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Méditerranée : six scénarios contrastés à l’horizon 2050, entre crise et renouveau

Le rapport MED2050 pour une Méditerranée durable et résiliente, qui vient d’être publié, a été présenté pour la première fois à Tanger lors d’un atelier organisé par le Plan bleu, en partenariat avec l’Institut Royal des études stratégiques (IRES). Fruit d’une collaboration d’experts de toute la Méditerranée, ce rapport prospectif explore six scénarios contrastés pour l’avenir de ce pourtour à l’horizon 2050. Entre dégradation accélérée sous l’effet du changement climatique et transformation en modèle de coopération et de développement durable, la Méditerranée se trouve aujourd’hui face à des choix cruciaux. Au-delà des enjeux environnementaux, c’est tout l’équilibre géopolitique, économique et social de cet espace au confluent de l’Europe, l’Afrique et le Moyen-Orient qui est en jeu. Une région dont le destin déterminera en grande partie celui du monde.

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Joyau naturel prisé pour son climat enchanteur et son patrimoine culturel unique, la Méditerranée est aujourd’hui à la croisée des chemins. Derrière l’image de carte postale de ce berceau des civilisations, les experts dressent un constat alarmant. Réchauffement accéléré, pression démographique, perte de biodiversité, pollution, tensions géopolitiques... Les défis s’accumulent et menacent l’avenir de toute la région.

Face à ces enjeux vitaux, le temps des décisions est venu. C’est tout le sens du rapport MED2050, présenté en avant-première à Tanger le 4 février 2025. Le document est le fruit de 4 années d’un travail collaboratif inédit, mené par une centaine d’experts de tout le pourtour méditerranéen pilotés par le Plan bleu (un des Centres d’activités régionales du Plan d’Action pour la Méditerranée du Programme des Nations unies pour l’environnement et qui produit des études et des scénarios pour l’avenir afin de sensibiliser les parties prenantes et les décideurs méditerranéens aux questions d’environnement et de développement durable de la région). Objectif : explorer les futurs possibles de la région à 30 ans, pour mieux éclairer les choix du présent. Mais la sortie de ce rapport enclenche un nouveau processus de débat, de dialogue et d’échange pour co-construire des futurs souhaitables pour la région. Lors de cette étape, les experts de l’IRES et du Plan bleu ont focalisé en particulier sur les scénarios à prévoir dans le cas du Maroc.

Le Maroc, pionnier d’une transition vers un développement durable en Méditerranée

Un leadership que le Maroc entend prendre, comme l’illustre l’organisation de cet atelier à Tanger, première étape d’un «MED2050 Tour» qui doit également passer par la Tunisie et la Croatie... «L’IRES a bien voulu, en accord avec le Plan bleu, que cet atelier soit organisé à Tanger, une ville méditerranéenne, afin d’enrichir le rapport prospectif Med 2050, en mettant en exergue la vision du sud de la Méditerranée, particulièrement celle du Maroc en passant en revue les grandes avancées du Royaume dans une multitude de domaines», a indiqué Tawfik Mouline, directeur général de l’IRES. Il faut dire que le Royaume fait figure de bon élève régional en matière de développement durable, comme le souligne Tawfik Mouline : «Sous l’impulsion de Sa Majesté le Roi, le Maroc s’est engagé dans une dynamique de durabilité authentique, à travers des politiques publiques innovantes dans des secteurs clés comme le climat, l’eau, l’énergie, la mobilité, sans pour autant faire l’impasse sur les problématiques socio-économiques». Cette stratégie multidimensionnelle répond à la grille de lecture systémique de l’IRES : humain, nature, planète, technologie, gouvernance, des piliers sur lesquels le Maroc entend bâtir une croissance verte et bleue, inclusive et résiliente.

«Le Maroc a tous les atouts pour être un modèle de développement durable pour l’ensemble de la Méditerranée, estime Robin Degron, directeur du Plan bleu. C’est aussi un pont naturel entre l’Europe et l’Afrique, un acteur clé pour catalyser la coopération régionale autour de cet enjeu vital. Voilà pourquoi nous avons choisi d’initier ici ce processus de co-construction des “Chemins de Transition” de la Méditerranée».

MED2050, un exercice de prospective inédit pour penser l’avenir de la Méditerranée

Ainsi que le précise le Tawfik Mouline, directeur général de l’IRES, «l’Institut a, par ailleurs, suivi toutes les étapes du projet depuis le choix de la méthodologie jusqu’à la formulation des scénarios en mettant l’accent sur la nécessité d’une démarche inclusive des pays du Sud de la Méditerranée et sur l’analyse des politiques publiques. L’atelier d’aujourd’hui, qui réunit un panel de haut niveau composé d’experts marocains et français, issus de divers horizons, vise à croiser les perspectives, à débattre des différents scénarios explorés dans le cadre de l’exercice prospectif Med 2050, auquel je participe depuis son lancement en 2019 en ma qualité de membre du Comité d’Orientation», a-t-il souligné.

Par ailleurs, les participants à cet atelier ont considéré que, loin de se limiter à des projections, le rapport MED2050 est un véritable exercice de prospective dans toutes ses dimensions, comme l’expliquent les experts du Plan bleu : «Nous ne cherchons pas seulement à extrapoler les tendances actuelles, mais à intégrer les ruptures, les incertitudes, les visions du futur exprimées par les acteurs. L’objectif est d’explorer toute la palette des possibles, pour identifier des chemins de transition vers une Méditerranée résiliente et durable».

Une approche novatrice, qui considère la Méditerranée à la fois comme mer et comme région, dans sa globalité et sa complexité. Changement climatique, dynamiques démographiques et migratoires, mutations technologiques, évolutions des modes de vie et de consommation... C’est tout un système qui est passé au crible pour décrypter ses interactions et anticiper ses évolutions.

«Ce qui fait la richesse de ce travail, c’est aussi la diversité des expertises et des perspectives mobilisées, souligne Denis Lacroix, secrétaire général du Plan bleu. Climatologues, écologues, économistes, géographes, sociologues, prospectivistes... C’est un regard multidisciplinaire et multilatéral sur la Méditerranée que nous proposons, pour sortir des approches en silos.» Un travail de fond et de forme, qui aboutit à la production de six scénarios, autant de visions contrastées de ce que pourrait être la Méditerranée en 2050. Et d’hypothèses à mettre en débat pour co-construire l’avenir.

Six scénarios entre effondrement et renaissance

Des futurs dans lesquels plonger pour mieux rebondir dans le présent. C’est toute la philosophie des six scénarios proposés par MED2050, comme le résume Khadidja Amine, responsable prospective du Plan bleu. Ces scénarios, loin d’être des prédictions ou des prescriptions, sont avant tout des outils pour stimuler le dialogue et l’anticipation sur l’avenir souhaitable de la Méditerranée, malgré un contexte chaotique. Ils explorent un éventail de trajectoires plus ou moins désirables, de la paralysie et la marginalisation d’une région fracturée, à l’adaptation forcée dans un mode survie face aux chocs climatiques, en passant par les impasses d’une croissance à tout prix, les inégalités d’une modernisation sous influence ou encore l’émergence d’un modèle méditerranéen autonome et durable, voire d’une gouvernance innovante de la Méditerranée comme bien commun mondial. Leur point commun réside dans l’ancrage dans les réalités et les contraintes du présent. Mais tous portent aussi la conviction qu’un sursaut collectif reste possible pour préserver ce patrimoine unique, à condition d’agir vite et ensemble.

Co-construire l’avenir de la Méditerranée : la nécessité d’un nouveau contrat social et environnemental

Au-delà du diagnostic prospectif, MED2050 se veut une boussole pour l’action. En s’appuyant sur une analyse fine des dynamiques à l’œuvre, le rapport identifie un ensemble de recommandations, de «mesures sans regret» à mettre en place dès aujourd’hui. Ces actions comprennent l’investissement dans l’adaptation climatique, la régénération des écosystèmes marins et côtiers, la promotion des énergies vertes et de l’économie circulaire, le renforcement de la résilience urbaine et alimentaire des territoires, la réorientation des financements vers le développement durable et la démocratisation de la gouvernance environnementale. Des axes stratégiques, qui appellent un nouvel imaginaire politique et social. Passer du court-termisme à l’intérêt des générations futures, de la compétition à la coopération, de la croissance effrénée à la prospérité durable... C’est à une sorte de refondation du contrat social méditerranéen qu’invite MED2050.

«Ce rapport ne se veut pas moralisateur ou prescriptif, mais il porte un message clair : la Méditerranée n’a d’avenir qu’autour d’un projet collectif et fédérateur, insiste Robin Degron. Un projet fondé sur une vision partagée de la Méditerranée comme maison commune, comme écorégion à préserver et à valoriser. Cette écologie positive est un défi civilisationnel auquel les pays du Sud ont toute leur part à prendre».

En posant les jalons d’une prospective méditerranéenne à 360°, MED2050 ouvre ainsi un espace inédit de dialogue et d’action. Un espace où poser la question du sens, de l’identité et de l’ambition d’une Méditerranée en quête de boussole. Entre crise et renaissance, effondrement et résilience, la Méditerranée a rendez-vous avec son destin. Un rendez-vous à ne pas manquer pour le monde.

Les six scénarios de MED2050 : entre crise et renaissance

Le rapport MED2050 explore six scénarios contrastés pour l’avenir de la Méditerranée à l’horizon 2050. Comme le soulignent l’équipe de Plan bleu, «il ne s’agit pas de récits imaginaires, mais d’une combinaison raisonnée d’hypothèses». L’objectif est «de mettre en évidence des blocages ou des marges de manœuvre pour l’action à court, moyen et long terme».

• Le premier scénario, «Inertie et marginalisation», prolonge les tendances actuelles. Selon le rapport, il décrit «une région paralysée par de multiples blocages et par la procrastination des décideurs». Cela conduit à «une dégradation continue des écosystèmes, la fragmentation des sociétés, des conflits d’accès aux ressources et la marginalisation de la région».

• Le deuxième scénario, «Choc des crises et adaptations forcées», envisage une succession de crises qui «conduisent à la déstabilisation de l’ensemble des sociétés, puis à la mise en place de mécanismes d’adaptation» locaux. MED2050 prévoit que «face à ces événements extrêmes, les pouvoirs politiques se montrent de moins en moins capables de réagir».

• Dans «Croissance à tout prix», troisième scénario, «l’économie est considérée comme l’objectif central du développement». Mais selon le rapport, «la primauté donnée à l’efficacité économique comme la recherche d’une rentabilité de court terme des capitaux conduisent à privilégier les logiques extractives d’exploitation intensive des ressources».

• Le quatrième scénario mise sur «un partenariat euro-méditerranéen pour une transition bleue-verte». Il s’agit «d’étendre aux pays du sud de la Méditerranée le Pacte vert de l’Union européenne». Mais le rapport souligne que «ces politiques fondées sur le techno-solutionnisme et les perspectives de marchés ne répondent qu’à une partie des enjeux écologiques».

• «Un autre modèle de développement durable spécifiquement méditerranéen» est proposé dans le cinquième scénario. L’objectif est «d’aller vers une durabilité forte du développement – grâce à une transformation à long terme et raisonnée des modes et conditions de vie, des modèles économiques et des formes de gouvernance».

• Enfin, le sixième scénario envisage «La mer Méditerranée comme un bien commun mondial». Face à une dégradation rapide, «l’objectif d’une restauration exemplaire de la mer Méditerranée devient une priorité de la communauté internationale et régionale».

L’équipe de Plan bleu, insiste pour dire que : «ces scénarios ne sont pas normatifs ou prédictifs. Ce sont des outils d’anticipation et de dialogue sur l’avenir souhaitable de la Méditerranée». Leur point commun est «l’ancrage dans les réalités et les contraintes du présent. Mais tous portent aussi la conviction qu’un sursaut collectif reste possible pour préserver ce patrimoine unique, à condition d’agir vite et ensemble».
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