Au Palais Royal de Rabat, ce 28 avril 2025, l’audience est solennelle. Face à Sa Majesté le Roi Mohammed VI, les ministres des Affaires étrangères du Burkina Faso, du Mali et du Niger expriment leur reconnaissance. Leurs pays, réunis au sein de l'Alliance des États du Sahel (AES), voient dans l’Initiative Royale pour l’accès à l’Atlantique une bouée diplomatique et économique, à l’heure où leur isolement international se renforce. L’Initiative Atlantique, déjà en marche depuis 2023 et portée par le Royaume, répond à un impératif vital : rompre l’enclavement historique des pays du Sahel et leur ouvrir l’accès aux marchés mondiaux. En mettant à disposition son littoral, ses infrastructures et son expertise logistique, le Maroc propose bien plus qu’un accès physique à l’océan : il offre une chance aux économies sahéliennes d'accélérer leur développement, de diversifier leurs partenaires commerciaux et de renforcer leur souveraineté économique.
Loin de toute approche condescendante, cette offre s'inscrit dans la philosophie marocaine d'une coopération Sud-Sud sincère, telle qu'elle a été saluée par les ministres sahéliens, qui ont unanimement exprimé leur gratitude pour «cette main tendue au bénéfice des Africains». Comme l’a souligné le ministre burkinabé des Affaires étrangères, Karamoko Jean Marie Traoré, S.M. le Roi «a toujours été un grand défenseur de la coopération Sud-Sud», une constance diplomatique qui trouve ici une nouvelle illustration tangible.
De la solidarité politique à l’intégration économique
Dans ce contexte, si les discours expriment chaleur et fraternité, les actes, eux, tracent des voies concrètes vers l'intégration africaine. Depuis son retour à l’Union africaine en 2017, le Maroc a signé plus de 1.000 accords bilatéraux avec des pays africains et investi près de 5 milliards de dollars sur le continent, dans des secteurs clés comme les énergies renouvelables, l’agriculture, l’éducation et les infrastructures. «L’Afrique représente l’avenir qui commence aujourd’hui», avait déclaré Sa Majesté lors du Discours Royal à l’occasion du 64ᵉ anniversaire de la Révolution du Roi et du Peuple en août 2017, et l’Initiative Atlantique s’inscrit pleinement dans cette dynamique. Elle ambitionne de transformer la façade atlantique africaine en un corridor de croissance et de commerce partagé, en offrant aux pays sahéliens un accès compétitif et sécurisé aux marchés mondiaux.
Pour Karamoko Jean Marie Traoré, ministre burkinabé des Affaires étrangères, cette main tendue est bien plus qu'un projet logistique : «L’audience Royale a été pour nous l’occasion de bénéficier des conseils avisés de Sa Majesté le Roi et de réaffirmer la gratitude de nos Chefs d’État pour cette main tendue au bénéfice des Africains.» En effet, le projet repose sur des infrastructures d’envergure. D’abord le port Atlantique de Dakhla, en construction pour un investissement de 1,2 milliard de dollars, sera capable de traiter 2,2 millions de tonnes de marchandises par an. En plus du gazoduc Afrique Atlantique (Nigeria-Maroc), long de 5.600 kilomètres qui doit relier 15 pays d'Afrique de l'Ouest à l’Europe en passant par le Maroc, avec un coût estimé à plus de 25 milliards de dollars.
Bakary Yaou Sangaré, ministre des Affaires étrangères du Niger, souligne que l’Initiative Royale représente «une aubaine pour nos pays enclavés» et salue «la disponibilité du Maroc à être à nos côtés, au niveau bilatéral comme dans le cadre de l'Alliance des États du Sahel». À travers ses ports modernes, ses routes et ses corridors logistiques, le Maroc propose aux États du Sahel bien plus qu’une ouverture maritime : une insertion directe dans les chaînes d'approvisionnement mondiales, réduisant drastiquement les coûts logistiques qui engloutissent aujourd’hui 30 à 40% de la valeur de leurs importations.
Abdoulaye Diop, ministre malien des Affaires étrangères, ajoute : «Nous exprimons notre profonde gratitude à Sa Majesté pour Son engagement constant en faveur de la solidarité africaine. Le Maroc nous offre non seulement un accès à la mer, mais une chance de renforcer notre souveraineté économique.» Le Maroc avance ainsi une vision cohérente : bâtir une Afrique capable de maîtriser ses flux économiques et de tracer ses propres routes vers le développement.
Une diplomatie d’équilibre
Derrière l’initiative marocaine, se dessine une reconfiguration silencieuse des équilibres africains. Alors que Paris perd du terrain au Sahel – les troupes françaises ayant été expulsées successivement du Mali, du Burkina Faso et du Niger entre 2022 et 2024 – et que de nouvelles influences russes, turques et chinoises se déploient, Rabat avance sans bruit, privilégiant l’écoute et la coopération aux injonctions politiques. La création, en 2023, de l'Alliance des États du Sahel (AES) par ces trois pays marque leur volonté de s’affranchir des schémas traditionnels de partenariat, tout comme leur retrait de la Cédéao (Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest) et de l'Organisation internationale de la francophonie. Dans ce contexte de recomposition, l’approche du Maroc se veut novatrice et pragmatique : sans ingérence ni conditionnalité, il offre un appui respectueux des souverainetés. «Le Royaume a été l’un des premiers à comprendre et à soutenir nos pays, sans jamais s’ingérer dans nos affaires intérieures», rappelle Bakary Yaou Sangaré, ministre nigérien des Affaires étrangères.
Cet équilibre subtil permet au Maroc de renforcer son influence là où d'autres acteurs sont perçus comme illégitimes ou encombrants, alors même que les tensions régionales, notamment avec l'Algérie, se sont intensifiées après des incidents frontaliers et le rappel des ambassadeurs sahéliens d'Alger en avril 2025. Si l'Initiative Atlantique portée par le Maroc suscite un large écho favorable, sa mise en œuvre devra toutefois composer avec les défis logistiques et sécuritaires du Sahel. Dans une région marquée par l’instabilité, la vision africaine de Sa Majesté le Roi Mohammed VI trace une voie ambitieuse, fondée sur la solidarité, le co-développement et l'ouverture sur l'Atlantique. Son succès reposera sur la capacité collective à accompagner cette dynamique et à en assurer la pérennité. Car là où d’autres voient des dangers et des contraintes, le Maroc voit des opportunités et de l’espoir.