Maroc-Algérie : le décryptage de Mohammed Benhammou
Invité de l’émission phare du groupe Le Matin, l’Info en Face, Mohammed Benhammou, président du Centre marocain des études stratégiques, a livré une analyse approfondie des relations tendues entre le Maroc et l’Algérie. Tout en écartant l’éventualité «improbable», selon lui, d’un conflit armée, l’expert a mis en garde contre le risque d’incidents incontrôlés. Pour M. Benhammou, la logique de la confrontation entretenue par le «régime algérien» alimente la haine à l’égard du Maroc et plonge l’Algérie dans l’incertitude. Voici son décryptage des enjeux géopolitiques et stratégiques de l’animosité d’Alger à l’égard de Rabat.
Les relations tendues entre le Maroc et l’Algérie continuent d’alimenter les débats et les craintes quant à leur conséquence sur les deux pays, mais aussi toute la région d’un point de vue géostratégique. Invité à l’émission l’Info en Face, Mohammed Benhammou, président du Centre marocain des études stratégiques (CMES), a apporté un éclairage précieux sur les enjeux géopolitiques et les risques d’un conflit ouvert entre les deux voisins. Son analyse a mis en lumière les dynamiques complexes qui sous-tendent l’hostilité maladive que nourrit le régime algérien à tout ce qui est marocain.
Une improbable guerre conventionnelle
«Nous ne faisons plus la guerre comme avant, avec des chars et des munitions», a tenu a préciser d’emblée Mohammed Benhammou. Tout en reconnaissant que les relations entre les deux pays s’inscrivent dans un contexte de «guerre hybride» de quatrième, voire cinquième génération, l’expert écarte l’hypothèse d’un affrontement militaire conventionnel. Pour autant, il prévient : «Le risque est qu’il y ait des actes mal maîtrisés ou des opérations incontrôlées». Au cœur de cette tension se trouve, selon M. Benhammou, une réalité implacable : «Depuis 60 ans, le régime algérien a fait de la conflictualité une doctrine dans sa relation avec le Maroc». Une opposition systématique au Maroc et ses intérêts alimente de manière acharnée la dynamique de confrontation impulsée par Alger qui espère ainsi se construire une légitimité. «L’Algérie existe par opposition au Maroc», décrypte-t-il, dénonçant le mot d’ordre du «régime algérien» qui voit dans le Royaume «un ennemi, plus qu’un rival».
Les mots employés par Mohammed Benhammou pour qualifier l’attitude algérienne sont dépourvus d’ambiguïté. Il dénonce «cette haine que le régime algérien a véhiculée durant toutes ces décennies», un venin que ce dernier «a réussi à distiller dans le peuple algérien». Pour lui, son escalade contre le Maroc s’apparente à de la folie. «C’est un régime qui devient fou à cause du Maroc, de ce que fait le Maroc et de ses progrès», lâche-t-il avec fermeté.
L’immobilisme du «régime algérien» face aux mutations régionales
Dans son hostilité à l’égard du le Royaume, la ligne de conduite du «régime algérien» demeure inchangée, malgré les évolutions sur la scène régionale, selon le président du Centre d’études stratégiques. «Il y a de temps en temps un changement dans la tactique, mais jamais dans la stratégie», constate-t-il avec lucidité. Une posture belliqueuse qui semble déconnectée des bouleversements géopolitiques secouant une région plongée dans l’instabilité.
Le cavalier seul d’Alger dans le Sahel
Parmi les défis majeurs qui se posent figurent les crises sécuritaires, migratoires et démographiques au Sahel où les tensions se sont exacerbées avec l’Algérie. «L’Algérie fait partie du problème, mais ne fait pas partie de la solution» dans cette région, estime l’expert, qui relève la défiance d’Alger qui voit d’un mauvais œil les changements politiques en cours. «Les élites nouvelles des pays de la région sont dans une position de rébellion face à l’Algérie. Elles n’acceptent plus d’être traitées comme avant par Alger et que celle-ci cherche à imposer sa tutelle», analyse Mohammed Benhammou. Un constat amer qui fait écho au discrédit de la soi-disant puissance régionale algérienne auprès de pays voisins comme le Mali et le Niger.
Le rôle clé du Maroc pour la stabilité au Sahel
Face ces périls, le Maroc se positionne résolument en «acteur de développement» et de «stabilité» dans l’espace sahélien et d’Afrique de l’Ouest, selon M. Benhammou. Déployant des investissements massifs, le Royaume s’érige en rempart contre les trafics transnationaux qui gangrènent la région, tels que celui de la drogue, véritable «menace sécuritaire» pour l’Europe. De même, ajoute l’expert, l’Initiative Royale d’offrir un accès sur l’Atlantique est «une chance pour le Sahel, pour l’Afrique de l’Ouest, pour tout le monde». L’universitaire ne cache pas sa conviction : «Il ne peut y avoir de paix sans développement, ni de développement sans stabilité et paix».
La France, un partenaire fiable pour le Maroc ?
S’agissant du rôle de la France, Mohammed Benhammou fustige un «double jeu» de l’ancienne puissance coloniale. Contestant toute approche globalisante vis-à-vis du Maghreb, il affirme : «La France traite avec chaque pays à part et n’a pas de politique maghrébine unifiée». pour lui, Paris a du mal à gérer une relation basée sur le respect multiséculaire avec le Maroc et une relation émotionnelle avec l’Algérie». Dans ce contexte, Mohammed Benhammou ne semble pas nourrir d’attente particulière envers la France sur le dossier du Sahara marocain pour 2024. «Il ne faut pas s’attendre à ce que la France change sa position», pronostique-t-il, tout en prônant la patience : «Il faut attendre les prochaines élections et le prochain Président français en 2027».
Une mise au point cinglante sur la nature du pouvoir algérien
Interrogé sur la visite d’État prévue du Président algérien à Paris à l’automne prochain et ses éventuelles retombées, le président du Centre marocain des études stratégiques ne se fait guère d’illusions sur un hypothétique dégel des relations entre Rabat et Alger, quel que soit le nom du locataire du Palais Al Mouradia : «Ça ne changera rien dans les relations entre les deux pays, car l’Algérie n’a pas réglé la relation entre le civil et le militaire depuis 1965». Au final, malgré le constat alarmant d’un risque d’escalade incontrôlée, Mohammed Benhammou ne désespère pas de voir la situation se décanter sur la voie du dialogue et de la résolution des différends. «Personne ne voudra d’une guerre dans cette région. Le Maroc a adopté la politique de la main tendue, même si malheureusement l’Algérie répond par le poignard dans le dos !» déplore l’expert. En appelant à «construire des relations basées sur les intérêts» plutôt que sur l’émotionnel, le président du Centre des études stratégiques semble esquisser la voie pour une éventuelle sortie de crise. À condition, peut-être, de redéfinir sur de nouvelles bases les contours géopolitiques et stratégiques de la relation convalescente entre Rabat et Alger.
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