismes incluant la protection physique en cas de menace réelle, la possibilité de témoigner sans révéler son identité complète, le témoignage à distance par techniques de communication visuelle, et «la criminalisation explicite de toute forme de menace ou de représailles».
Les défis de la mise en œuvre
Si l’arsenal juridique impressionne par sa complétude et son ambition, son efficacité dépendra de sa mise en œuvre concrète. La coordination entre les multiples acteurs institutionnels, la formation des magistrats et des enquêteurs aux nouvelles procédures, la mobilisation des ressources nécessaires pour les cellules spécialisées et les structures d’hébergement constitueront autant de défis à relever. Les statistiques montrent une évolution préoccupante : de 47 victimes en 2017, les chiffres sont passés à 171 en 2023, avec un pic à 307 en 2018. Cette tendance souligne l’urgence d’une application rapide et efficace du nouveau dispositif.Cette réforme historique représente bien plus qu’une simple mise à jour législative. Elle incarne, selon les termes du communiqué, «l’engagement ferme du Royaume à protéger la dignité humaine et à combattre toutes les formes d’exploitation». En plaçant la protection des victimes au cœur de son dispositif, en dotant les enquêteurs d’outils modernes et en s’alignant sur les standards internationaux les plus exigeants, le Maroc démontre sa détermination à éradiquer ce fléau qui touche majoritairement ses propres citoyens – 92% des victimes étant de nationalité marocaine.
